LIndépendant : On vous prête l’ambition de devenir président de la République du Mali alors que vous êtes, semble-t-il, milliardaire à Rome. A croire que l’être humain n’est jamais totalement satisfait de son sort.
Modibo Kane Kida : Je vous remercie du fond du cœur d’avoir répondu à mon invitation malgré votre calendrier et vos occupations essentielles. Je me soumets à l’ensemble de vos interrogations. Pourquoi parler du chapeau quand la tête est pourrie ? Si l’on y regarde de près, la situation actuelle du Mali nous renvoie à un système de parti unique, car tous les partis se trouvent en réalité dans un moule centralisateur. Alors que dans un vrai système démocratique, il faut donner aux citoyens l’occasion de choisir. Mon ambition de devenir président du Mali n’est dictée par une quelconque volonté de me servir de ce pays-qu’est-ce que Dieu ne m’a pas donné n’étant pas président ? -mais plutôt pour le servir, lui donner ce que personne d’autre ne lui a jamais encore offert.
Pour moi, c’est un sacrifice, mais un sacrifice magnifique. Quand, en 2002, j’ai brigué la magistrature suprême, il s’est trouvé des gens qui étaient aux affaires au Mali-mais dont je tairai le nom-qui ont estimé que je suis devenu fou. Pourquoi abandonner une situation que je maîtrise pour aller dans une situation que je ne connais pas ? Autrement dit, pour reprendre l’adage bambara, pourquoi abandonner le poisson à portée de main au profit du poisson qui se trouve sous les pieds ? Quand je suis retourné au bercail, les gens ont pleuré; d’autres se sont jetés à terre. « Il faut venir, il faut venir. Il y a de la place pour toi dans la construction de ce pays » disaient-ils. Si le pays a besoin de moi, je viendrais pour le changement, leur ai-je répondu.
D’ailleurs, j’ai dit à mon directeur de cabinet que lorsque mon avion s’immobilisera sur l’aérodrome de Bamako, je demanderais au peuple : « je suis venu pour le changement. Etes-vous d’accord pour changer ? ». S’il répond oui, je dirais à mon commandant de bord : «tu peux éteindre ton moteur». Mais si c’est uniquement pour m’acclamer, je retournerais à mes anciennes amours. Parce que je n’aimerais pas aller vivre une situation impossible. La situation que je vis, aujourd’hui, est une situation possible. Parlant de changement, je précise tout suite que je n’arrêterais personne parce qu’elle a porté atteinte à telle ou telle chose. Non.
Aujourd’hui, tout est attaquable. Nous sommes dans une situation de survie. Je viendrais en mécanicien, en technicien, mais pas en politicien, parce que la politique, c’est un mal qui répugne, et les gens n’y voient que tromperie et manœuvres de bas étage. Je ne peux pas faire de la politique. Je m’en vais en mécanicien pour gérer ce pays-là, pour qu’il puisse avoir un moteur et deux poumons.
Cette situation de gestion de la nation à deux vitesses, je la trouve très dérisoire à l’heure où le monde va à la vitesse supersonique. J’ambitionne de conférer au Mali une place de choix dans le concert des nations. Cela demande des talents d’homme pragmatique et non des talents de démagogue. Le Mali serait-il la dernière des nations que je n’aurais aucun problème pour son développement. Je suis d’accord avec Abraham Lincoln que des gens de petites conditions avaient apostrophé en lui demandant pourquoi il ne viendrait pas partager leurs conditions de petites gens, se coucher avec eux, s’habiller en haillons comme eux, au moment où il sollicitait leurs suffrages pour la magistrature suprême des Etats-Unis. Il leur répondit en ces termes : « je ne suis pas venu me mettre à votre niveau ; au contraire, je suis venu pour vous tirer vers le haut afin de vous mettre à mon niveau ». Moi je remercie Dieu, mes collaborateurs peuvent le certifier, mon personnel fait partie des mieux payés d’Italie. Que les Maliens soient aussi les mieux payés en Afrique, tel est mon projet. Ce n’est qu’une question d’initiatives et d’ambitions.
On ne pourra pas dire que suis un enfant qui ne compte pas pour la nation lorsque je me propose d’aider mes concitoyens. S’ils ne veulent pas de mon aide, je serais, pour le moins tranquille avec ma conscience. Moi je ne suis pas un chercheur de place de président ; je le suis déjà.
