Partager


Ces dernières années, des Maliens sont fréquemment et sans ménagement refoulés de la Libye, « un pays frère et ami ». Cette pratique continue sans qu’une voix officielle se délie alors qu’il ressort de la responsabilité de l’Etat de défendre nos compatriotes de l’intérieur comme de l’extérieur. Ce silence fait peser de forts soupçons sur la volonté des autorités de mener une réelle politique d’immigration.

Le refoulement des Maliens de la Libye semble avoir atteint son paroxysme avec des milliers de refoulés selon un décompte annuel. Cette statistique s’est confirmée, voire alourdie, samedi dernier avec le « retour au bercail » de 120 de nos compatriotes, arrivés à bord d’un avion spécialement affrété. Ces citoyens parmi lesquels de nombreux jeunes étaient partis à la quête d’un devenir meilleur. Après avoir bravé de nombreux obstacles périlleux, ils étaient arrivés en Libye avec la conviction que ce pays allait les accueillir les bras ouverts.

Mais, l’illusion s’est transformée en calvaire tant le séjour aura été jalonné d’entraves. Même s’il faut avouer que les immigrés doivent se conformer aux règles en vigueur dans les pays d’accueil, ce sont les traitements inhumains qui ressortent des différents témoignages. Tout comme dans les déclarations des Maliens refoulés manu militari du Mozambique via l’Afrique du Sud il y a quelques mois, beaucoup de ces immigrés « non grata » en Libye ont soutenu avoir été « emprisonnés, battus et dépossédés de nos biens ».

Dans le cas de samedi dernier, des immigrés, très remontés contre les autorités accusées de ne pas les défendre « valablement et dignement », étaient réticents à l’idée de revoir leurs parents les mains vides, dans la mesure où ils perçoivent le fait de rentrer bredouille à la maison comme une « humiliation ». A défaut d’empêcher leur rentrée « prématurée et sans saveur » au pays, pensent-ils, les autorités, qui affirment régulièrement entretenir une « coopération exemplaire » avec la Libye, auraient pu les soutenir pour qu’ils ne soient pas sevrés de leurs biens gagnés à la sueur de leur front.

Paradoxe libyen

Jadis considéré comme une nation « exemplaire » en matière de coopération Sud-Sud, le pays de Mouammar Kadhafi est en train de revoir sa position vis-à-vis des immigrés sur son territoire. Et cela, estiment des citoyens, « en complicité sécrète » avec le pouvoir en place. Car, arguent-ils, comment comprendre que des Maliens soient « sauvagement » renvoyés chez eux d’un pays « ami » sans que l’Etat ne bronche ? Et d’ajouter qu’Oumar Bongo a donné un bon exemple en répliquant à l’expulsion de deux Gabonais de la France.

Le hic, c’est que les gens ont du mal à reconnaître le guide de la Jamahiriya libyenne dans sa volonté de faire de la Libye un modèle de pays respectueux des droits de l’Homme. Qui peut parler de droits de l’Homme quand des êtres humains sont battus et reconduits aux frontières ? Pour un confrère, « on ne parle pas de droits de l’Homme quand il s’agit de menotter les gens pour prendre la direction de Bamako ».

Qui plus est, des observateurs croient savoir que l’Union africaine suppose la suppression de barrières et de frontières entre les Etats du continent, et de surcroît l’égalité entre tous les ressortissants africains. Dans un tel contexte, le guide libyen, qui est l’un des instigateurs et fervent défenseur de cette union du continent, se trouverait dans une mauvaise posture quand c’est son pays qui s’élève contre des « compatriotes africains ».


Ogopémo Ouologuem

(stagiaire)

08 avril 2008.