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A suivre de près l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), puisque c’est de cela qu’il s’agit, on a l’impression d’assister à une contemporisation
de l’Agora de la Grèce antique où plus de 500 sages, toutes sensibilités confondues de la société se retrouvaient, discutaient les problèmes de la cité, faisaient le procès gouvernants-gouvernés.

L’EID n’a rien à envier à l’Agora Grecque, puisque tribune de dialogue entre le peuple malien et son gouvernement. Un processus de critique, d’autocritiques de concertation et de conciliation en marche au Mali depuis plus d’une décennie et qui se perfectionne d’année en année.

Pour cette dixième édition de l’EID, la commission de dépouillement des interpellations a eu à se prononcer sur 62 interpellations parmi lesquelles 55 ont été examinées.

Mais seules 27 interpellations ont été retenues dont 18 pour suite à donner et 9 rééditées. A noter également que 7 des 62 interpellations ont été reçues par la commission de dépouillement hors du délai des dépôts.

Les ministères ayant fait l’objet d’interpellation sont entre autres : Justice (O7), Administration Teritoriale et Collectivités Locales (09), Fonction Publique (02) Maliens de l’Extérieur (02), Développement Social (01) ; Domaines de l’Etat et Affaires Foncières (01), Santé (01), Education Nationale (03), Artisanat et Tourisme (03), Promotion Femme, Enfant et Famille (01) ; et enfin, Sécurité Protection Civile (01).

Auparavant, Mme la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Fanta Sylla, a procédé à la lecture du discours-bilan de la 9e édition de l’EID au cours de laquelle 26 interpellations avaient été faites.

De ces 26 interpellations, dira Mme la ministre, 20 ont été réglées définitivement ou sont en voie de l’être. Au chapitre des recommandations, la mise en place de la Commission Nationale des droits-humains rèlève du souci du gouvernement, et plus spécifiquement, du département de la Justice, à répondre à certaines demandes des associations de défense des droits de l’homme qui veulent être impliquées davantage dans le traitement des affaires ayant trait aux droits humains.

Les conditions des détenus, présentées comme le maillon faible du système par les associations de défense des droits humains, font l’objet de beaucoup d’efforts comme le recrutement et la formation des hommes de justice, des agents de l’administration pénitentiaire, avec pour seul objectif, la sauvegarde des droits des justiciables.

C’est dans ce même registre qu’il faut comprendre la relecture du code de procédure pénale, les efforts en cours pour séparer les femmes des hommes, les mineurs des adultes dans les lieux de détention, la lutte contre tous les droits et attentions qui leur sont dus.

Pour ce qui est du foncier, un domaine qui suscite le plus de problèmes, reconnaît volontiers Mme la ministre de la Justice, ceux qui ont pu fournir des papiers justificatifs ont été réhabilités, les conditions d’accès à la terre sont assouplies et des larges informations sont diffusées autant par les radios que par la télévision nationale.

En ce qui concerne l’administration générale, l’obligation pour les membres du gouvernement de répondre systématiquement aux membres des services de contrôle, la gestion de la crise scolaire, la signature du pacte pour une école apaisée et performante, la tenue d’une bonne année scolaire, l’amélioration de la santé des populations avec des mesures courageuses comme la gratuité de la césarienne, des anti-retroviraux, et la promotion des logements sociaux sous l’égide du président de la République, sont, pour Mme la ministre de la Justice Garde des Sceaux, l’illustration des efforts du gouvernement et tout l’intérêt que celui-ci porte à la recherche de solutions aux préoccupations les plus nobles et légitimes des citoyens maliens.

Autosatisfaction?

Non ! Dira Mme la ministre, car les défis à relever restent énormes. Mais déjà, dira-t-elle, tout est mis en oeuvre pour que l’EID soit une tribune de dialogue entre gouvernants et gouvernés.

Après ce discours-bilan de Mme la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, et la présentation des résultats de la commission de dépouillement, place a été donnée aux associations et organisations de défense des droits de l’homme de faire des contributions pour le renforcement de l’EID dans notre pays.

Une particularité cette année, toutes les interpellations ont reçu des réponses plus ou moins satisfaisantes, selon les approches préconisées par les interpellants, mais conformes aux lois et réglementations en vigueur dans notre pays.

