Rarement casting aura été aussi irréprochable.
Pour circonscrire la crise postélectorale qui est en train de se nouer en Gambie, la CEDEAO a en effet dépêché hier à Banjul quatre de ses chefs d’Etat membres, tous anglophones (Nigeria, Ghana, Liberia et Sierra Leone), sans doute pour qu’il n’y ait pas de quiproquo, et dont les pays sont des démocraties bien consolidées ou en voie de l’être : Le Nigérian Muhammadu Buhari, le Sierra-Léonais, Ernest Bai Koroma, et la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf et le Ghanéen John Dramani Mahama.
Plus que les trois autres, ce dernier constitue l’argument humain le plus massif contre Yahya Jammeh, car au moment même où le président sortant de Gambie, après avoir reconnu sa défaite, faisait une volte-face extraordinaire, son homologue ghanéen, lui, a choisi de respecter la voix des urnes et de s’en aller cultiver son propre jardin puisqu’il vient d’être battu par son propre adversaire Nana Akufo Addo.
Pour aller faire la leçon à l’imprévisible Jammeh, encore fallait-il soi-même être à l’abri de toute critique, à l’exemple de ces quatre mousquetaires de la CEDEAO. Mais cela suffira-t-il à amadouer l’incontrôlable maître de Banjul qui, en l’espace d’une semaine, aura changé d’avis trois fois ?
Il reconnaît d’abord son échec dans un mémorable coup de fil au vainqueur Adama Barrow pour ensuite exiger l’annulation pure et simple du scrutin et l’organisation d’une nouvelle élection et enfin indiquer qu’il introduira des recours à la cour suprême.
De quoi donner le tournis non seulement aux Gambiens mais aussi à toute la communauté internationale. On savait le satrape de Banjul imprévisible, mais là il dépasse les bornes ! Même si le nouvel élu et ses compatriotes, ivres de joie après deux longues décennies de dictature, ont commis des maladresses et quelques écarts de langage au sujet de l’avenir judiciaire du trublion, cela ne saurait être une excuse absolutoire pour justifier son braquage électoral.
En réalité, on se demande si ce virage à 180 dégrés ne procède pas d’une stratégie de la surenchère pour négocier une porte de sortie sans encombre ; c’est d’ailleurs peut-être ce que les autres missi dominici de la CEDEAO sont venus marchander avec lui : « On te laisse tranquille mais tu quittes le pouvoir ». Telle a donc pu être la monnaie d’échange, objet de la fébrile agitation de ces derniers jours.