Partager

Sur près de 30 milliards de F CFA vise à assurer l’acquisition des intrants pour la campagne 2005-2006 de la CMDT. La BID enlève ainsi une grosse épine des pieds de la compagnie et redonne un second souffle à toute la filière. Une aubaine pour qui connaît les difficultés de la filière coton. En effet, ces dernières années, la culture du coton connaît une stagnation voire une baisse de sa productivité. Une situation qui ne s’explique pas seulement par la mauvaise répartition de la pluviométrie et les subventions agricoles.

Elle est aussi liée au fait les paysans ne respectent plus les doses d’intrants à cause de leur coût élevé. L’accroissement de la production est ainsi compromis faisant du défi du Mali de se maintenir à la place du leader de l’Afrique subsaharienne dans la production de l’or blanc. Il est donc évident que « l’importance d’un tel financement n’est plus à prouver. Il permettra de corriger des lacunes constituant de véritables freins à l’épanouissement socio-économique des partenaires », a déclaré le PDG de la CMDT, Ousmane Amion Guindo. Il a assuré que des efforts internes seront faits pour que ce prêt puisse contribuer à rendre nos systèmes de production de coton plus performants et durables.

Aujourd’hui, la CMDT est en mesure d’entamer des négociations avec des fournisseurs pour une révision du prix des intrants à la baisse. Et le prêt que la BID vient de lui accorder est un atout appréciable dans cette négociation. « Ce financement nous permettra de payer au comptant les fournisseurs contrairement au règlement par traite simple… », a souligné M. Guindo. Un argument de taille qui élargit les marges de manœuvres de la compagnie.

« La BID se réjouit de contribuer, d’une manière consistante, au soutien d’un secteur aussi vital que le coton dont le développement contribuera sans nul doute à la réduction de la pauvreté et à la satisfaction de la demande sociale », a déclaré M. Amadou Boubacar Cissé, vice-président de l’institution bancaire islamique. Il est évident, comme l’a souligné M. Ousmane Amion Guindo, que cette densification de l’espace institutionnel est porteuse d’un nouvel espoir. Elle est en tout cas souhaité par l’Etat et tous les acteurs de la filière. Cette convention BID est donc véritable ballon d’oxygène pour la CMDT. Surtout que la campagne 2005-2006 ne s’annonce pas sous de bons auspices.

Accentuer les efforts internes
Les partenaires comme la BID ne vont pas voler au secours de la filière s’ils ne sont pas conscients que des efforts internes sont en train d’être accentués pour surmonter la crise à laquelle elle est confrontée depuis une décennie. Et c’est à cette tâche que la direction de la CMDT s’atèle présentement.

On est presque à un mois de la fin de la campagne de commercialisation du coton qui, au Mali, va de novembre à mai. « En octobre, les prévisions de la campagne 2004-2005 étaient évaluées à 585 000 tonnes. Au cours d’une réunion statutaire avec les producteurs, nous avons prévu d’égrener cette production de début novembre 2004 jusqu’au 11 mai 2005. Mais, il est difficile d’égrener toute cette production en 4 ou 5 mois », explique PDG de la CMDT, invité du Journal de la radio nationale le vendredi dernier. Actuellement, environ 450.000 tonnes auraient été évacuées et égrenées.

« Il reste donc théoriquement 130 000 tonnes dispersées dans les villages. Mais, nous pensons que, d’ici à fin de ce mois d’avril, il ne nous restera qu’environ 60 000 tonnes à égrener. C’est dire que nous sommes pratiquement dans notre programme. Sans compter que, en octobre 2004, nous avions la lourde charge d’égrener aussi le reliquat de la production de la campagne 2003-2004, c’est-à-dire près de 20 000 tonnes de coton », assure-t-il.

Le PDG promet qu’il n’y restera plus de coton dans les villages en fin avril, conformément au programme établi. Les efforts de redressement commencent à porter leurs fruits. De l’avis de beaucoup de paysans, la situation de cette année est de loin meilleure à celle la campagne écoulée.

« L’année dernière, à la même date, il restait près de 200 000 tonnes de coton contre 130 000 cette année. Nous avions pris l’engagement de payer le coton aux producteurs le plus rapidement possible. Nous avons eu des difficultés compte tenu de la chute des cours mondiaux. Nous payons le coton grâce à un financement adossé à la vente de la fibre », déclare le PDG.

