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L’homme, avec le privilège de son esprit évolutif s’est approprié la science et la technique. En le faisant, il avait le devoir de s’éloigner du règne animal. Il avait bien commencé à palisser ses moeurs pour goûter les bénéfices de ce qu’il a appelé « civilisation ».

Mais malheureusement, l’évolution de la science, de la technique et la technologie n’est pas allée de pair avec celle de la conscience qui nous rendait supérieurs aux animaux. C’est grave.

L’humanité retombe dans la jungle, cette fois-ci avec des moyens accrus facilitant son autodestruction. Le danger est d’autant plus réel pour l’humanité que la nation qui devrait être considérée comme la plus civilisée offre aujourd’hui le plus grand modèle d’injustice et de barbarie.

J’ai nommé les Etats-Unis d’Amérique. Je suis d’autant plus libre de m’exprimer que je n’émane ni d’un gouvernement, ni d’une autorité politique quelconque, ni même d’une association. Mes points de vue n’engagent que ma modeste personne.

Le monde est dans un contexte où la cupidité, l’arrogance et le fantasme d’une poignée de parvenus peuvent disposer de tout, y compris du droit de vie et de mort sur tous. La politique américaine, entre autres, illustre parfaitement cette jungle.

L’invasion irakienne, le cas de Guantanama parmi tant d’autres, prouvent que le non droit et l’esprit de jungle caractérisent le comportement des grands de ce monde. Ils font tout à leur guise et à leur convenance.

C’est le lieu pour moi d’encourager les puissances de progrès et de paix à travers le monde, dans leurs efforts de rééquilibrage des forces, en vue d’une direction multipolaire des affaires de l’humanité.

Les pays industrialisés, dans le cheminement de leur histoire, dans leur évolution technologique, ont fini par fabriquer une société inhumaine, froide et sans solidarité. Une société guidée et gérée par la loi du marché, le froid calcul d’extraction de profits. Les autres peuples moins évolués ont été pris dans cet engrenage par la force des choses.

Nous voici donc dans un même tourbillon au sein d’un monde globalisé. Un monde « charmant », caractérisé par l’effondrement des barrières, l’ouverture économique, la libéralisation financière…, le tout soutenu par de puissants et faciles moyens de communication. Nous voici donc contraints de prendre part à cet affrontement économique et commercial normalisé par les nantis, sous l’oeil de leur puissance satellitaire.

Nous qui avons très peu de choses à donner et presque tout à recevoir. La seule alternative pour l’Afrique indépendante était de se constituer en un bloc soudé pour prendre part à cet affrontement. Mais malheureusement, l’expérience prouve qu’il sera difficile, pour cette Afrique de rebâtir sa maison fissurée et lézardée par la colonisation.

Les gouvernements africains entrent donc dans la mondialisation par un mouvement de sauve qui peut.
Emanant d’une démocratie où la légalité et la légitimité ne se confondent pas toujours ; surtout dans un monde où l’argent et la communication règnent, ils n’ont d’autre choix que de bien attacher leurs peuples pour les livrer aux mondialisateurs s’ils veulent gouverner en paix.

D’ailleurs, la plupart du temps, ils sont complètement déconnectés des réalités sociales de leurs milieux. Cela se comprend aisément quand on sait qu’ils émanent en général de l’élite africaine imbue des valeurs de son maître et qui n’a jamais pu se retremper dans sa propre culture, ni regarder derrière.

Règles impitoyables

Y a-t-il un espoir pour ces peuples africains livrés en pâture aux pressions concurrentielles venant de l’extérieur ?

Ce qui est sûr, c’est que depuis les indépendances, leur misère ne fait que s’accroître malgré le satisfecit des gouvernants. Mon pays ne fait pas exception.

Au Mali, il est difficile de percevoir l’impact de la croissance sur la pauvreté des populations. On n’a pas besoin de chiffres pour affirmer que le revenu du malien ordinaire est l’un des plus bas du monde.

Le pouvoir d’achat est extrêmement faible à tel point que dans bien de lieux, manger trois fois par jour est un luxe.
L’accès à l’éducation et à la santé relève du miracle quotidien pour le gros des maliens.

Le fossé entre les nantis et les démunis, entre les gouvernants et les gouvernés s’élargit chaque jour.
Les paysans qui constituent la plus importante frange de la population sont déstabilisés par les règles impitoyables du marché.

Dans ce cadre, on peut noter que les efforts entrepris par le gouvernement en vue de la transformation des matières premières sont louables. Aussi, dans ce tourbillon de la mondialisation, on peut saluer les efforts faits dans le sens de l’organisation et du développement du marché intérieur.

La meilleure façon de résister aux pressions extérieures consiste à rechercher et préserver l’équilibre intérieur. D’ailleurs, le bonheur relatif des ruraux par rapport aux citadins réside dans le fait que les premiers dépendent essentiellement des produits et denrées locaux contrairement aux seconds. Il importe donc de promouvoir les produits locaux et de cultiver l’esprit du consommer local.