Adama S. DIALLO

DES DECLARATIONS DES ASSOCIATIONS DE DEFENSE DES DROITS HUMAINS

Un tableau toujours sombre…

Invitées à présenter leurs contributions, comme le voudrait le règlement intérieur de l’E.I.D, les Associations et Organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé des pratiques et dysfonctionnements entretenus au sein de notre système judiciaire ; des dérives et insuffisances que le citoyen ordinaire ne perçoit pas, mais qui existent et qui constituent un frein à la marche de la démocratie au Mali.

Ouvrant le bal, le président de l’Association Malienne des Droits de l’Hmme (AMDH), Me Bréhima Koné déclara sans détour que “la gestion personnelle de l’EID par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux et son immixtion dans la commission de dépouillement des interpellations constituent aujourd’hui des menaces pour le devenir même de l’EID.”

Selon Me Koné, le fossé entre les textes nationaux et les conventions internationales, signées par notre pays, reste encore grand. Une harmonisation à ce niveau est donc nécessaire, d’après lui. Le torpillement des règles d’attribution des marchées publics, la violence accentuée en 2005 sur la presse, la non limitation des délais de garde à vue et de la détention préventive, même après expiration du mandat de départ, la non-assistance aux détenus en cas de maladie, sont entres autres violations flagrantes des droits de l’homme qui partant, discréditent la justice malienne et font que les populations maliennes perdent de plus en plus confiance en leur appareil judiciaire.

Me Bréhima Koné n’a pas manqué pour cela de faire cas de la mort dans des conditions extrêmes d’un Sénégalais dans nos prisons et le grand dommage sanitaire subi par l’ex-DG de la Douane Seydou Diawara quand il était encore détenu à la prison centrale de Bamako.

Sur un tout autre plan, le président de l’AMDH a également dénoncé la cherté de la vie pour les citoyens maliens, le chômage de jeunes qui fragilise davantage et désoriente la jeunesse du Mali (les incidents de Ceuta et Melilla, enclave Espagnole, illustrent bien cet état de fait ; la faiblesse du taux de scolarisation, l’inaccessibilité des pauvres aux services de santé, les violences faites aux femmes, le syndrome de la mendicité des enfants, le travail des enfants et la marginalisation des handicapés, surtout les femmes handicapées.

Me Koné a invité le gouvernement à prendre toutes mesures nécessaires pour assurer un bien-être à l’ensemble du peuple malien. Il n’a cependant pas manqué de saluer le Premier ministre et le ministre de la Sécurité Intérieure pour avoir été de tout temps présents aux côtés de l’AMDH dans ses activités de défense des droits humains.

Le président de l’AMDH sera suivi par le Barreau malien qui s’interroge aujourd’hui sur l’exécution des décisions de Justice dans notre pays surtout si celles-ci impliquent l’Etat. Il a surtout constaté que celui-ci, à chaque fois qu’il est mis en cause, érige toutes sortes d’entraves aux agencements diligents des décisions de justice le concernant.

En plus de la nécessité d’une relecture des textes, le Barreau Malien demande l’abolition de la peine de mort qui n’est plus exécutée chez nous depuis plus de 20 ans, la construction des juridictions administratives dans toutes les régions du Mali pour plus de célérité dans le traitement des affaires administratives au niveau local et une implication plus effective des avocats dans les affaires préliminaires au niveau de la police judiciaire et de la gendarmerie. L’objet recherché reste le même : rendre la justice malienne plus crédible aux yeux des justiciables.

La Ligue des Jeunes Juristes pour les Droits de l’Homme (LJDH), à travers son président Me Amadou Tiéoulé Diarra, s’est plutôt préoccupée des libertés individuelles beaucoup trop nuancées par certaines dispositions du code pénal. Il citera à cet effet les 65, 66, 67, 68 et 69 du code pénal dans son chapitre VI concernant la faute des fonctionnaires.

Dans ces clauses, il ressort que le juge judiciaire peut se prononcer sur les actes attentatoires à la liberté individuelle. Or, la compétence juridictionnelle appropriée dans de telles situations est, aux yeux de la LJDH, une juridiction administrative.

Pendant que Amnesty international Mali plaide pour l’abolition pure et simple de la peine de mort, l’ASSEP réclame, elle, l’abolition des délits de presse afin de permettre aux journalistes de travailler en toute liberté, gage, selon elle, de l’amélioration de la qualité des organes de presse.

Les difficultés d’accès à l’information ont été aussi évoquées par l’ASSEP, qui demande d’ailleurs, plus de soutien des pouvoirs publics au profit de l’Observatoire pour l’Ethique et la Déontologie de la Presse (ODEP), organe d’auto régularisation de la presse malienne.

