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« La démocratie malienne est malade et hospitalisée à Koulouba


 » Tout le monde sait aujourd’hui que la démocratie est malade et hospitalisée à Koulouba. Les vrais démocrates doivent se donner la main pour sauver notre démocratie « . Cette déclaration, frappée au coin d’humour est de Ibrahim Cissé, président du Parti de l’Espoir Réel (PER) issu du Mouvement Citoyen. Il l’a fait dans un entretien exclusif qu’il a accordé à notre confrère  » Le Challenger « . Nous avons choisi de republier cette interview dans  » L’Indépendant  » à cause de la pertinence de l’analyse qu’il a faite de la situation politique nationale. Entre autres sujets développés, dans l’entretien, il appelle les Maliens à voter IBK, le président du RPM, seul homme politique capable, selon lui, d’apporter l’alternance et le changement.

Vous avez décidé de quitter le camp présidentiel quatre ans après avoir contribué à porter Amadou Toumani Touré au pouvoir. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Nous avions pris fait et cause pour le combat du président de la République. Nous ne sommes pas venus avec la dernière pluie. Nous faisons partie de ceux qui se sont regroupés pour créer le Mouvement citoyen, et nous avons ATT en 2002 à la magistrature suprême.

Après quatre ans de gestion des affaires, nous nous sommes sentis écartés. C’est ainsi que certains d’entre nous ont pensé qu’il fallait créer le Pcr, histoire de quitter la phase associative pour mieux assumer les actes que nous posions. Ainsi, avec des aînés, nous avons créé le Pcr.

Mais, plus tard, nous remarquons que le parti ne se démarque pas du pouvoir et continue à le soutenir. Nous nous sommes alors sentis trompés, nous nous sommes ressaisis pour créer notre parti politique. C’est le Parti Espoir Réel (Per), pour nous assumer, c’est à dire dénoncer toutes les insuffisances de l’actuel régime.

Donc, nous ne sommes pas là pour un homme mais pour le peuple malien. Tout le monde sait aujourd’hui que la démocratie malienne est malade et hospitalisée à Koulouba. Les vrais démocrates doivent se donner la main pour sauver notre démocratie.


Vous estimez être mis à l’écart par le régime alors qu’en 2002, vous étiez en première ligne pour l’élection d’Amadou Toumani Touré. C’est un problème de partage de gâteau ou quoi ?

Partage de gâteau, c’est trop dire. Nous sommes jeunes. Et la jeunesse constitue près de 70% de la population malienne. Si cette jeunesse ne se laisse pas berner et se donne la main, nous pouvons vaincre, aussi bien aux élections législatives, qu’aux municipales et à la présidentielle.
Nous nous armons tout simplement pour un combat démocratique réel et pour un lendemain meilleur du peuple malien.

Vous avez décidé de soutenir la candidature de Ibrahim Boubacar Kéïta à la présidentielle d’avril prochain. Qu’est-ce qui vous a amené à ce choix ?

En 2002, le contexte politique a favorisé l’émergence d’un indépendant. Après quatre ans d’exercice du pouvoir par un indépendant dans une démocratie considérée à l’étranger comme un modèle, il fallait constater les faiblesses et les atouts réels.

Malheureusement, nous avons constaté que tout se passe au sein d’un clan, d’une mafia et qu’il faut être dedans pour savoir comment le pays est géré. L’indépendant a donc montré ses limites. C’est pourquoi nous avons dit : » non ! » Il fallait alors retourner aux partis politiques et choisir un homme politique averti pour lui apporter notre soutien. Nous pensons que Ibrahim Boubacar Kéïta est le seul qui peut aujourd’hui apporter l’alternance. L’homme, comme vous le savez, a su, depuis cinq ans, raison garder face aux péripéties de la vie politique malienne. Voilà les raisons qui nous ont poussés à soutenir la première candidature démocratique d’un parti politique. Nous allons nous battre pour qu’il y ait l’alternance.


ATT vous a beaucoup déçus alors ?

Oui. Nous avons été déçus par le régime. Mais, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. Mais, pratiquement, l’indépendant a montré ses limites. Je lance un appel à tous les démocrates convaincus pour sauver la démocratie malienne. Je ne peux pas comprendre qu’on ne puisse pas avoir au sein d’une centaine de partis politiques des hommes crédibles qui puissent présenter un projet de société au peuple malien.

Dans tous les cas, nous allons nous battre pour barrer la route à l’indépendant dont l’objectif est de tuer les partis politiques. Que dire d’une démocratie sans parti politique ? C’est pourquoi je disais que tous les démocrates doivent soutenir IBK, car, c’est une valeur sûre qui peut apporter le changement.

Vous vous réclamez de l’opposition ?

Nous sommes contre le système actuel. Opposition, oui, par rapport au système. Nous luttons pour que les choses puissent changer en 2007. En ce sens, nous nous démarquons du régime. On ne peut pas comprendre que des partis politiques renoncent au nom de leurs intérêts personnels à la conquête du pouvoir, vocation première d’un parti politique.

Vous avez accusé publiquement l’épouse et la fille du président de la République d’immixtion dans les prérogatives régaliennes relevant seulement du chef de l’Etat. Vous avez des preuves ?

Mmmmmmm…!


Qu’est-ce que vous reprochez au pouvoir ?

Pendant cinq ans d’exercice du pouvoir, nous avons constaté que tout est centré autour du président Amadou Toumani Touré. Tout part de lui, tout revient à lui. C’est toujours des termes du genre qu’on entend,  »je veillerais personnellement…je veillerais personnellement… ». Il y a trop de concentration de pouvoir dans les mains du président.

La démocratie va en se dégradant parce que c’est un indépendant qui est au pouvoir. Même si nous avons contribué à le porter au pouvoir, nous nous sommes très vite ressaisis.


Qu’est-ce que vous proposez comme alternative?

Nous pensons qu’il faut déconcentrer les choses. Faire jouer réellement aux institutions leur rôle. Redonner espoir aux Maliens en s’occupant réellement de leur devenir…

C’est pourquoi vous avez créé le Per ?

Oui. Je pense qu’en créant le parti espoir réel, nous ambitionnons de redonner de l’espoir réel aux Maliens qui ont aujourd’hui perdu espoir. C’est pourquoi, il faut un cadre politique dans lequel il faut faire revivre cet espoir.

Depuis l’indépendance du Mali, les différents chefs d’Etat qui se sont succédés à la tête du pays ont tour à tour utilisé pratiquement le mot espoir comme slogan. Ne pensez-vous pas que le mot est très abstrait ?

Non, pas du tout. Quand je dis espoir, je fais allusion à la jeunesse. La jeunesse, c’est l’espoir de demain. Toute jeunesse organisée peut déplacer des montagnes. Au niveau du Per, nous voulons ramener la politique au niveau de la jeunesse. Nous refusons désormais de servir comme bétail électoral. C’est d’ailleurs pourquoi je me suis présenté à l’élection législative partielle de Mopti.

Vous avez un dernier mot ?

Qu’on ne nous voit surtout pas comme des ennemis. Nous ne sommes ennemis à personne. Nous sommes plutôt amis à tous les Maliens. Nous avons un ambitieux programme pour les jeunes du pays qui constituent aujourd’hui près de 70%.


Entretien réalisé par Alhassane H. Maïga (Challenger) NB: le titre et le chapeau sont de la rédaction

02 février 2007.