Ezra de Newton Aduaka (Nigeria), Les Saignantes de Jean-Pierre Bekolo (Cameroun) et Darratt ou La Saison Sèche de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad) : c’est le trio gagnant de la 20e édition du Fespaco (du 24 février au 3 mars 2007). On aurait aussi pu avoir dans le classement des œuvres comme Faro, la Reine des eaux ou Il va pleuvoir sur Conakry, Making Of, Barakat, Djanta, Tsotsi… Chacune de ces œuvres pouvait prétendre cette année à l’Etalon du Yennega par la qualité de la réalisation, la prestation des personnages et l’importance de la thématique contenue dans l’intrigue.
Et le jury a eu l’embarras du choix. Cela s’est finalement joué à peu de chose : l’actualité ! Ezra et Darratt abordent des questions aujourd’hui primordiales pour l’Afrique : comment sortir du cycle de la violence ? Comment éviter que les enfants du continent ne soient plus obligés de quitter l’école pour être enrôlés dans des combats qui ne sont pas forcément les leurs ? Comment pardonner sans nourrir le sentiment d’impunité ?
Pour ce qui est de Les Saignantes, le film est aussi d’une très grande actualité puisqu’il parle de corruption, de meurtres politiques… Au finish, c’est donc le Nigérian Newton Aduaka qui succède au Sud-Africain Zola Masseko, le réalisateur de Drum. Un anglophone succède à un autre. Comme pour pousser les réalisateurs francophones à se remettre en question.
Pour ce qui est de la participation malienne, il faut dire que le Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM) a véritablement relevé le défi. D’abord par une présence remarquable. Dans l’histoire de la biennale du cinéma africain, le Mali n’avait jamais mobilisé autant de monde (réalisateurs, comédiens, journalistes…). La programmation de la rétrospective a également été bien appréciée dans la capitale des Hommes intègres. En effet, ils étaient nombreux les cinéphiles qui nous ont manifesté leur bonheur de revoir des chefs-d’œuvre comme Baara, Finyè, Guimba, Yeleen, Ta Dona ou de découvrir Tiefing ou le Dernier, Demain à Nanguila.
« C’est toujours enrichissant de regarder un film malien. Ce sont des œuvres complètes sur les plans technique, esthétique, des costumes… Sans compter l’originalité des messages que les réalisateurs font passer. Ce qui fait qu’on ne se lasse jamais de regarder des films comme Genèse, Baara, Finyè, Guimba, Yeleen, Ta Dona ou Tafé Fanga », souligne un critique français. Un avis largement partagé par les cinéphiles rencontrés à la sortie des salles comme le Ciné Burkina.
Faro, la Reine des eaux marque une certaine renaissance du cinéma malien après près de 5 ans de traversées du désert durant lesquelles le pays a raté deux éditions du Fespaco parce que n’ayant pas de productions majeures. Comme l’écrivait notre confrère Almahady Cissé dans l’un de ses articles, le Mali est « le Brésil du cinéma africain » avec trois Etalons du Yennega. Et le pays pouvait miser sur une 4e consécration cette année avec Faro. Mais ce n’est que partie remise.
Il faut maintenant travailler à consolider ce leadership car notre palmarès est encore inégalé. Et les chantiers annoncés par le ministère de la Culture et le CNCM vont dans ce sens. « J’ai l’intime conviction que nous devons investir dans les ressources humaines et promouvoir les filières de la création cinématographique », a indiqué le ministre Cheick Oumar Sissoko à nos confrères burkinabé de Sidwaya Plus. L’éminent réalisateur a ajouté : « Le mieux à faire, c’est de fixer le cap, structurer la démarche et responsabiliser les intervenants de la chaîne tout en ayant conscience du besoin de préparer la relève afin que, demain, les promesses soient tenues ».
Une volonté politique qui sert de cadre d’exécution aux grands chantiers ouverts par le CNCM sous la direction de Moussa Ouane. C’est le cas par exemple du Studio école qui va bientôt ouvrir ses portes dans notre pays et qui va certainement faire de Bamako l’un des pôles importants de formation aux métiers du cinéma et surtout de la production cinématographique.
Moussa Bolly
(envoyé spécial à Ouaga)
08 Mars 07