Le Reflet : Mon Général, comment vous sentez-vous après votre brillante élection à la présidence de l’ACNOA ?
Général Lassana Palenfo : Je suis heureux de la confiance que la famille sportive et olympique africaine vient de témoigner à ma modeste personne. C’est un immense honneur, mais aussi une lourde responsabilité. En effet, par ce choix, les Africains ont placé leur confiance en moi pour hisser l’Afrique au niveau des autres continents dans les domaines du sport et de l’olympisme. La responsabilité est certes immense, mais c’est également une mission exaltante et nous ne ménagerons aucun sacrifice pour être à la hauteur et combler les attentes légitimes des Africains.
–Qu’est-ce qui vous a le plus favorisé par rapport à vos adversaires ?
G.L.P : Il y a d’abord l’expérience que j’ai accumulée dans la gestion et le développement du sport, surtout du judo, en Côte d’Ivoire et en Afrique. Il y a aussi la qualité et la pertinence du programme que j’ai soumis à l’ensemble des Comités nationaux olympiques (CNO) du continent. Je suis parvenu, avec l’aide de mon directeur de campagne (Habib Sissoko, le président du comité olympique du Mali, NDLR) et de toute mon équipe, à leur faire partager ma vision et mon ambition pour le sport et l’olympisme africains. Je pense que c’est ce qui a fait la différence.
–Certains pensent que le fait d’être membre actif du Comité international olympique (CIO) a été un atout déterminant pour vous ?
G.L.P : Je n’en suis pas sûr. Bien au contraire ! Cela pouvait être un handicap majeur car, de plus en plus, les Africains se méfient de ceux qui travaillent au sein de ces organisations sportives internationales. Ils font alors tout pour qu’ils ne dirigent pas les associations sportives nationales et continentales car ils veulent s’affranchir de l’influence des organisations comme le CIO. Je pense que ma présence à ce niveau de responsabilité aurait pu être un handicap sérieux si nous n’avions pas pu convaincre les délégués que cela est un atout stratégique de plus pour le continent.
–Comment avez-vous interprété le désistement de certains de vos adversaires comme le Colonel Kalkaba Malboum du Cameroun et Diandy N’Diaye de la Gambie ?
G.L.P : Je pense que c’est un signe de maturité et de responsabilité de leur part. En bons sportifs, ils ont été fair-play en reconnaissant implicitement la pertinence de mes projets et la netteté de ma vision du développement du sport en Afrique. C’est un signe d’amitié et de fraternité. Je sais compter sur leur franche et étroite collaboration pour nous aider à combler le retard de notre continent par rapport aux autres en matière de sport et d’olympisme.
–Que craigniez-vous le plus par rapport à cette élection ?
G.L.P : C’est la désinformation ! Certains de mes adversaires ont utilisé des médias pour essayer de me discréditer en faisant circuler de fausses informations sur moi. Ils ont cherché à m’abattre en leur faisant dire que je ne vivais plus dans mon pays, que je suis l’ami des Français ou que je suis coupé des réalités du continent. Je ne vois aucune contradiction entre mes ambitions pour l’Afrique et mon lieu de résidence. On aurait pu nous faire l’économie de telles futilités qui ne nous grandit pas aux yeux de l’opinion internationale.
–Expliquez-nous un peu votre vision de la nouvelle mission à vous confiée par les CNO d’Afrique ?
G.L.P : Pour nous, il s’agit d’abord de faire le point des actions mises en oeuvre pour le développement du sport continental. Nous avons tous conscience que sans les athlètes, sans nos sportifs, il n’y a pas d’ACNOA. Aussi, mes premières actions seront-elles consacrées à l’organisation de mini-jeux africains dans chaque zone. L’athlétisme sera naturellement la discipline de base de ces compétitions. Mais, chaque zone, en fonction de ses spécificités, de ses besoins et de ses moyens, va compléter le tableau par cinq ou six disciplines collectives ou individuelles. Il s’agit pour nous de multiplier les opportunités de détection des jeunes talents. Nous allons ensuite procéder à la création de centres pour suivre et former les révélations de ces compétitions. Un accent particulier va être mis sur la formation des techniciens de haut niveau dans tous les domaines (management, marketing, NTIC, gestion administrative et technique, etc.). Certes les dividendes des Jeux Olympiques nous sont redistribués. Mais, ces fonds sont trop insuffisants pour nous permettre d’atteindre nos objectifs. Nous ne pouvons pas non plus trop miser sur les ressources de nos Etats car ils ont d’autres priorités sociales comme l’Education, la Santé, l’accès à l’Eau potable… Ils font pour le sport ce qu’ils peuvent, mais cela ne suffit pas. Il nous faut donc créer des fonds propres grâce au sponsoring, au marketing. Nous devons vendre notre image comme le font les autres continents. Et cela suppose des sportifs d’élite performants, des compétitions de très haut niveau, des infrastructures sportives de qualité et surtout une meilleure organisation administrative et technique. Nos efforts de formation seront donc axés sur ces différents domaines. Et notre souhait est de pouvoir organiser des ateliers en marge de toutes nos compétitions. C’est une stratégie qui a porté ses fruits en judo et nous sommes convaincus qu’elle peut être également efficace dans la promotion du sport africain de façon générale.
