Partager

Les exonérations ont pour but généralement de réguler les prix et d’encourager l’investisseur étranger. Mais la pratique a montré qu’elles ne profitent qu’à une poignée d’individus.

Les gouvernements successifs du président de la République Amadou Toumani Touré ont pris l’habitude d’accorder des exonérations sur certains produits de consommation. La première grande opération du genre a eu lieu en 2005. A l’époque, pour faire face aux ravages des criquets pèlerins, que notre pays et la sous-région ont connus, le conseil des ministres a décrété l’exonération d’environ 10 000 tonnes de riz.

Les commerçants bénéficiaires, triés sur le volet, avaient à charge d’approvisionner le territoire national à des prix compétitifs et sur une période couvrant la période de soudure (entre juin et septembre).

L’opération fut un échec cuisant puisque jamais le riz n’a été aussi cher que pendant cette période. Du riz exonéré a été importé à profusion et stocké dans des magasins pour le revendre plus tard cher pendant que les populations souffraient de la faim. Choguel K. Maïga, précédemment ministre du Commerce, n’a jamais expliqué

Les gouvernants n’ont pourtant tiré aucune leçon de cette expérience malheureuse. Toutes les occasions sont désormais opportunes pour distribuer à tour de bras des exos. Le plus souvent, à la veille des mois de ramadan, le sucre entre sur la liste des produits exonérés. Des exonérations fantaisistes sont même servies à des commerçants proches du régime, des marabouts et d’autres personnes qui n’ont rien à voir avec le négoce.

En se référant à la balance de paiement de notre pays, on se rend compte que des produits font l’objet d’exonération alors qu’ils n’entrent pas en ligne de compte de produits stratégiques ou de grande consommation. Comment expliquer le sens des exos sur des boîtes de sardines, des conserves et pâtes alimentaires, le thé Lipton, la farine, entre autres ? Ce sont là des produits que le Malien moyen ne consomme qu’occasionnellement.

Scandale en perspective

Les bénéficiaires des exos sur des produits de luxe ont l’occasion de se faire indûment la poche en volant le peuple et le Trésor public. Non seulement ils causent un énorme manque à gagner pour les caisses de l’Etat, mais aussi les populations sont obligées de payer au prix fort ces mêmes produits dont l’exonération a fait l’objet de transactions.

Puisque les Maliens ne savent pas à qui profitent réellement les exonérations, sauf qu’à ceux qui les octroient ou les gagnent, le phénomène a de beaux jours devant lui. ATT qui a beau reconnaître que les exos ne servent plus à rien, il est toujours le premier à en annoncer pour contrer la flambée des prix du riz sur le marché international.

Il s’est même érigé en défenseur des commerçants qui ont franchi la barre des 310 F CFA le kilo de riz exonéré en affirmant « qu’il est normal que le riz de luxe soit vendu cher ! »

Last but not least. L’exonération ouverte à tous les commerçants pour importer en grande quantité du riz d’avril à septembre est la dernière mesure qui n’a pas elle aussi comblé les attentes. Certains ont importé du riz pourri impropre à la consommation humaine. Pis, au lieu de le vendre au prix de 310 F le kilo au marché du détail, cette denrée se vend entre 375, voire 400 F CFA. Des marchés de la capitale qui n’ont pas été approvisionnés affichent des prix au-dessus de 400 F CFA le kilo.

A mi-parcours de l’opération riz exonéré, qui doit normalement s’achever en septembre, l’échec est total. Selon des informations, des associations de commerçants détaillants et la coordination du groupement des commerçants (la faîtière et la caution morale de l’opération de ravitaillement) ne parlent plus le même langage.

Certains détaillants refuseraient de rembourser des grossistes qui leur ont livré du riz avarié.
Un autre scandale en perspective.

Abdrahamane Dicko

14 Juillet 2008