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L’Indépendant : Le vendredi 15 avril dernier, les députés des pays ACP ont signé la charte portant création de l’Assemblée consulaire ACP ? Comment expliquez-vous une telle avancée ?

H. W. Sharon
: C’est un très bon pas en avant qui formalise l’Assemblée. De ce fait renforce la visibilité et l’impact de notre organisation. Cela permet également d’avoir beaucoup plus de discussions en profondeur sur les questions de développement économique et social. Avant de formaliser notre assemblée consulaire, nous avions une structure plus informelle.

On se réunissait deux jours avant le début de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Nous nous réunissons pendant plus de temps, les membres ACP des commissions permanentes se réunissent aussi en formation ACP pour discuter plus en profondeur les différents sujets avant de rencontrer leurs homologues européens.
Et, de ce fait, ils peuvent réagir de façon plus conséquente aux questions posées.

L’Indép : L’APP a officiellement démarré ses travaux le lundi 18 Avril. Dans votre allocution, vous avez lancé un appel à la solidarité en faveur des enfants du Soudan. Pourquoi seulement les enfants de ce pays ? Pourquoi pas ceux du Burundi ou du Rwanda ?

Sharon
: J’ai lancé cet appel en raison de mon expérience propre de chef de mission au Soudan. J’ai vu les conditions du Soudan. Je ne dis pas par là qu’il n’existe pas de problèmes au Burundi ou au Rwanda par exemple. Les problèmes y sont réels.

J’ai passé une semaine comme chef de mission au Soudan et là j’ai vraiment été un témoin oculaire des conditions de vie des enfants. C’est pour cette raison là que j’ai lancé cet appel.

Donc, j’ai profité de cette mission pour entendre les enfants. J’étais sensible au sort des enfants qui vont souffrir durant toute leur vie.

Et j’ai utilisé l’image d’être enfermé dans une prison en solitaire parce que ces enfants vont toujours porter la tâche de leur naissance. Ce n’est pas de leur faute parce qu’ils n’ont pas demandé à naître de cette façon.

L’Indép : Comment ces enfants sont-ils nés ?

Sharon
: Il s’agit des enfants qui sont nés comme résultat du viol et ces viols ont été perpétrés dans le cadre du conflit qui existe au Soudan, un conflit inter-village alimenté par le banditisme. Quand il s’agit de femmes, on ne prend pas la propriété de la femme, on ne vole pas son sac ou ses bijoux. Il s’agit d’une violation de la personne de la femme et de cette violation on laisse une cicatrice pour toute la vie. En fait, on crée une nouvelle vie et dans la tradition africaine, on ne met pas fin à une vie de cette façon aussi facilement. Donc, les mères gardent leurs enfants et sont obligées de s’en occuper. Il y a aussi le problème des maris qui sont éloignés et qui rentrent à la maison pour trouver que leurs femmes ont des enfants issus d’un viol, c’est-à-dire des enfants qui ne sont pas nés de leur union. Ce sont des situations très difficiles. C’est difficile pour la famille et pour toute la communauté.
Donc, cela représente un très grand défi auquel on doit faire face.

On parle en fait de dizaines de milliers d’enfants parce que le Soudan est un grand pays avec une population d’environ 30 millions d’habitants. Le problème n’est pas que l’unité au sein du Darfour, il y a aussi des problèmes similaires au nord. Donc, c’est quelque chose qu’on ne peut pas ignorer, il faut y faire face.

Dans notre cas, nous mettons l’accent sur la résolution des conflits et celui du Soudan en particulier. Dans ce contexte, il faut prendre en compte les mesures qui visent à améliorer la qualité de vie de toutes les populations. Mais, je crois qu’il faudrait cibler d’abord les groupes vulnérables.

Ceux-ci méritent un traitement prioritaire. J’ai eu une conversation avec le ministre de la justice du Soudan qui m’avait raconté que les mères abandonnaient parfois les nouveaux nés sur le seuil où à l’entrée des bâtiments publics. Donc, le gouvernement devait prendre en charge ces enfants. Parfois, il les envoie à l’hôpital pour des soins, c’est ainsi que le gouvernement a pris conscience qu’il a des responsabilités envers ces enfants et qu’il doit se doter de capacité plus grande pour fournir des services sociaux à ces enfants qui vont grandir

L’Indép : Vous avez également plaidé pour un monde plus juste. Pouvez-vous expliciter votre opinion ?

Sharon
: Un monde plus juste, oui. En tant que parlementaire, je crois que les décisions qu’on prend vont dans la direction de l’amélioration des conditions de vie des populations. Dans nos discussions, nous tenons compte du fait que nous avons des responsabilités envers les populations et que chaque décision prise doit représenter une avancée pour les gens qui sont sur le terrain.

L’Indép : L’objectif de l’APP (ACP-UE), c’est l’élimination de la pauvreté dans le monde …

Sharon
: Tout est possible avec la bonne volonté. Les deux parties au sein de l’APP, c’est-à-dire les parlementaires européens et ceux de l’ACP s’engagent à respecter la déclaration de Bamako dans le cadre de nos capacités. Nous avons fait la déclaration sur les objectifs du millénaire et nous nous sommes engagés à sa réalisation

L’Indép : Concrètement, qu’est-ce que la déclaration de Bamako peut changer dans la lutte contre la pauvreté ?

Sharon
: La réduction de la pauvreté n’est pas seulement une question de nourriture Il y a aussi des questions liées à la gouvernance des pays. Les objectifs du millénaire parlent par exemple de l’éducation et de la santé. Si les gens ne peuvent pas lire et écrire, s’ils ne parviennent pas à améliorer leurs connaissances, ils ne pourront pas faire face aux défis du monde.
Ce qui veut dire que le pays devient plus pauvre. Pour combattre la pauvreté, il faudrait aussi éliminer certaines maladies et la dette. En effet, beaucoup de nos budgets se concentrent sur les services de la dette et on n’a pas les ressources nécessaires pour faire face à la pauvreté de nos concitoyens

Chahana Takiou

22 avril 2005