Filière cuirs et peaux : un secteur mal exploité au Mali : Avec moins de la moitié des ressources maliennes, la Tunisie réalise 120 milliards de FCFA à l’exportation par an
Le Mali est un gros producteur et exportateur de bétail dans la sous-région ouest africaine. Avec un cheptel estimé, au 31 décembre 2009, à plus de 8 millions de bovins, 11 millions d’ovins, 15 millions de caprins et 904 000 têtes de camelins, il est le plus grand pays d’élevage de l’UEMOA et le deuxième de la CEDEAO, après le Nigéria. Mais jusque- là, le Mali s’est focalisé sur la filière bétail-viande, notamment celle de l’embouche, alors qu’à côté de cette immense richesse pastorale, une autre potentialité reste inexplorée : les cuirs et peaux.
Les cuirs et peaux sont utilisés par les artisans dans la fabrication des sacs, ceintures, chaussures et autres articles en cuir. Une grande partie est exploitée à l’état brut par les négociants pour l’exportation.
Les cuirs et peaux contribuent annuellement pour plus de 3 milliards de FCFA à l’économie malienne et, ils peuvent apporter plus si le secteur est bien organisé. Selon les statistiques de la FAO, avec 44 milliards de dollars d’exportation par an dans le monde entier, les cuirs et peaux viennent en deuxième position après le coton. Notre pays, le Mali regorge de potentiel mais à un bas niveau de transformation et de collecte soit moins de 20%.
Avec seulement moins de la moitié de nos ressources, la Tunisie réalise l’équivalent de 120 milliards de FCFA à l’exportation par an.
Décidément, il y a de quoi sonner l’orgueil des Maliens.
La sous exploitation du secteur et la qualité des cuirs et peaux provenant de chez nous sont pour beaucoup dans le faible rendement de la filière. Pour cause, les potentialités de la filière sont incontestables, mais seulement 31,06% sont exportés. Le reste des cuirs et peaux disponibles est traité dans les tanneries locales, commercialisé sur place ou perdu à cause de sa mauvaise qualité.Le Mali est l’un des plus grands producteurs de cuirs et peaux en Afrique de l’Ouest, mais une grande partie de la production est gaspillée. Selon l’association ouest africaine des peaux et cuirs, notre pays a un avantage comparatif en matière de peaux, avec un indice de 3,4 pour la peau brute et de 2,91 pour la peau tannée.
Ce résultat est la conséquence de la spécialisation et de la fidélisation de ses marchés d’exportation. Des études indiquent que seulement 8,38% des cuirs et peaux disponibles traités dans les abattoirs publics, mais contrôlés par le secteur privé, sont de bonne qualité et seulement 31,06% sont exportés.
Sur la quantité totale de matières premières disponibles, seulement 5,41% sont pré-tannées au chrome pour l’exportation ou partiellement finis pour le marché intérieur.
Le secteur du tannage reste toujours très faible. Les trois unités de tannage Tamali, Tao et Taproma travaillent maintenant à environ 30% de leur capacité de production initiale prévue pour traiter 110 000 peaux d’ovins et de caprins et 3,05 millions de peaux de bovins par an.
En raison des mauvaises techniques de conservation, du manque d’expérience et des insuffisances du secteur du tannage, les cuirs et peaux provenant du Mali sont, selon l’OMBEVI dévalués d’environ 1,32 dollar des Etats-Unis par mètre carré sur le marché.
Une grande quantité des cuirs et peaux d’une moindre valeur est exportée vers le Ghana et le Nigéria en échange de fourrage ou de produits alimentaires qui sont exportés à titre non officiel vers les tanneries nigérianes comme sous -produits ou comme cuir de rebut pour les unités de tannage en cas de pénurie de matières premières.
Les obstacles du secteur se résument au faible taux de production de cuir notamment par l’exportation des animaux en lieu et place de la viande et à la mauvaise qualité des cuirs et peaux bruts, car environ 50% du cuir brut disponible n’est pas collecté au bon moment ou se perd à travers les réseaux d’intermédiaires. Cela en raison de l’absence d’infrastructure, des mauvaises techniques de dépouillement, du manque d’expérience et d’information chez les intermédiaires et les revendeurs de cuirs.
A cela s’ajoute le développement du marché non officiel à tous les niveaux de la filière : cuirs et peaux bruts d’une part et cuir et chaussures d’occasion, d’autre part, la faiblesse du secteur du tannage, ainsi que le manque d’accès au financement nécessaire pour créer de nouvelles entreprises dans le secteur.
Pour aplanir les contraintes liées à la qualité des cuirs et peaux, plusieurs services et organismes interviennent sur le terrain. Comme la direction nationale des productions et des industries animales l’office malien du bétail et de la viande, le centre chargé du secteur de la viande et des sous-produits, la modernisation de la chaine commerciale de la viande et du cuir. Il faut la mise en place d’un système de marquage de qualité, la formation en technique de production, le conditionnement et la conservation des cuirs et peaux, la formation des éleveurs sur les techniques de marquage des animaux et la lutte contre les maladies cutanées.
Abdoulaye DIARRA
L’Indépendant du 26 Novembre 2010.