Quant à Sory Ba Diallo (le frère de Abdoulaye Diallo et non moins étudiant en 2e année droit à la FSJE), il a écopé d’une peine de trois mois ferme pour complicité. Ces quatre personnes qui viennent d’être condamnées étaient poursuivies depuis novembre 2005 par le procureur de la République près le tribunal de première instance de la Commune III pour fraudes aux concours et examens.
De quoi s’agit-il ?
Au cours des corrections, il a été constaté des irrégularités sur les copies de Sidy Fofana, Abdoulaye Diallo et Mohamed Gaoussou Coulibaly. Ces trois candidats pour accéder à la magistrature ont utilisé des moyens frauduleux.
Lors des examens, en traitant les différents sujets, les trois candidats ont fait des devoirs identiques en Droit commercial, en droit pénal et en droit civil. Dans ces différentes épreuves, ils ont utilisé les mêmes phrases et la même ponctuation. D’autre part, les écritures utilisées par ces trois candidats dans les différentes matières ne se ressemblaient pas.
Ce sont ces faits qui ont été évoqués hier matin au tribunal correctionnel de la Commune III. Compte tenu de son caractère insolite et des faits rocambolesques de cette affaire, la salle d’audience du tribunal de première instance de la Commune III a refusé du monde. Beaucoup de gens
: parents des prévenus, jeunes juristes, curieux, ont pris d’assaut cette salle pour assister à ce procès.
Une première depuis l’instauration des concours de recrutement à la fonction publique et surtout pour accéder au corps des auditeurs de justice.
A part l’absence des avocats qui n’ont pas voulu se constituer pour ces candidats, tout le tribunal était là pour un déroulement correct du procès.
Dès le début, les quatre prévenus ont subi les tirs croisés du président du tribunal et du procureur Sombé Théra. La stratégie de dénégation adoptée par les prévenus n’a pas résisté à la détermination du tribunal de faire toute la lumière sur cette affaire.
Si dans les grandes lignes, chacun des prévenus a reconnu les faits à lui reprochés, au cours des débats les propos des uns et des autres n’ont jamais cessé de varier.
Ils ont tous reconnu qu’après les épreuves de culture générale, ils se sont concertés pour mettre en place un petit staff afin de traiter les différents sujets.
C’est ainsi qu’en droit civil dont le sujet était « l’autorité de la chose jugée à l’étranger a-t-elle une force exécutoire au Mali« , Mohamed Gaoussou Coulibaly s’est fait aider de Sory Ba Diallo pour le traiter, le recopier et le faire parvenir aux deux autres qui sont restés en salle.
En droit Pénal aussi, « Le bourreau n’est-il pas un assassin ?« , Mohamed Gaoussou Coulibaly s’est servi de son ancien cours de Droit pénal spécial pour élaborer un plan, traiter le sujet et le faire rédiger par Sory Ba Diallo à la place de lui-même et des autres. Il en a été de même en Droit commercial qui portait sur le sujet suivant : « en quoi le vendeur d’un fonds de commerce a-t-il intérêt à faire un nantissement sur le fonds vendu« .
Selon le prévenu Mohamed Gaoussou Coulibaly, toute cette entreprise a été rendue possible à cause de la légèreté de la surveillance. Lors de ce concours, répéta-t-il, à mainte reprises, la surveillance était tellement légère que les candidats sortaient sans permission.
Intelligence extrême
Dans un réquisitoire accablant, le procureur de la République près le tribunal de première Instance de la Commune III, Sombé Théra qui occupait le banc du ministère Public dira que les fraudes aux concours et examens décelées lors du concours des auditeurs de Justice interpellent plus d’un citoyen. « C’est tout l’appareil judiciaire qui est interpellé« .
Ces jeunes, ajouta-t-il, n’ont à aucun moment jugé de la portée et de la gravité des faits qui leurs sont reprochés. La vérité recherchée, selon lui est celle qui ressort du procès-verbal et des débats. « Cette vérité n’a pu être cernée parce que ces jeunes là sont d’une intelligence extrême mais une intelligence utilisée dans le sens du mal dans un domaine où c’est l’excellence qui est recherchée« .
Selon le Procureur, « la magistrature est en crise. Cette crise trouve son origine dans les rapport douteux que certains magistrats entretiennent avec les justiciables. Ces magistrats sont aujourd’hui accusés de tous les maux. L’institution judiciaire s’en trouve bafouillée« .
Sombé Théra affirma qu’il est temps de verrouiller le système dans son ensemble.
Selon lui, la Magistrature ne saurait s’accommoder de la tricherie.
Pour Sombé Théra, notre magistrature n’a pas besoin d’un tel mauvais spectacle. Il est temps, dira-t-il, de faire taire certaines personnes qui pensent que la magistrature n’a pas la capacité de s’autogérer.
Il a requis d’infliger une peine minimum de 24 mois de prison aux prévenus et une interdiction d’exercer la profession de magistrat.
Le tribunal a retenu la culpabilité des prévenus en les déclarant coupables et les a condamnés, chacun à 6 mois d’emprisonnement ferme et trois mois pour le complice.
Birama Fall
15 février 2006.