Il précise aussi que, « présentement, 70 % de la production sont achetés. Et les 30 % qui restent nous préoccupent assez. Nous avons eu l’appui du gouvernement qui nous soutient énormément pour que l’engagement qui a été pris pour finir l’achat du coton au 30 avril soit respecté. Des mesures diligentes sont en train d’être prises, au niveau de la CMDT et du gouvernement, pour que les 30 % qui restent soient achetés et enlevés avant le 30 avril prochain ».

Transformer pour plus de valeur ajoutée
Les difficultés de la filière incitent à la prudence dans la fixation des prix aux producteurs. Les prix seront maintenus dans une fourchette de 160 à 175 F CFA/kg. Le prix est donc revu à la baisse comparativement à la précédente campagne. Mais, pour le PDG de la CMDT, la principale revendication des producteurs se situe au niveau du prix des intrants. Et à ce niveau, assure-t-il, « le financement de la BID, nous permet de payer immédiatement les fournisseurs et d’éviter le renchérissement du coût. Cela nous permet donc de baisser le prix des intrants aux producteurs ». Une attente de moins !

La Commission de l’Union monétaire Ouest africaine (UEMOA) se mobilise aussi au chevet de la filière malade des subventions agricoles et de la chute du dollar et des cours mondiaux. Elle ambitionne ainsi d’aider les Etats producteurs de l’Union à transformer 25 % de leur production cotonnière sur place. Elle veut aussi contribuer à créer des moyens permettant de mieux vendre les 75 % sur le marché international.

« Notre salut, pour redynamiser la filière coton, se trouve dans la transformation du plus possible de coton pour aborder d’autres marchés du fil, du tissu, de la confection… », souligne Soumaïla Cissé, président de la Commission.
Une nécessité aujourd’hui pour permettre à la filière dans nos Etats de survivre aux subventions agricoles par la création de plus de valeur ajoutée. Le Mali est, par exemple, le premier producteur de coton en Afrique Subsaharienne.
Cependant, la production n’engendre aucune valeur ajoutée puisque sur place, seulement 0,90% de cette abondante production est transformée alors que le pays continue à importer des produits dérivés du coton.

Préserver la qualité et le rendement
Pour le président de la Commission économique de l’UEMOA, les pays producteurs de coton de l’Union doivent être vigilants pour éviter deux dangers qui menacent l’or blanc : il s’agit de la détérioration de la qualité et de la baisse du rendement. « Ce qui nous guette est pire que l’aspect de commercialisation. Il faut que l’on veille à la qualité du coton qui faisait la différence. Le coton ne doit pas être surchargé de cailloux et de plastiques. Et il faut que les rendements, qui baissent, reviennent à des niveaux habituels », souhaite M. Cissé.

A l’UEMOA alors de joindre ses efforts à ceux des partenaires comme la BID pour dégager un mécanisme de financement réduisant les charges des producteurs.
Parce qu’il est évident que la réduction des prix d’acquisition des intrants, à travers une facilité de payement, permet d’amoindrir les coûts de production et d’améliorer le rendement.

N’empêche que le président de la Commission de l’UEMOA exhorte aussi les pays africains à continuer aussi de lutter sur un front unique et solidaire contre les subventions agricoles américaines et européennes qui créent beaucoup de difficultés aux cotonculteurs africains.

Il a engagé l’UEMOA à tout faire pour attirer des investisseurs étrangers dans la zone afin de relever le défi de la transformation du coton sur place. « Nous avons une bataille commerciale que nous devons gagner. Mais, derrière celle-ci, nous devons avoir des éléments incitatifs pour que les investisseurs continuent, avec nous, à transformer le plus de coton », a conseillé Soumaïla Cissé.

Des expériences à encourager

Il n’a pas manqué de saluer l’ouverture au Mali des usines de Fitina-SA, de Cerfitex et de Bakary Textile- Commerce Industrie (Batex-CI) qui sont, selon lui, des modèles à encourager. Cette dernière unité industrielle projette, dans les cinq années à venir, de multiplier par six sa capacité actuelle de filature pour atteindre une consommation de 5 % de la production malienne en coton fibre et de diversifier la production en tissage par la confection des Jeans, des draps, du tissu d’ameublement.

Elle a aussi en projet la création des unités de bonneterie et de confection de produits finis pour profiter des termes de l’Agoa.
Des activités qui sans doute vont générer des emplois et permettre au pays de tirer, avec une valeur ajoutée conséquente, de tirer les meilleurs profits de sa position de leader dans la production de l’or blanc.
C’est peut-être là le meilleur remède contre les subventions agricoles destinées à ruiner nos économies et déstabiliser nos pays sur le plan social et politique.

Moussa Bolly

13 avril 2005