La capitale du Kénédougou a abrité, du 4 au 8 juin 2007, la 6ème édition du forum des peuples. Venus de toutes les régions du Mali, des pays limitrophes, d’Europe et d’Amériques, les militants contre les politiques néolibérales, se sont mobilisés à Sikasso pour dénoncer l’hypocrisie du G8.
Après quatre jours de travaux, les différentes composantes de la société civile et des mouvements sociaux venus du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Belgique, de la France, du Royaume-Uni, d’Italie et du Canada ont procédé à de larges débats sur les questions fondamentales qui préoccupent l’ensemble des peuples du monde. Ce sont : la dette, les Accords de partenariat économique UE-ACP, la souveraineté alimentaire, la pauvreté, l’accès à l’eau, le réchauffement climatique…
A l’issue des discussions, les alter mondialistes regroupés à Sikasso, en contrepoids au sommet du G8 de Heiligendamm, en Allemagne, ont constaté : “Le G8, ce directoire mondial illégitime, a démontré à la face du monde son incapacité notoire à tenir ses promesses d’aide aux pays les plus pauvres et à résoudre cette crise structurelle de l’endettement dont il est le principal responsable”.
Ils ont rappelé, qu’en 2005, l’engagement du G8 en faveur des pays pauvres avait permis l’annulation d’un montant dérisoire de 39 milliards de dollars Us de dette pour les pays d’Afrique et d’Amérique Latine. Selon eux, aujourd’hui, les dettes que ces même pays doivent rembourser s’élèvent pour l’Afrique à 215 milliards de dollars US et pour l’Amérique Latine à 723, 6 milliards de dollars US.
Mieux, la déclaration de Sikasso a rappelé que Oxfam Grande-Bretagne vient de révéler que les pays les plus pauvres du monde doivent continuer à payer 100 millions de dollars US chaque jour. “C’est dans ce contexte que s’est ouvert à Heiligendamm le sommet du G8, dont l’agenda officiel portait sur la stabilité du marché mondial, le développement de l’Afrique, la lutte contre le réchauffement climatique et l’approvisionnement énergétique”, ont-t-ils déclaré.
Avant d’indiquer que malheureusement, les réponses apportées à ces questions par les dirigeants des pays riches ressemblent à un aveu d’échec, d’hypocrisie et d’irresponsabilité. “Les mesures prises ces dernières années n’ont été que des opérations d’effet d’annonce doublées de mépris profond pour les souffrances de nos peuples”, a estimé les alter mondialistes à Sikasso.
Selon eux, de l’initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés de Cologne en Allemagne en 1999, aux engagements multilatéraux de Gleneagle au Royaume Uni en 2005, la situation n’a pas évolué. “Pour preuve, en 2005, les transferts nets de capitaux du sud vers le nord étaient de 354 milliards de dollars US et parallèlement, l’aide au développement des pays du G8 est en baise depuis 2006, pendant que le montant de la dette culmine à un niveau hallucinant de 2800 milliards de dollars US”, ont-ils déclaré.
Les participants au forum de Sikasso ont indiqué que sous le couvert de la lutte contre le réchauffement climatique, les puissances du G8 étalent leur nature prédatrice, inhumaine, irresponsable et hégémonique, se livrant à une compétition effrénée pour le contrôle des matières premières et des ressources en hydrocarbure, à l’exemple de la guerre en Irak, du chantage au gaz de la Russie…
L’illégitimité du G8 réaffirmée
Pour tout cela, le forum des peuples a réaffirmé l’illégitimité du G8 et condamné fermement la répression des militants alter mondialistes par les forces de l’ordre allemandes. En ce qui concerne le Mali, ils ont estimé que cette sixième édition du forum des Peuples intervient dans un contexte de crise généralisée marquée par le recul du service public avec la liquidation complète des derniers secteurs stratégiques : CMDT, Huicoma et le chemin de fer.
Ils ont affirmé que les conséquences de ces privatisations se font durement sentir à travers les licenciements massifs des travailleurs, l’exacerbation de la pauvreté et de la misère. A cela, ils ont estimé qu’il fallait ajouter l’absence d’un contrôle démocratique et transparent sur les ressources stratégiques du Mali, notamment l’or, l’introduction forcée des OGM dans l’agriculture, l’application programmée des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays ACP, l’introduction de nouveaux accords sur l’immigration.
“Ces nouveaux accords sur l’immigration transforment le Mali comme les autres pays voisins et du pourtour méditerranéen en simple gendarme chargé d’appliquer avec zèle des mesures d’expulsion arbitraires et illégales des pays de l’Union européenne en violation flagrante de toutes les conventions internationales relatives aux droits humains et à la libre circulation des personnes et des biens”, note la déclaration.
Par ailleurs, à Sikasso, les alter mondialistes ont formulé plusieurs exigences. Ils ont demandé l’annulation totale et inconditionnelle de la dette extérieure des pays du tiers monde qui s’élève selon le rapport 2007 de la Banque mondiale à 2800 milliards de dollars et la suppression du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, instruments de promotion et de renforcement de l’idéologie néolibérale et leur remplacement par la Banque du Sud qui regroupera tous les pays en voie de développement et les pays émergents afin de poser les bases d’un développement durable fondé sur des relations économiques complémentaires et justes entre les Etats…
Ils ont recommandé, entre autres, la création d’une banque agricole autogérée par les paysans, la diversification du matériel agricole selon les zones agro écologiques, une réforme des titres de propriété foncière, l’utilisation de l’engrais organique abandonné au profit des engrais chimiques, l’encouragement de la consommation des produits locaux, la protection de nos produits agricoles contre la concurrence internationale, le rejet systématique des APE et des OGM et l’ouverture d’un débat national sur la loi d’orientation agricole en dehors des structures institutionnelles avec l’implication du conseil supérieur de l’agriculture.
Assane Koné
12 juin 2007.