Une histoire de mauvaises pratiques contre l’intégrité physique et morale des détenus oppose aujourd’hui les défenseurs des droits humains au Mali à l’administration pénitentiaire.
Les premiers se soucient de plus en plus des conditions de détention des prisonniers, quant à l’Administration pénitentiaire, elle entend mettre un frein aux évasions des prisonniers.
Ce sont les conditions d’hospitalisation d’un détenu malade, Mamadou Seyba Diarra, qui provoquent l’ire de l’AMDH (association malienne pour les droits de l’Hommes).
Le sieur Diarra gravement malade et malgré son état alarmant est présentement admis à l’hôpital Gabriel Touré, le poignet menotté et attaché au lit. L’AMDH, au vu de ce spectacle a crié au scandale.
Dans une déclaration publiée, hier matin, elle a fait savoir que «cette pratique constitue une grave atteinte à la dignité humaine».
Dans la même déclaration, l’AMDH «demande au directeur national de l’administration pénitentiaire d’arrêter immédiatement cette mesure et de se conformer aux règles minima des Nations Unies sur les conditions de détention».
L’AMDH a, en outre, appelé les autorités maliennes à la plus grande vigilance, quant au respect de leurs «obligations internationales».
L’AMDH a aussi rappelé que l’article 5 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auxquels le Mali a adhéré prescrivent tous deux que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants».
De l’avis de Me Brahima Koné, président de l’AMDH, les conditions de détention et d’hospitalisation du détenu Mamadou Seyba Diarra violent de «façon flagrante» toutes ces conventions internationales ratifiées par le Mali dont l’application est même garantie par la constitution du Mali.
Dans cette affaire, l’AMDH a essentiellement deux griefs contre l’État malien.
Le premier est relatif à la durée de détention de ce détenu. En effet, Mamadou Seyba Diarra à la suite d’un crime passionnel est en détention préventive depuis 1999. IL est donc détenu au-delà du délai prévu par le code de procédure pénale, qui ne saurait excéder 3 ans sous peine de juger la personne ou de la mettre en liberté.
Le second grief, c’est de le menotter sur son lit d’hôpital.
Éviter l’évasion
Nous avons approché le directeur national de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée, Mamadou Baba Traoré.
Ce dernier a effectivement reconnu que ce détenu est malade et que son service s’est battu pour qu’il soit hospitalisé.
Selon lui, Mamadou Seyba Diarra est poursuivi pour assassinat. Il est donc supposé avoir un caractère «trempé, endurci criminel jusqu’au bout des oncles».
Quand on hospitalise un détenu, dira-t-il, son corps physique est transféré de la maison d’arrêt à l’hôpital. Là, il faut que les responsables de la prison continuent d’assurer la surveillance pour s’assurer qu’il ne va pas s’évader.
Mamadou Baba Traoré affirme que des instructions ont été données aux surveillants pour que le détenu ne soit plus menotté, ni enchaîné. Mais, dira-t-il, les surveillants ont peur.
Car en cas d’évasion, ce sont eux qui vont répondre devant les tribunaux pour «négligence».
Or dans le cas du détenu Mamadou Seyba Diarra, révèle le directeur «depuis le départ, les surveillants ont trouvé à son chevet une boite contenant des épingles et des trombones pour détraquer les menottes». Ce qui a suscité la méfiance de ses gardes.
Au delà de cette affaire, le fait d’enchaîner et de menotter les prisonniers sur leur lit d’hôpital est courant dans notre pays. Jusqu’ici aucune dénonciation n’avait été enregistrée du côté des associations défendant les droits de l’Homme dont l’association malienne pour la défense des droits de l’Homme (AMDH).
C’est donc la première fois que cette association sorte de sa réserve en condamnant le traitement d’un détenu menotté sur son lit d’hôpital.
Du côté de l’administration pénitentiaire l’on invoque des raisons sécuritaires pour justifier la mesure prise contre ce détenu.
Et ce service chargé de la gestion des prisons et des prisonniers affiche sa détermination à ne point déroger aux règles sécuritaires.
Entre l’AMDH et administration pénitentiaire s’achemine-t-on vers une bataille des menottes ?
Birama Fall
26 août 2005