–Quelles sont réellement vos priorités ?
G.L.P : Les sportifs seront naturellement au coeur de nos priorités. Il faut leur donner davantage d’occasions de se mettre en valeur, de s’aguerrir au contact des autres au niveau national, zonal puis continental et international. Nous allons aussi instituer une forme de compétition entre les Comités nationaux olympiques afin de les redynamiser. Ainsi, ceux qui se distingueront par la pertinence et l’efficacité de leurs projets de développement du sport et de l’olympisme seront récompensés. Nous accorderons une grande importance aux projets qui prennent mieux en compte les femmes, les handicapés, la réinsertion, etc. La réinsertion est très importante pour pouvoir garder nos talents sur le continent. Il faut donner aux sportifs les moyens de vivre de leur talent sur place tout en s’adonnant à leur passion. Le sponsoring, le marketing peuvent nous offrir les moyens de les motiver davantage afin qu’ils ne s’expatrient plus.
–L’Afrique est très en retard par rapport à la vulgarisation de l’Education Olympique. Que comptez-vous entreprendre dans ce domaine ?
G.L.P : C’est un aspect que notre programme prend en compte. Notre objectif, dans ce domaine, est d’encourager tous les CNO à créer des Académies nationales olympiques. Ensuite, il faudra les encourager à envoyer des représentants à la session internationale pour les jeunes que l’Académie internationale olympique (AIO) organise chaque année à Olympie (Grèce). C’est une grande opportunité d’éducation et de formation olympiques. Ces jeunes peuvent, grâce à l’expérience et aux connaissances acquises au berceau de l’Olympisme, nous aider dans la vulgarisation de l’Education et des valeurs olympiques en Afrique.
–L’ACNOA pèche jusque-là dans la communication. Comment comptez-vous corriger cette lacune ?
G.L.P : Les Nouvelles technologies de l’Information et de Communications vont nous permettre d’améliorer notre communication. Nous commencerons par mettre notre siège (à Yaoundé, au Cameroun) au diapason des NTIC pour favoriser les échanges à tous les niveaux. Tous les membres du bureau exécutif vont être formés aux NTIC afin de favoriser la communication et multiplier les contacts entre nous. Nous prévoyons aussi d’organiser des formations aux NTIC en marge de certaines compétitions.
–Les médias africains ne sont pas assez au fait de l’Olympisme. Qu’envisagez-vous d’entreprendre pour les intéresser à ce Mouvement et à partager ses valeurs ?
G.L.P : Les médias sont nos partenaires stratégiques avec qui nous allons tisser des liens étroits. Nous misons beaucoup sur le marketing sportif pour financer nos activités. Et pour vendre une image, il faut la promouvoir, la faire connaître. Les médias sont incontournables à la réussite de cette politique commerciale. Pour être efficace, nous envisageons de créer une commission communication au sein de l’ACNOA. Elle va être animée par des journalistes chevronnés et des spécialistes valables en marketing.
–Doit-on s’attendre à ce que vous reveniez vous installer en Afrique après votre élection ?
G.L.P : Comme je l’ai dit au début de cet entretien, dans ma nouvelle mission, le pays de résidence importe peu. Je veux surtout rappeler aux gens que même quand je vivais en Côte d’Ivoire j’étais absent du pays presque 11 mois sur 12. Et j’ai gardé ce rythme. Par exemple pour partager mes projets et ma vision avec les CNO, j’ai sillonné tout le continent pendant presque deux mois. Peu importe donc que je sois à Abidjan, Bamako, Paris ou Yaoundé. L’essentiel c’est l’efficacité de ma contribution au développement du sport et de l’Olympisme en Afrique.
–Votre mot de la fin mon Général ?
G.L.P : Il y a un grand effort à faire au niveau de l’information sportive. Notre souhait est que les journalistes privilégient l’éthique et la déontologie de leur exaltante profession. Nous avons besoin d’eux pour progresser en nous améliorant. Mais, souvent, ils créent plus de problèmes qui nous éloignent de nos objectifs. Nous comptons sur les médias pour réaliser nos ambitions grâce à des critiques objectives et surtout dans la réalisation de notre politique de marketing en mettant en avant les efforts de développement des dirigeants et les meilleures performances de nos sportifs.
Propos recueillis par
Moussa Bolly
Envoyé spécial
12 juillet 2005