L’indép. : Vous avez laissé entendre, en paraphrasant Lincoln, que vous ambitionnez d’élever vos concitoyens à votre niveau. Concrètement, comment comptez-vous vous y prendre ?
M.K.K : Il y a déjà des relais. Nous avons mis sur place, avec récépissé, un Comité d’initiative dont le professeur Boubacar Bobo Dicko est le président actif. Moi, j’en suis le président d’honneur. A l’heure où je vous parle, ce Comité, qui ne s’est pas encore adressé solennellement à la nation, revendique plus de 150 récépissés d’associations qui adhèrent à son initiative. Nous allons encourager cette structure à continuer à faire connaître ce que nous voulons apporter comme aide à la nation… Il y a de cela quelques jours, le CIC était avec moi à Paris pour l’installation de sa représentation parisienne et mettre en place le Fonds de Solidarité Malien auquel le CIC a déjà offert 10 millions de FCFA. Ce sont 40 millions de FCFA qui ont été récoltés et offerts gracieusement à nos compatriotes vivant en France qui, jusque-là, pouvaient mourir d’un rien. J’y ai contribué personnellement pour 10 millions de FCFA. Nous avons mis Makan Sidibé à la tête de cette institution. Il est en train de travailler.
Les Maliens vivant en Allemagne sont actuellement en proie à des expulsions massives. Ils m’ont demandé d’aller tenir une réunion pour implanter le CIC en Allemagne. Les Maliens de la diaspora m’ont même offert un prix avant de faire de moi leur président d’honneur. Le CIC est en train de s’investir avant même de se prononcer. Voyez aussi notre aide à la BHM-SA. Cela est aussi une action magnifique. C’est une initiative du CIC. Ces types initiatives sont appelés à se multiplier. Le président actif nous a parlé des hôpitaux et de beaucoup d’autres projets qui ne peuvent trouver leur solution que dans le CIC. C’est notre instrument privilégié de travail pour nous adresser à la nation.
L’indép. : Qu’est-ce que le CIC a fait, jusqu’ici, pour se faire connaître des Maliens de l’intérieur qui constituent le gros de l’électorat ?
M.K.K : Beaucoup de choses. Je vous ai dit que le CIC a déjà enregistré, par le simple fait du bouche-à-oreille, plus de 150 récépissés avant même qu’il ne dévoile officiellement ses ambitions. Spontanément, les gens viennent prendre leur carte d’adhésion. Nous avons un siège et un récépissé. Les réunions ont commencé à se tenir régulièrement. Nous sommes nés, il y a juste deux ou trois mois. On a fait beaucoup de choses utiles. Quelle est cette formation politique ou société qui, à peine née, possède à son actif des gestes de 26 milliards de FCFA, 30 milliards ou 10 milliards de FCFA offerts à des gens pour ne pas aller en prison? Parce que nous, ce n’est pas le charabia. Nous, ce sont les actions et le CIC, par ses actes, est en train de se faire remarquer. Il est en train de se faire applaudir. Tout ce que j’entreprends, je le fais en harmonie avec le CIC. Tout le temps, je suis ensemble avec le président actif, Boubacar Dicko, pour faire avancer la machine CIC au service du Mali. Boubacar Dicko, est un grand cadre de l’Etat qui a accepté de tout abandonner pour venir animer le CIC.
L’Indép. : Dans votre stratégie de conquête du pouvoir, comptez-vous coopérer avec d’autres partis politiques maliens?
M.K.K : Les partis politiques ne sont pas en dehors des difficultés nationales. Mais ce sont des formations maliennes et je m’adresse à tous les Maliens, sans exclusive.
L’Indép. : Peut-on espérer voir le président Modibo Kane Kida rentrer solennellement au Mali pour y rencontrer le président ATT ?
M.K.K : C’est la question que tout le monde se pose. Beaucoup de gens l’ont demandé et ATT, l’autre jour à l’UNESCO, m’a demandé de diligenter mon retour au pays. « Si vous ne venez pas maintenant, envoyez-moi votre frère. Il va s’occuper de vos papiers ». Eh bien, il viendra rencontrer le président ATT. Puis il ira à Dakar rencontrer le président Wade. Il sera en mission en Afrique. C’est pour pouvoir jeter les bases du CIC et mieux préparer mon entrée politique. Dès qu’il me dira « venez » mon avion sera prêt pour atterrir à Bamako. Nous avions dit que ce serait au mois de mai ou juin, mais finalement nous n’étions pas fin prêts. Mais les choses vont très vite. On a fait Paris, on a fait l’UNESCO, on a fait des rencontres. Aujourd’hui, c’est vous, journalistes du Mali. Ce qui veut dire que les choses vont dans le bon sens. Donc, il va rentrer au courant de ce mois et nous avons même réservé l’hôtel, où nous résiderons à Bamako. Nous avons pris les dispositions et vous allez nous voir bientôt parmi vous.