En 2003, le premier ministre français, J. P Rafarin, disait : « il n’y a pas d’avenir pour la France en dehors de l’Europe« .

Ceci m’amène à évoquer la nécessité de l’intégration africaine. Les économies africaines intérieurement équilibrées et harmonisées doivent former un bloc et prendre part à l’affrontement commercial mondial.

Le mal ivoirien

Je ne saurais terminer sans dire un mot sur la crise ivoirienne qui nous préoccupe au plus haut point. J’ai séjourné et enseigné à Bouaké où je compte beaucoup d’élèves, d’amis et de parents.

D’ailleurs, après Bougouni et Bamako, Bouaké est la ville qui m’est la plus chère au monde. Vous comprendrez donc ma douleur de voir cette guerre fratricide s’installer dans la durée.

De quoi s’agit-il ? Du temps d’Houphouët, les étrangers et les autochtones ivoiriens vivaient en harmonie et travaillaient ensemble pour le bonheur de ce pays.

Force est de reconnaître que les maliens, Burkinabés et autres africains ainsi que des ressortissants du Nord de la Côte d’Ivoire ont arrosé de leur sueur les plantations qui sont le socle du miracle économique ivoirien.

Au partage du gâteau du Boom économique, des cadres et autres ivoiriens (y compris des hommes de médias) ont prôné ou activé l’étroitesse ethnique, nationaliste et confessionnelle ; aboutissant ainsi à l’exclusion des uns par les autres.

De son temps, Houphouët a pu empêcher l’explosion de ce problème, sans y remédier. Maintenant que le cycle infernal de violence s’est installé avec des intérêts politiques et économiques imbriqués, l’existence même de la nation est en danger.

Il doit être maintenant hors de question de s’accrocher à la construction pour conduire le pays à la dérive. Forte de l’expérience acquise, la communauté internationale ne doit plus tergiverser.

Elle doit s’impliquer fortement auprès du premier ministre, Charles Konan Banny, pour l’aider à conduire le navire ivoirien à bon port.

Les acteurs de la crise ivoirienne doivent savoir qu’ils ont déjà sur leurs dos une comptabilité macabre. Halte ! Le peuple ivoirien ne mérite pas ce sort. Une fois encore je dis que la communauté internationale est vivement interpellée.

Avec diligence et fermeté, elle doit s’engager résolument auprès du Premier ministre pour l’aider à mettre hors d’état de nuire tous ceux qui constitueront un obstacle à la marche de notre chère Côte d’Ivoire vers des élections libres et transparentes, vers la paix, la sécurité et le développement.

En revenant sur le constat d’un monde malade, objet du forum social, j’invite chaque homme et chaque peuple à lutter contre ce qu’il y a d’injuste en lui et autour de lui, pour que notre monde soit une havre de paix et de bonheur.

Tel est le voeu que je formule pour le monde entier en ce début 2006.

Drissa Doumbia

Ecrivain domicilié à Yirimadio

Samir Amin : la conférence de Bandung vue par Samir Amin

Bandung fut un événement important. En 1955, les gouvernements mais aussi les peuples d’Asie et d’Afrique se sont retrouvés à Bandung pour revendiquer un nouvel ordre mondial.

A l’époque, les gouvernements étaient légitimes et représentaient leurs peuples. Selon Samir Amin, à l’époque, ils ont proclamé leur volonté de reconstruire le système mondial sur une autre base que celle qui avait été conçue par la domination des puissances coloniales et impérialistes. A l’époque, c’était déjà l’altermondialisme.

Le mondialisme de l’époque était celui que concevaient les colonialistes et les impérialistes. « Bandung a été un très grand succès historique parce que la conférence a imposé pendant une trentaine d’année aux pays impérialistes un ajustement aux demandes légitimes des peuples d’Asie et d’Afrique« , a-t-il déclaré.

Il a ajouté que le mouvement des non alignés est un produit de Bandung. Samir Amin a indiqué que la commémoration de la conférence de Bandung est nécessaire parce qu’elle fait partie d’un passé qui est d’actualité.

Il a estimé que les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine sont confrontés aujourd’hui à un adversaire et à un impérialisme de même nature, mais dans des conditions nouvelles.

Dans ce sens, il dira que les institutions telles que l’OMC et le FMI, qui ont la charge de gérer l’organisation économique mondiale, sont des sortes de ministères des colonies.

« Ils ne gèrent pas comme ils le prétendent le commerce mondial. Ils gèrent en amont du commerce mondial, l’organisation économique social de manière à encadrer un commerce, à le mettre sur les rails dans la logique du déploiement capitaliste« , a-t-il déclaré.

Assane Koné

19 janvier 2006.