S’il y a un parcours que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner connaît désormais dans la capitale malienne c’est bien l’itinéraire allant de l’Aéroport de Bamako-Senou au Palais présidentiel de Koulouba. Il vient de le parcourir, le samedi 13 février dernier, pour la deuxième fois (il pourrait refaire le trajet bientôt pour célébrer la libération de Pierre Camatte) durant ce mois de février, cette fois avec le Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Seulement, les émissaires de nos «ancêtres les Gaulois» ont fait ce trajet, la tête visiblement dans les épaules.
« Nous vivons dans un environnement international où il y a des règles en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Il faut les respecter. C’est ce que fait le Mali en refusant de libérer des terroristes. Nous l’avons expliqué à nos amis français ».
Comme un verdict de condamnation, ces propos, tenus le week-end dernier, par un officiel malien proche de l’affaire Pierre Camatte, le plus malien des Français, enlevé à Ménaka, le 26 novembre dernier, ont fini par mettre les nerfs de M. Kouchner à fleur de peau.
Lui qui voulait, sans s’en rendre compte, faire prospérer le terrorisme dans la bande sahélo saharienne pour voir M. Camatte libéré. C’est face à un Mali qui négocie la libération de cet otage et de cinq autres sans… jeter de l’huile sur le feu.
Arrivé à Bamako en véritable Al Capone, pour, comme à l’accoutumée, taper du poing sur la table devant les nègres et exiger ceci ou cela, le chef de la diplomatie française aurait, selon des indiscrétions, haussé le ton pour «solliciter vivement que le Mali libère les criminels de Al Qaïda au Maghreb Islamique contre l’élargissement de Pierre ».
Selon certaines personnalités proches du dossier, le patron du Quai d’Orsay est très remonté contre les autorités maliennes à tel point qu’il ne cache pas du tout son tempérament que l’on dit très orageux. Ainsi, les services du Protocole auraient vu d’un très mauvais œil, les couacs notoires qui ont pu être constatés et reprochés à M. Kouchner, le samedi dernier, par rapport aux amabilités d’usage, lors de l’audience qu’il a eue avec le président de la République Amadou Toumani Touré.
Selon certaines indiscrétions, l’ire assez perceptible de M. Kouchner serait aussi liée au refus du Gouvernement du Premier ministre Modibo Sidibé, de signer les accords de rapatriement d’immigrés maliens en situation irrégulière en France. Accords devenus sujet de fierté, véritable défi à relever par Brice Hortefeux puis Éric Besson…
Cette irascibilité de Paris dans le dossier Camatte amène plus d’un observateur à se poser des questions sur la volonté de la France à lutter efficacement, contre le terrorisme.
En effet, la France, patrie mère des droits humains, respectueuse des traités internationaux, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, a-t-elle fini par décider de piétiner cette légalité internationale à laquelle elle tenait tant comme à la prunelle de ses yeux ?
Comment comprendre que Sarkozy et Kouchner demandent solennellement à ATT de laisser dans la nature, des terroristes fieffés qui ont, dans leur bilan macabre, plusieurs assassinats et enlèvements d’otages de différentes nationalités ?
Céder à une telle exigence française sera, à coup sûr, un dangereux précédent. Et le soutien que le Mali vient de recevoir de la part de son voisin algérien par rapport au refus de libérer les criminels de AQMI vient conforter davantage Bamako.
Si seulement nos amis français peuvent avoir confiance en ATT, en ses talents de fin négociateur et de médiateur expérimenté dans plusieurs conflits en Afrique, dans un passé récent, ils apporteraient de l’eau à leur vin.
C’est seulement dans un contexte de sérénité et de discrétion propice aux discussions faites de propositions et contre-propositions diverses que les négociateurs chargés du dossier, sous l’implication personnelle et forte du Chef de l’État, le peuple malien et toute la communauté internationale accueilleront bientôt (on doit croire en l’optimisme dont ATT se veut porteur) la libération de Pierre, le plus Malien des Français. Et cela ne s’obtiendra qu’avec un Kouchner qui ne soit point sur les nerfs.
Bruno Djito SEGBEDJI
17 Février 2010