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Le contingent tchadien dans la force de la Cédéao qui sera déployée au Mali suscite des remous à Ndjamena. Jeudi, l’opposant Saleh Kebzabo a exigé du président Deby un débat national autour de cette question.

Le Tchad, par la voix de son président avait souhaité être représenté au sein des forces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui sont attendues au Mali. Jeudi, l’opposition au président Deby a exigé que ce sujet soit préalablement discuté à l’Assemblée nationale.

« Il s’agit d’engager des enfants du Tchad sur un territoire étranger. Il s’agit d’envoyer des enfants du Tchad en guerre dans un autre pays, et donc cette question, de notre point de vue, ne relève pas d’une seule personne, fût-elle président de la République. C’est une question qui doit être débattue à l’Assemblée nationale, c’est à l’Assemblée nationale qu’on donne l’autorisation aux troupes nationales d’aller à l’étranger », a justifié le 16 août sur les antennes de RFI l’opposant Saleh Kebzabo.

Cette démarche au Tchad montre une autre facette de la problématique de l’envoi de troupe de la Cédéao. Elle doit inciter la classe politique malienne et le futur gouvernement à faire preuve de discernement afin que nos forces armées soient opérationnelles sur le terrain au nord, à moins que le dialogue engagé avec les islamistes ne soit sur une bonne voie, c’est-à-dire que les islamistes renoncent à la charia, acceptent le principe de l’indivisibilité et de la laïcité du Mali. Ce qui n’est loin d’être le cas.

Tout porte à croire qu’une confrontation entre l’armée malienne et les islamistes est inévitable à la longue. Et il faut nous préparer le plus vite possible

Certes, « le Mali doit payer le prix de sang », disait l’ex-ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Soumeylou Boubèye Maïga, mais l’expérience en Afghanistan, au Libéria, en Sierra Léone ou récemment en Libye a démontré que les troupes étrangères ne sont jamais sorties indemnes des opérations.

Un débat national au sein de l’Assemblée nationale de chaque pays de la Cédéao paraît légitime, mais prendra forcément du temps et occasionnera des souffrances supplémentaires à la population du Nord. M. Kebzabo a déjà ouvert la brèche. Il ne serait pas étonnant que dans les autres pays (Côte d’Ivoire, Sénégal, Nigeria, Niger), prêts à envoyer des éléments au Mali, que des voix similaires ne s’élèvent pour exiger la même démarche préalable.

Ce ne serait pas une nouveauté puisque les opérations de maintien de paix par l’envoi de soldats d’un pays à un autre ont toujours suscité de vifs débats entre pouvoir et opposition des pays fournisseurs de contingent. L’envoi et le retrait de soldats d’Afghanistan ont été des thèmes de campagne dans les élections présidentielles aux Etats-Unis d’Amérique et en France.

En son temps, l’ex-président russe Mikhaïl Serguëvitch Gorbatchev après avoir fait face à de violentes manifestations de mères de jeunes soldats russes envoyés en Afghanistan, avait dû ordonner le retrait de 100 000 d’entre eux. L’envoi des troupes de la Cédéao au Mali risque aussi de devenir un thème de campagne.

Denis Koné

Les Echos du 19 août 2012