L’Adéma, l’Alliance pour la démocratie au Mali fut une association avant de devenir un parti politique après les événements de mars 1991 lorsque le pluralisme politique fut enfin autorisé comme l’exigeaient les acteurs du mouvement démocratique.
Son baptême comme une association survint après celui d’une autre, celle des juristes et des hommes de loi, le Cnid (Comité national d’initiative démocratique), qui, elle aussi, se transforma en parti politique dans les mêmes conditions. En tant qu’association, tout comme le Cnid, son objectif fut de lutter contre l’autocratie du général Moussa Traoré et d’instaurer le multipartisme, étant entendu que jusque-là le pays n’avait connu que le règne sans partage d’un parti unique constitutionnel dénommé UDPM (Union démocratique du peuple du Mali).
Ces deux associations avaient vu le jour dans un moment de manque de vigilance de l’UDPM alors débordée de tous les côtés par les nombreux problèmes économiques et sociaux que traversait le pays et que le régime, très autoritaire, de Moussa Traoré ne pouvait efficacement juguler. Mais, les contraintes de la lutte contre la dictature imposèrent à l’Adéma (association) de ne pas faire de la ségrégation dans le choix de ses militants et de s’ouvrir à tous les adversaires de l’autocratie.
La transformation de l’association en parti politique au lendemain de mars 1991 se fit à peu près de la même manière, c’est-à-dire que le futur parti laissa la porte ouverte à tout le monde, révolutionnaires comme contre-révolutionnaires dont de nombreux cadres de l’ancien régime.
De la sorte, les révolutionnaires de la veille furent rejoints par ceux du lendemain et même se laissèrent dominer par eux dans de nombreuses structures du parti. L’essentiel fut, aux yeux des responsables de l’époque, de faire du remplissage, de réunir le plus grand nombre possible d’électeurs et de remporter les échéances électorales à venir.
Dès cette époque, le parti draina en son sein un fort courant d’opportunistes et d’affairistes qui n’attendaient que le moment propice pour retourner la situation en leur faveur parce qu’en tant que privilégiés de l’ancien régime, ils n’entendaient pas, au nom d’une révolution qui ne leur disait rien, abdiquer de leurs prérogatives et faire marche arrière. Après la chute de la dictature en mars 1991, les élections présidentielles d’avril 1992 virent la victoire du candidat de l’Adéma sur ceux des autres formations politiques dont celles ressuscitées de la lutte pour l’indépendance (US-RDA, UFP, PDP, etc.) ainsi que des indépendants.
Pendant une décennie (1992, 2002), l’Adéma eut la lourde charge de conduire les destinées du pays. Ses débuts ne furent pas faciles à cause des problèmes économiques énormes et presque insolubles, de la fragilité des nouvelles institutions, mais et surtout à cause des rancœurs politiques des perdants qui mirent du temps à reconnaître le nouveau pouvoir.
En dépit du fait que le 1er gouvernement formé fut ouvert à tous, les mécontentements ne se turent pas et allèrent grandissant. En moins de 3 mois, deux Premiers ministres défilèrent à la tête du gouvernement sans apporter la solution aux problèmes posés. La stabilité politique ne vint qu’avec l’avènement d’Ibrahim Boubacar Kéita en 1994 et qui resta à la barre jusqu’en 2000 où poussé vers la sortie, il dut se résoudre à la démission.
En avril 1997, le paroxysme de la contestation politique fut atteint avec l’élection présidentielle que beaucoup de formations politiques coalisées au sein du Coppo (Collectif des partis politiques de l’opposition) boycottèrent, laissant la victoire au candidat de l’Adéma opposé à celui d’un petit parti politique, le PUDP.
La gestion de la victoire acquise dans ces conditions fut de tous les dangers en raison de toutes les corporations. Pendant ce temps, les rangs du parti étaient minés par des divisions et des dissensions de toutes sortes. Au congrès de 1994, apparut une 1re scission, celle de Mamadou Lamine Traoré, qui le quitta et créa le Miria, emmenant dans son sillage tout le clan de Varsovie. En 1993, le chef du gouvernement, Ibrahim Boubacar Kéita, à son tour, contesté, opta pour la rupture et créa le RPM en 2000.
Son départ marque la fin de l’unité au sein du parti avec l’abandon par calcul de la notion de candidat naturel du parti à la présidentielle. Président du parti et candidat potentiel à l’élection de 2002, cette position lui fut contestée. La notion de candidat naturel fut donc mise à la poubelle et on opta pour une formule nouvelle : la convention selon laquelle tous les militants du parti avaient le loisir de se porter candidat.
Effectivement à la convention de 2001, ce fut Soumaïla Cissé qui obtint les faveurs des délégués (à coups de millions de F CFA, dirent les témoins) au détriment de Soumeylou Boubèye Maïga pourtant bien placé. Mais battu en 2002 par ATT comme dans une conspiration nationale, dégoûté, Soumaïla Cissé quitta le parti avec ses partisans et créa l’URD (l’Union pour la République et la démocratie).
Au total par le jeu de la politique politicienne, trois grands partis politiques sont issus de l’Adéma : le Miria, le RPM et l’URD. Le comble est que ces scissions ne découlent pas de divergences profondes, mais plutôt de coups bas et de frustrations suscitées par le sommet du parti. D’ailleurs, sur le plan idéologique tout fut flou à l’Adéma de 1992 à 2002 et Alpha Oumar Konaré gouverne sans programme.
Après 2002, l’Adéma, quoique majoritaire, ne fut plus que l’ombre d’elle-même avec une direction fébrile remorquée au chef de l’Etat pour plus de fidélité. Incapable (en fait, il lui fut interdit) de présenter un candidat en 2002, le parti ne fut qu’apporter son soutien à ATT et se vanter de cette pauvre victoire. En récompense à ce coup tordu à la démocratie, on lui octroya la présidence de l’Assemblée nationale.
L’actuel chef de l’Etat n’étant pas candidat pour 2012, l’Adéma présentera sûrement un candidat. Son accompagnement incompréhensible d’un simple indépendant au détriment de son propre candidat en 2002 a dérouté les 3/4 de ses militants qui ne font plus confiance à la direction du parti et restent dans l’expectative.
Yiriba
23 Octobre 2008