L’Indép. : Si vous étiez élu demain président du Mali…
M.K.K : Je le souhaite de tout mon cœur…
L’Indép. :..Quelles seraient vos priorités, si l’on sait que notre pays est confronté, de tous côtés, à des difficultés aussi pressantes les unes que les autres?
M.K.K : Mettre le Mali en chantier, puisque la maison est en ruine. Et il ne s’agit de reprendre les choses qui ne tiennent plus. Le premier chantier de la nation, ce sont les institutions. Nous sommes dans une situation de précarité. Voyez-vous, qu’est-ce que vous connaissez dans la vie qui ne finit pas par vieillir ? Les besoins allant en s’exprimant fortement et la machine s’affaiblissant, au fil du temps, elle finira fatalement par s’arrêter. Moi, je remettrai immédiatement le pays en chantier. J’appliquerai une nouvelle vision au Mali d’aujourd’hui. Une politique assez libérale, qui prend en compte l’expression profonde du peuple, qui le remet dans son pays en droits, en privilèges et en devoirs. C’est le but même de mon intérêt à faire quelque chose pour le pays.
L’Indép. : Quel contenu comptez-vous donner à votre projet de réforme institutionnelle ?
M.K.K : J’ai beaucoup d’admiration pour le système confédéral des Etats Unis qui a fait la preuve de son effecacité.
L’Indép. : Soyez plus précis.
M.K.K : Nous irons vers une confédération qui parle du Mali dans son entier, mais dans la reconnaissance des particularités maliennes qu’on appelle les identités culturelles. Chacun est roi dans son espace culturel, chacun est mieux compris dans son espace culturel. Nous avons huit régions administratives au Mali. Chaque région va devenir un Etat administratif. Les gens, en ce moment-là, ne demanderont plus d’autodétermination parce qu’un instrument pour s’exprimer, s’autogérer et compter sur eux-mêmes va leur être offert. La région de Ségou sera appelée l’Etat-Région des Balanzans, Mopti, l’Etat-Région du Fleuve, Kayes, l’Etat-Région du Khasso, Kidal, l’Etat-Région de l’Adrar des Iforas, etc
Nous allons nous entendre sur nos diversités culturelles. Au sommet, ce sera le Siège de la Confédération. Le Siège aura comme charge de veiller au strict respect des différentes constitutions existantes. Les Régions-Etats, en ce qui les concerne, auront chacune une Constitution, un Parlement et un chef de l’Exécutif qui ne sera pas nommé par le président confédéral, mais qui sera élu avec à charge de gérer dans l’intérêt compris des populations qui l’ont porté à leur tête.
Le président de la Confédération contrôle la bonne marche de l’ensemble. Il sera, en quelque sorte, le régulateur du système, un fusible entre les Etat-Régions dans le cadre de la bonne marche du système.. Maintenant, tout le monde va poser la question de savoir comment tout cela va être organisé. Dès que nous serons élus, nous allons proposer notre projet de Constitution. Nous n’allons pas tout de suite former un gouvernement. Nous allons plutôt prendre des ministres de mission. Nous trouverons les fonctionnaires qu’il faut pour expliquer notre vision au Mali profond. Ils auront trois mois pour le faire. Dès que le référendum passe, nous allons tout de suite créer les Etats-Régions par Décrets qui seront ratifiés illico presto.
Nous allons prendre la structure qui existe, les éléments qui la composent changeront tout simplement de nom. Nous allons dire au peuple : nommez vos gouvernants, organisez-vous. Les partis politiques redémarreront. L’Assemblée nationale que nous avons actuellement deviendra le Grand Conseil. Plus les gens se rapprochent de leur espace normal, plus ils seront intéressés, donc efficaces.
Si j’ai pris l’Amérique comme exemple pour l’Afrique, c’est pour mettre en exergue ce qui a réussi dans une nation, un succès sur lequel tout le monde est unanime. Nous pouvons reproduire cette réussite chez nous sur la base de nos valeurs culturelles dans le cadre d’un changement radical, normal et légitime.
Entretien réalisé par notre envoie spécial en Italie Saouti Labass Haïdara
13 juin 2006