Laurent Gbagbo, le téméraire président sortant de la Côte d’Ivoire aurait souscrit à un «pacte républicain» de dix ans que l’épineux problème qu’il pose aujourd’hui à toute la communauté internationale ne se poserait pas. Autant en tirer leçon.
Le discours de La Baule, prononcé par le Président de la République française François Mitterrand, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’Etat d’Afrique et de la France, exhortait les dirigeants africains à une ouverture démocratique. L’aide au développement français était désormais liée à la « nature démocratique du régime « . L’impact majeur qui en a découlé est l’alternance au pouvoir des dirigeants.
En effet, on ne peut parler d’ouverture démocratique d’un régime politique sans une possibilité réelle d’alternance au pouvoir. Or, toute alternance démocratique passe nécessairement par le verdict des urnes. Malheureusement, les élections sont encore, sur le continent africain, malgré quelques avancées signalées ça et là, de véritables casus belli. La situation actuelle de la Côte d’Ivoire l’atteste éloquemment.
Plus d’un avait fondé l’espoir réel d’une sortie de crise sur la tenue d’un scrutin dont le verdict sera certifié par l’ONU. Nul n’avait pressenti à ce point la capacité de nuisance d’un Laurent Gbagbo déterminé à naviguer à contre courant. Et voilà toute la communauté internationale passant des nuits blanches pour régler le cas Gbagbo.
Et permettre à Alassane Ouattara de prendre effectivement les rênes du pouvoir. Sans l’usage de la force. Situation plus que délicate car, quoiqu’on dise, et comme l’enseigne le Droit international, l' »effectivité du pouvoir » est à mille lieues du « pouvoir nominal », si légitime soit-il. C’est cela qui risque de donner à Alassane Ouattara, le nouveau président élu de la Côte d’Ivoire, quelques nuits blanches supplémentaires.
Lui qui devrait se détendre un peu après une grande campagne électorale et un face-à-face au cours desquels il a battu son « frère Laurent « . Du feuilleton ivoirien, le continent africain, appuyé par la communauté internationale, devrait tirer des leçons. Le » cela ne peut nous arriver » doit être écarté de nos réflexions.
Les déboires de la scène politique ivoirienne appellent donc à la réflexion sur la constitutionnalisation d’un mandat unique décennal sur le continent africain. En effet, le président Laurent Koudou Gbagbo venait de passer 10 bonnes années, certes agitées au sommet de l’Etat ivoirien. Il venait ainsi d’achever le mandat décennal unique. Il a été élu en 2000. Il ne pouvait même pas, si ce principe était de mise et intégré dans la Constitution, être en course pour ces élections.
Cette alternative a des avantages réels. Elle permettra de pacifier un tant soit peu nos pays dans la mesure où la plupart des conflits internes sur le continent sont liés au contentieux post-électoral (élection présidentielle). Avec le mandat unique décennal au pouvoir, chaque président de la République n’aura la possibilité de diriger son pays que sur une période de dix ans.
On ne parlera plus dans ce cas de » président sortant « . Le jeu démocratique en sortira plus assaini avec une certaine ouverture du jeu électoral à la fin de chaque mandat. A chaque élection présidentielle, tous les candidats seront véritablement des personnalités » nouvelles » et les chances de succès des uns et des autres seront plus ou moins égales, du moins vis-à-vis de l’administration sortante.
Par ailleurs, le coût des élections, surtout présidentielles, est exorbitant. C’est, en effet, le scrutin présidentiel qui mobilise souvent la diaspora dans plusieurs pays. L’enveloppe financière de cette élection est souvent évaluée à plusieurs centaines de milliards. En fixant ce rendez-vous électoral à chaque décennie, l’Afrique économiserait en devises, en énergie mais aussi en nombre de…victimes auxquelles hélas le scrutin conduit souvent.
En outre, lorsque des institutions comme le Conseil (ou Cour selon les pays) constitutionnel, la Commission électorale doivent jouer leur partition dans le cadre d’une présidentielle avec un mandat unique de dix ans, leur autonomie ou leur sentence sera plus réelle. Les pressions qu’elles subissent, souvent, seraient sensiblement amoindries.
Ainsi, l’arête que les peuples du monde entier ont actuellement dans la gorge avec le cas ivoirien sera simplement un lointain souvenir.
Bruno D SEGBEDJI
djitosegbedji@yahoo.fr
10 Décembre 2010.