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Regroupant 250 participants venus des 15 pays membres de la CEDEAO ainsi que de la Mauritanie, du Cameroun et du Tchad, cette importante rencontre était organisée conjointement par le secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (OCDE) et le Club de Veille pour la Paix en Afrique de l’Ouest.

Elle était co-parrainée par Mamadou Tandja, président en exercice de la CEDEAO et Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union Africaine. Sans être présentes en raison de leur calendrier chargé, ces deux personnalités ont tenu à envoyer un message au forum pour le plein succès des travaux.

La rencontre de Cotonou avait comme principaux objectifs de favoriser le dialogue et l’interaction à l’échelle régionale entre les partis politiques, la société civile et les médias autour de leur rôle respectif et commun dans la prévention des conflits, la construction et la consolidation de la paix et de la démocratie aux niveaux local, national, régional.

La cérémonie d’ouverture du forum était initialement placée sous la présidence de Mathieu Kérékou, président de la République du Bénin. En lieu et place les participants ont eu droit à un réquisitoire musclé du ministre d’Etat chargé de la défense, Pierre Osho qui est « descendu » sans autre forme de procès sur les partis politiques, la société civile et les médias.

Au lendemain de la cérémonie d’ouverture, la presse béninoise titrait : « Osho craque et perd son sang froid », « coup de gueule du ministre d’Etat chargé de la Défense : le réquisitoire de Osho contre la presse et la société civile ».

En effet, le ministre d’Etat béninois n’a pas fait de cadeau aux partis politiques, à la société civile et aux médias d’Afrique de l’Ouest. Après avoir passé en revue les progrès réalisés au cours des dernières décennies, il a présenté un tableau sombre de ces trois catégories d’acteurs qui, selon lui, constituent un frein au développement des nouvelles démocraties en Afrique.

Les partis politiques ont été la première cible des « coups de gueule » du ministre Osho à propos desquels il pense qu’une nouvelle réflexion s’impose en vue de définir leur nature, leur place et leur rôle dans le processus démocratique.

Pour le ministre Osho, « la multiplication effervescente et sans retenue des initiatives organisationnelles a favorisé l’apparition d’un paysage politique très éclaté et atomisé. D’innombrables groupes se sont ainsi constitués sous l’appellation de «partis politiques» sans avoir les moyens d’exister et de fonctionner convenablement. Cette situation constitue un facteur de risque important d’autant que ces groupes qui peuplent le paysage politique de nos Etats d’Afrique de l’Ouest sont en permanence dans une logique d’affrontement pour le partage des avantages matériels que procure l’Etat« .

Le processus démocratique, a-t-il dit, se trouve ainsi appauvri des débats idéologiques qui devaient sous-tendre l’action éducationnelle des partis politiques. L’absence du débat idéologique, c’est-à-dire de la confrontation d’idées, du champ politique africain est préjudiciable au processus démocratique.

Ainsi, il est rare aujourd’hui, dit-il, de voir se succéder à la tête de nos Etats, différentes philosophies politiques, des programmes de société inspirés de visions ou d’orientations différentes dans le cadre d’une authentique alternance politique.

Pierre Osho accuse la société civile d’être atteinte du même virus que les partis politiques. Outre qu’elle est fortement atomisée et irrésistiblement attirée par les sirènes de la politique, elle a peu d’impact sur le processus démocratique dans la plupart de nos Etats et n’assume pas l’effectivité de son rôle d’arbitre du jeu politique.

«Souvent obnubilée par l’arène politique, la société civile se fait recruter par la classe politique, délaissant sa vocation citoyenne première, celle de participer activement à l’impulsion constructive d’une nation où les valeurs éthiques et morales doivent être cultivées et promues», a déclaré le ministre béninois de la défense.

Pour qui les médias ne sont pas logés à meilleure enseigne : « sans doute leur multiplication est-elle signe de vitalité de la démocratie. Mais un regard jeté sur la presse de la sous-région permet de constater que ce secteur est malade de déviances et de dérives répétitives qui justifient une thérapie en profondeur pour être véritablement apte à jouer le rôle majeur qui est le sien dans une démocratie« .

La démocratie, a-t-il affirmé, a besoin pour son irréversibilité d’une presse certes libre, mais aussi et surtout de journalistes techniquement compétents et moralement intègres, motivés par un haut état d’esprit patriotique et un sens aigu de leur responsabilité.

Mais au lieu de cela, a dit Pierre Osho, « aujourd’hui dans la plupart de nos pays, la presse offre le triste spectacle d’une entreprise opportuniste et corrosive qui s’écarte dangereusement du code d’éthique et de déontologie propre à ce noble métier. Alors, les repères étant perdus et les certitudes quotidiennement ébranlées, l’opinion est confuse et s’interroge sur l’empirisme brouillon, l’affairisme et la corruption qui gangrènent et pervertissent le monde de la presse. Si la presse perd si facilement son âme et ses nobles repères, c’est du fait non seulement de l’amateurisme de ses animateurs, mais surtout de son asservissement au pouvoir d’argent« .

Les radios en particulier ont eu leur dose d’accusation. Le ministre Osho soutient sans ambages qu’elles n’offrent généralement que des programmes dominés par la distraction abrutissante et lassante, reléguant au second rang leur vocation de formation et d’éducation des masses.

Quant aux chaînes de télévision, il a estimé qu’elles sont largement tributaires des chaînes d’envergure mondiale dont les programmes sont culturellement décalés, pour ne pas dire totalement éloignés des préoccupations des populations.

Face à ce tableau, le ministre Osho a souligné que les expériences démocratiques doivent être périodiquement investies de réflexions correctives nouvelles, condition essentielle de leur maturation et de leur développement harmonieux. No comment !

(A suivre)

Mamadou M DOUMBIA Envoyé spécial à Cotonou

Une forte mobilisation des leaders ouest-africains en faveur de la paix

Le forum de Cotonou est une initiative dont le caractère inédit réside dans sa dimension régionale et dans le décloisonnement des trois catégories d’acteurs (partis politiques, médias et société civile) qui ont à l’échelle nationale des responsabilités et un rôle clé dans la construction et la consolidation de la paix et de la démocratie.

La rencontre constitue un important rassemblement régional de leaders politiques, de chefs de médias et de ténors de la société civile. Un prestigieux aréopage qui a planché pendant quatre jours sur les voies et moyens de construire la paix et de consolider le processus démocratique en Afrique de l’Ouest.

Pour le professeur John Igué, président du Club de Veille pour la Paix en Afrique de l’Ouest, ce forum est un cadre de dialogue régional face aux crises et conflits qui affectent la plupart des pays de l’espace ouest-africain.

Il a indiqué que le forum se fixe pour objectifs la mise en synergie des acteurs de la scène publique pour la prévention des conflits, la construction de la paix.

Sur le plan thématique, les discussions ont porté sur l’Etat des lieux de la démocratie en Afrique de l’ouest, le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, le rôle et la responsabilité des partis politiques dans la construction de la démocratie, sans oublier la place et le rôle des médias et de la société civile dans un système démocratique.

Au terme des échanges, le but ultime était de parvenir à une prise de conscience par les acteurs eux-mêmes de leurs responsabilités et rôles dans la situation actuelle et à venir et un renforcement des liens et des partenariats éventuels pour appuyer une dynamique régionale de construction de la paix, d’amélioration de la démocratie.

Toutes les parties invitées au forum étaient représentées à un haut niveau notamment les partis politiques.
M.L.D

06 juillet 2005