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Des spéculateurs fonciers n’ont trouvé rien de mieux que de mettre en place un réseau de faussaires de titres fonciers. Une situation dommageable pour les banques et qui enlève tout crédit à la sécurité domaniale et foncière au Mali.
En matière foncière, le titre foncier est la garantie suprême. Les juristes diront qu’il est au sommet de la pyramide juridique domaniale et foncière.

Il prime sur la lettre d’attribution et le permis d’occuper. S’il n’est pas entaché d’irrégularité (ce qui ne doit même pas arriver), il est le seul titre domanial reconnu par les banques, les établissements financiers ou les personnes physiques et morales et sert de gage pour l’obtention d’un crédit. Mais des faussaires ont sauté le verrou de garantie qui l’entourait jusque-là jusqu’à lui enlever tout crédit.
Les banques n’ont plus confiance à ce document qui était naguère un précieux sésame dont usaient des opérateurs économiques pour des prêts de financement ou de nantissement de leur commerce.

Le président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBF), Moussa Alassane Diallo, PDG de la Banque nationale de développement agricole (BNDA), a évoqué la question le vendredi 3 décembre au cours d’une rencontre avec le bureau du patronat malien en tournée dans les groupements professionnels.

En égrenant un chapelet de difficultés auxquelles les banques sont confrontées au Mali, le président de l’APBF a évoqué les problèmes de titres fonciers. « Le TF n’est plus une sûreté dans le système bancaire », a déploré M. Diallo. Il a expliqué qu’il existe un grand réseau de falsification de ce document dont l’authenticité ne doit pas être remise en cause. « Beaucoup de TF font l’objet de contentieux », a-t-il affirmé.

Le premier responsable de l’APBF et PDG de la BNDA a ajouté que les plus hautes autorités sont au courant et que le ministre du Logement, des Affaires foncières et de l’Urbanisme leur a adressé une correspondance confirmant la réalité et les solutions à envisager ensemble. Le laxisme des autorités chargées de l’attribution des titres est le nœud gordien de cette vaste escroquerie autour des TF. Les contentieux sont légion et s’enlisent devant les tribunaux. Le maillon faible s’en sort généralement perdant.

Vraie fausse lettre et vrai faux TF

M. B. T., un inspecteur des finances à la retraite, a échappé de justesse à un faussaire en 2009. Il a acquis une lettre d’attribution à Kalabancoro en 1980 et l’a transformée en TF en 1997. Un jeune du nom de Kanté, agent dans un ministère, a jeté son dévolu sur la parcelle de M. B. T. Il est parvenu à s’établir une lettre d’attribution aux domaines de Kati en janvier 2007 et un vrai faux TF six mois plus tard, en juillet 2007. Il s’est aussitôt mis à faire des briques, un début de fondation en entourant la parcelle d’arbres.

Le fils aîné de M. B. T. auquel le terrain a été attribué par son père a eu l’idée de le mettre en valeur à la fin de ses études. Le fils qui s’est rendu nuitamment à Kalabancoro, sur sa parcelle a été surpris de la voir déjà occupée. M. Kanté, l’intrus a été convoqué à la gendarmerie de Kalabancoro où il a été mis en demeure d’arrêter les travaux sur demande du président du Tribunal de Kati en vue d’y voir clair.

L’affaire a été réglée à l’amiable, car après confrontation des titres, celui du jeune Kanté s’est révélé faux. Il y a 27 ans entre la lettre d’attribution de M. B. T. et la fausse lettre de M. Kanté, et 20 ans entre le TF original et le faux de son adversaire.

Dans le cas d’espèce, M. Kanté ne devait en aucune manière s’en sortir sans être contraint par auto-saisine de la justice de s’expliquer sur l’origine de son faux TF. Son inculpation pour faux et usage de faux aurait pu démanteler le réseau de faussaires, qui Dieu seul sait a fait et continue de faire des ravages. L’impunité et le laxisme dans l’administration que l’Etat veut moderne sont les terreaux de la délinquance et de la corruption sous toutes leurs formes.

Abdrahamane Dicko

07 Décembre 2010.