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Le 9 septembre dernier, quarante-quatre militaires maliens, précédemment retenus en otage par les groupes de bandits armés touaregs, étaient remis par ceux-ci aux émissaires du guide de la révolution libyenne, lesquels les ont remis, à leur tour, aux autorités militaires maliennes. Nombreux étaient alors les acteurs et observateurs du drame septentrional à y voir la fin d’un feuilleton.

Tout le monde, sauf un groupuscule d’activistes conduits par Amadou Diallo, un ex-combattant du Mouvement patriotique Ganda Koy (MPGK), groupe d’autodéfense civil qui s’est auto dissout au lendemain de la « flamme de la paix », cérémonie au cours de laquelle les belligérants de la rébellion des années 90 ont décidé de brûler les armes à Tombouctou. Rebaptisé « Ganda iso », ce groupuscule s’est donc constitué à Gao et a décidé de sévir. Que veut-il ?

Officiellement, il s’agit d’une milice d’autodéfense. Contre qui ? Il y a quelques années, si l’on a compris la création du MPGK, en réponse à la rébellion armée touarègue et arabe qui n’avait épargné aucune région du nord, beaucoup s’interrogent sur l’opportunité et la nécessité aujourd’hui d’une milice de ce genre à Gao. En effet, cette région, hormis les attaques par les bandits touaregs des garnisons militaires de Ménaka, pour se procurer des armes et munitions, et d’Ansongo, perpétrées par un groupe dissident de l’Alliance, dont les membres voulaient démontrer leur autonomie et avaient besoin de se procurer la logistique nécessaire à leurs activités, cette région donc, jusque là, avait été épargnée par les bandits touaregs. Ceux-ci, en effet, ne semblent être intéressés que par le nord-est de la région de Kidal et une petite partie du cercle de Ménaka.

Deux zones qui, au cas où l’armée allégeait son dispositif sécuritaire, comme l’ont exigé les bandits, permettraient à ceux-ci de contrôler les passages des réseaux mafieux qui y opèrent. De plus, le nouveau mouvement est localisé principalement à Fafa, dont l’île, Koukya, ancienne capitale de l’empire songhay, lui sert de base.

C’est là que Amadou Diallo, natif du village et ex élément de la garde nationale, recrute la plupart de ses éléments, ses autres comparses étant issus de la communauté Dawsak, établie dans le cercle de Ménaka et dans la commune de Tin Hamma (cercle d’Ansongo). Comme il est loisible de le constater, Ganda iso est loin du véritable théâtre des opérations, la région de Kidal. D’où les interrogations sur les véritables motivations de ce groupuscule, celles avancées ne tenant pas la route.

De fait, les revendications de cette milice sont d’une toute autre nature. Leurs causes sont à rechercher dans les années 90, 95 et 96. Lorsque l’ancien président de la République Alpha Oumar Konaré a eu une gestion qui, dès cette époque, a suscité la controverse et, même, la réprobation dans certains milieux.

On se rappelle, en effet, que, si les ex-rebelles touaregs et arabes ont été recrutés par fournée dans différents corps de l’armée, des forces de sécurité et de l’administration, souvent à des postes de responsabilité, seuls quelques responsables du MPGK (dont l’actuel meneur de Ganda iso, Amadou Diallo) avaient pu bénéficier de postes intéressants à leurs yeux.

La grande masse des ex-combattants, qui ont accepté de déposer les armes au même titre que les rebelles, se sont vus octroyés des fonds de réinsertion que beaucoup d’entre eux ont jugé dérisoires. C’est depuis cette période que sont nés les sentiments de frustration et de « deux poids, deux mesures ».

La création de cette milice procède, en réalité, de la volonté de ses membres de faire réparer « cette injustice » Contrairement à ce que beaucoup pensent, leur décision de reprendre les armes ne date pas d’aujourd’hui. De fait, dès les premiers évènements de Kidal, les responsables du MPGK s’étaient réunis pour tenter de réactiver le mouvement. Mais, ils ne sont jamais parvenus à un accord unanime ou même consensuel.

Une partie de ces responsables s’est alors tournée vers d’ex-combattants du FIA, une composante de la rébellion des années 90, pour la reprise, ensemble, des armes contre les bandits armés. Au même moment, l’autre tendance prônait le statu quo et la paix.

Or, c’est cette tendance, largement majoritaire, qui est parvenue, grâce à son influence (elle est composée d’importantes notabilités et de hauts responsables politiques et administratifs de la région), pendant de longs mois, à freiner les ardeurs belliqueuses des partisans des armes. Jusqu’à la récente attaque contre la brigade de la gendarmerie d’Ansongo. C’est à ce moment que l’idée a véritablement pris corps.

Le prétexte au déclenchement des hostilités sera trouvé quelques mois plus tard, à la faveur de litiges entre bergers touaregs et cultivateurs sédentaires, des litiges qui n’ont pourtant jamais cessé d’exister depuis des décennies entre ces communautés, de même qu’entre Peulhs et Songhays. Cependant, la plupart de ces différends ont toujours connu une gestion heureuse, soit par les communautés elles-mêmes, soit par les autorités.

Aujourd’hui, ce qui est à craindre et que les autorités ont compris, c’est l’escalade de la violence. Parce que, autant les activités criminelles et mafieuses de Ibrahim Ag Bahanga pouvaient déboucher sur une véritable rébellion armée s’il avait bénéficié du soutien de ses communautés d’origine, autant l’activisme de Amadou Diallo pourrait conduire à un conflit interethnique inutile. Pour l’heure, il est loin d’avoir le soutien, ni même l’aval des communautés Songhay et Peulh dont il se réclame, mais la situation pourrait bientôt se dégrader. Surtout si l’Etat ne réagit pas. A temps…

Cheick Tandina

25 Septembre 2008