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A Bamako, certains jeunes sont des incorrigibles noctambules. Dormant une bonne partie de la journée ils restent éveiller souvent tard la nuit; passant d’un quartier à un autre et d’un «grin» à un autre. Telle était en tout cas la vie de B.D, un jeune noctambule bamakois qui s’était fait une solide réputation dans la fréquentation des bars et maquis de la place. Des bistrots sans grande valeur aux hôtels les plus huppés de la capitale, BD ne passe inaperçu dans aucun de ces espaces. Sollicité, semble-t-il, pour sa très grande connaissance des «bons coins» de la capitale, il mène d’intenses activités dès que la nuit enveloppe la ville des trois caïmans. Pour lui et son petit cercle d’amis, la vie se résume à deux choses : l’alcool et…le sexe.

Croquant la vie à pleines dents, BD pouvait certaines nuits, faire plusieurs fois le va-et-vient, entre son «grin» et les bars chinois, en compagnie des belles de nuit. Son faible pour le sexe faible était connu de tous. Dans sa famille il a d’ailleurs été très souvent interpellé au sujet de la vie vagabonde qu’il mène. A maintes reprises on lui rappela que Bamako n’est plus ce havre de paix qu’il était, jadis ! Mais tous ceux qui, en bons amis ou en vrais frères attentionnés, voulaient lui éviter le pire, se découvrent n’être simplement que des gens perdant leur temps à prêcher dans un désert. En effet, rien de ce qu’ils lui conféraient comme conseils ne retenait l’attention du jeune BD qui, contrairement à ses autres frères, n’est occupé qu’une fois que la nuit tombe. C’était le rythme de sa vie depuis des années. Mais, une nuit, un évènement totalement inattendu lui donna la leçon de sa vie. Un samedi, au crépuscule, comme à son habitude, BD était, cette nuit également sur son 31, habillé comme savent le faire les vrais gentlemen.

Après deux va-et-vient entre la rive droite et la rive gauche, il décida, aux environs de 23h, de faire un détour par la rue princesse baignée dans son habituelle animation avec, tout autour, des belles créatures, tous calibres confondus, la seule différence étant la taille ou le teint. A côté des courtes et des noirs de teint se trouvaient d’autres, grosses, élancées, avec un teint clair pour les unes et café au lait pour d’autres ; Mais toutes avaient des arguments valables pour attirer un homme dans leur guet-apens. BD est déjà un familier de la rue princesse où il a fait plusieurs «amies» parmi celles qui ont fait de cette rue l’une des plus célèbres de Bamako. BD jeta un regard furtif sur sa montre dorée et constata que la nuit a suffisamment avancé; Il était déjà 2 h du matin ; il décida alors de rentrer à la maison. Il enfourcha sa Jakarta, ronfla l’engin pendant de longues minutes, comme pour bien s’assurer de son bon état, avant de démarrer en trombe. Le noctambule, pour regagner son quartier, prît un raccourcis, coupa la commune II en diagonale et se retrouva vers Dar-es-salam.

Au niveau d’un carrefour il trouva au bord de la route une dame à la beauté angélique et dont l’élégance frappe dès le premier regard. Bien moulée dans une robe qui met en évidence toute la rondeur de sa forme, elle semblait faire de l’auto-stop. Ce que BD, en coureur de jupons avisé devina tout de suite. Il ne s’était pas trompé, parce que lorsqu’il fût tout près, la dame fît un signe de la main qui fait faire un jeu de reins à BD qui écrasa son frein afin de répondre à la sollicitation de cette auto-stoppeuse dont l’apparence a tout ce qu’il faut pour déstabiliser un homme.

Pour BD, être sollicité par une si belle créature et qui plus est par un tel temps, est une aubaine pour quelqu’un à qui la chance n’a pas beaucoup sourit cette nuit. BD a, à peine immobilisé l’engin à deux roues que l’auto-stoppeuse s’y est déjà confortablement installée, sans laisser le choix à BD de la prendre ou pas. De son coté, BD n’accorda aucune espèce d’importance à ce manquement aux règles de bienséance, occupé, plutôt, à imaginer la suite de cette rencontre qui, selon ses calculs, devrait se terminer au fond du lit de sa chambre. Raison pour laquelle, lui, non plus, n’a pas daigné demander à l’auto-stoppeuse sa destination ; Il choisit de démarrer tout de suite. Durant plusieurs minutes, l’engin avance, avance et avance, sans destination précise. Les idées se bousculent dans la tête de BD. Il sortît brusquement de ses rêves quand, au bout d’une rue, il voulut virer. Ce ne fût pas le souhait de l’auto-stoppeuse, qui lui pinça les côtes l’intimant de ne pas quitter la route.

Contre sa volonté, BD fût obligé d’aller très loin de son quartier, avec derrière, une dame dont la bizarrerie finie par attirer son attention. Sa compagne devenait de plus en plus agiter et semblait être en discussion avec des interlocuteurs qui devraient se trouver dans les cieux ; En effet, dans un monologue indéchiffrable pour BD l’auto-stoppeuse s’énerve d’elle-même en pointant vers le ciel un doigt de mise en garde. La scène finit par donner une grande frayeur à BD qui gardait, en son fond intérieur, une question à laquelle il ne trouvait pas de réponse : A-t-il pris en auto-stop une folle ou un génie? Il a entendu plusieurs fois des histoires au sujet des génies avec lesquels les humains peuplent la terre ; Des créatures du monde irréel, lesquelles pour éviter des contacts désagréables avec les humains, auraient opté de ne sortir que tard la nuit, au moment où la cité s’endort.

BD, à sa jeunesse, a souvent entendu des aînés évoquer les aventures de la dame aux sabots et qui sortait parfois pour tendre un piège aux hommes qui rentrent tard chez eux la nuit. Envahi par la peur, BD ne se hasarda ni à la dévisager encore moins à chercher à s’intéresser aux pieds de cette étrange dame qui, plus la course dure, plus agressive elle devenait vis-à-vis de ceux dont elle est jusqu’ici la seule à savoir la présence dans le monde céleste. Folle ou génie, BD comprît qu’il était parti pour vivre une longue nuit. Les carottes sont-elles cuites? Va-t-il se tirer de cette mésaventure sauf? BD se posait discrètement toutes ces questions lorsqu’au croisement de deux rues la dame devînt à nouveau colérique ; BD n’en pouvait plus, il décida de se libérer.

Il feint un déséquilibre, va à gauche, puis à droite, et en quelques seconds tous furent projeter dans un nuage de poussière. Quelques instants après, lorsque BD retrouva ses esprits il était tout seul à côté de sa moto qui continuait de ronronner. Pour lui, inutile de chercher à savoir quelle est la direction prise par sa «conquête», le mieux à faire, s’était surtout de quitter l’endroit, tout de suite. Il enfourcha à nouveau l’engin, engagea ensemble tout ce qu’il pouvait avoir comme vitesse (1er, 2è, 3è) et quitta les lieux. Il fonça droit, brûla panneaux de stop, sens interdits et feux de signalisation. Il retrouva sa famille mais très bouleversé. Ce n’est qu’après trois jours qu’il put finalement raconter aux siens son aventure ou plutôt cette mésaventure qui a aujourd’hui apporté un changement dans le comportement de BD redevenu depuis une personne sage, sortant quand les autres sortent et figurant généralement parmi les premiers à rentrer à la maison, le soir.


Papa Sow

Source: maliweb.net