La CADEF, l’ODEF, l’APDF, le MPEDH, le COMADE, ont fait des interventions en faveur d’une amélioration accrue des conditions de vie des femmes et des enfants, deux couches vulnérables de notre société qui ne bénéficient malheureusement pas de trop d’attention des pouvoirs publics.

Adama S. DIALLO

Les recommandations du Jury d’honneur
Pour cette 10ème édition de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), le Jury d’honneur Présidé par Mme Catherine Choquet, après avoir remercié le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement dans leurs efforts pour la pérennisation de l’EID, a fait quelques recommandations.

Il s’agit entre autres de la mise en oeuvre de tous les moyens nécessaires aux suivi et évaluation de requêtes de cette édition. Il demandera à ce que les membres du jury soient informés des interpellations 48 heures avant l’ouverture de la session de l’EID, en vue de permettre a ceux-ci de préparer rapidement des recommandations tout en tenant compte des préoccupations des uns et des autres.

Pour ce qui est de l’administration générale, le Jury demandera au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour diligenter le plus rapidement possible les interpellations qui leur ont été adressées et qui méritent réponses.

En matière de la promotion féminine, le Jury d’honneur demande la cessation immédiate des violences faites aux femmes, notamment l’excision, l’infériorité dans le partage de l’héritage, et la mise à disposition de tout le financement nécessaire aux actions de promotion de la femme et de l’enfant au Mali.

Le Jury, tout en saluant la mise en place d’une Commission ad’hoc pour le règlement des litiges fonciers, demande au ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales ainsi qu’aux autres ministères intervenant dans le domaine du foncier, de s’impliquer davantage dans la recherche de solutions aux problèmes fonciers.

Le Jury d’honneur demande au gouvernement de trouver une solution au chômage des jeunes, tout en appelant les professions libérales à avoir plus d’égard envers les jeunes en quête d’emploi.

Le Jury d’honneur déplore les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire malien et demande au gouvernement de parer à ces insuffisances dans un bref délai.

Le Jury d’honneur demande également l’abolition pure et simple des délits de presse tout comme l’annulation de la peine de mort dans notre pays.

Le Jury demande enfin à ce que les membres nationaux du Jury soient associés au suivi-évaluation de l’interpellation, pour plus de clarté et de célérité dans la suite à donner aux affaires.

A.D

Dans les coulisses de l’EID…

Stands des détenus visités par le PM

Le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga a profité du retrait du Jury pour délibération pour visiter les objets artisanaux fabriqués par les détenus maliens. C’était au Centre International de Conférence de Bamako où se tenait la semaine des détenus.

Un évènement qui permet aux détenus et agents de se familiariser, de se côtoyer en toute indépendance. Le Premier ministre n’a pas caché sa satisfaction face aux merveilleux objets confectionnés par les détenus.

Au-delà de l’aspect social de la chose, la semaine des détenus permet à ces derniers de fructifier les produits de leur intelligence. C’est aussi cela la démocratie.

Informer davantage pour la bonne marche de l’EID

Ce qu’on peut remarquer comme obstacle à la bonne marche de l’EID est sans nul doute le déficit d’information puisque, à part quelques unes, les interpellations faites cette année ne devraient pas avoir lieu si les citoyens comprenaient quelque chose du fonctionnement de l’appareil judiciaire.

Cela se comprend si l’on sait que certains hommes de droit se trouvent derrière presque toutes les interpellations. La question qui se pose est de savoir si les juristes eux-mêmes maîtrisent tous les contours de nos textes.

A croire que des juristes suivent des dossiers dont l’aboutissement est quasi impossible. Il urge donc de mieux informer les citoyens sur la justice malienne, son mode de fonctionnement et les procédures à suivre. C’est la justice malienne qui y gagnera.

Le satisfecit du Premier ministre

Le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga s’est dit satisfait face à ce qu’il a appelé “une journée riche en enseignements” qualifiant ainsi les travaux de la 10e édition de l’EID, une édition qui n’a pas dérogé à la règle dans la mesure où les interpellations ont été suivies où sont en voie de l’être.

L’édification d’un Etat de droit dans notre pays connaît de plus en plus des avancées”, a-t-il dit en réponse aux recommandations faites par les associations de défense des droits de l’homme.

Des efforts restent à faire, a reconnu le Premier ministre avant d’assurer que “le gouvernement prend acte” des demandes faites par le Jury d’honneur en vue lui faciliter son travail.

Rassemblés par
Adama S. DIALLO

12 décembre 2005.