Face à la méconnaissance des normes communautaires par les populations des huit pays membres de l’UEMOA et surtout à la réticence de certains Etats membres de rendre effective la création d’un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et le droit d’établissement des personnes ayant une activité indépendante ou salariée, la Cour de justice de l’UEMOA, un des organes de contrôle juridictionnel chargé de veiller au respect du droit quant à l’interprétation et l’application du traité de l’Union et des dispositions juridiques communautaires, a organisé du 6 au 10 avril 2010 à Cotonou (République du Bénin) un séminaire régional de sensibilisation des journalistes et membres de la société civile des Etats membres de l’UEMOA.
Ce séminaire, qui a regroupé une quarantaine de participants dont trois journalistes et deux membres de la société civile de chaque État de l’Union, s’inscrit en droite ligne des séminaires nationaux et régionaux organisés par la Cour de justice à l’intention des praticiens du droit, des opérateurs économiques et des agents des administrations des Etats membres.
Selon le président de la Cour de justice de l’UEMOA, le Béninois Abraham Zinzindohoué, ce séminaire régional qui a la particularité de mettre face à face des journalistes et membres de la société civile des Etats membres de l’UEMOA et des membres de la Cour de justice de l’UEMOA participe ainsi de cette volonté de vulgariser le droit communautaire et revêt une importance capitale.
L’objectif du présent atelier de sensibilisation, ajouta-t-il, est de permettre aux participants de se familiariser davantage avec l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, de connaître les normes communautaires qui y sont produites et de comprendre le rôle de la Cour de justice, son organisation, ses compétences et ses procédures.
Tout en espérant que ce séminaire permette aux participants de mieux appréhender les objectifs de l’UEMOA, de les intéresser à sa production normative dont l’évolution se fait à une vitesse fulgurante, le président Abraham Zinzindohoué a exhorté les hommes des médias et les membres de la société civile de l’UEMOA à se mettre aux côtés de la Cour de justice et des autres organes de l’Union, afin de porter haut le combat de la vulgarisation et de la sensibilisation dans leurs pays respectifs et au-delà.
Pour le ministre chargé des relations avec les Institutions du Bénin, Maître Zakari Baba Body, «en choisissant de faire participer les hommes de médias et ceux de la société civile à l’œuvre commune de création d’un espace économique mieux intégré, vous vous inscrivez dans une nouvelle dynamique de construction de l’intégration sous-régionale pragmatique et susceptible de combler les attentes des peuples».
Quant au ministre délégué auprès de la présidence de la République chargé de la communication et des nouvelles technologies de l’information qui a présidé la cérémonie d’ouverture, il a exprimé le souhait de voir les séminaristes transmettre, dans le cadre de leurs activités, les informations reçues à l’occasion de ce séminaire pour qu’à partir des jours et semaines, ces questions soient davantage dissertées dans les médias et au sein des organisations de la société civile de nos Etats.
La présentation de l’UEMOA et de la Cour de justice, thème de la première journée, a été faite par Allou Konan Jérôme et notre compatriote Ousmane Diabaté, tous deux juges à la Cour de justice de l’UEMOA. Ils ont rappelé les objectifs poursuivis par l’institution ainsi que son fonctionnement et les différents organes et leur rôle.
Il s’agit, entre autres, de la conférence des chefs d’États, du conseil des ministres, de la commission qui en sont les organes de direction, la Cour de justice et la Cour des comptes qui sont les organes de contrôle juridictionnel, le comité interparlementaire (organe de contrôle parlementaire), la chambre consulaire (organe consultatif) en plus du conseil du travail et du dialogue social, la BCEAO et la BOAD (les deux organes spécialisés autonomes), la BRVM et le CESAG qui sont des structures rattachées.
Les deux juges ont éclairé les participants sur le rôle de la Cour de justice, son champ d’action, la procédure de sa saisine et ses composantes. Les débats qui ont suivi les communications ont porté sur les compétences et les limites de la Cour de justice et ses rapports avec celle de la CEDEAO. Les participants ont surtout déploré l’impossibilité pour les populations (individus) de faire recours au manquement auprès de la Cour et la non exécution immédiate de certaines décisions par des Etats membres.
Le président de la Cour, modérateur de la première journée, et ses collaborateurs ont fait des contributions et apporté des précisons à d’autres préoccupations, notamment sur les liens de coopération entre les juridictions communautaires et nationales pour harmoniser leurs positions et surtout éviter les conflits de compétences et normes.
Pour conclure, le président de la Cour a affirmé que sa principale difficulté réside dans l’absence d’autonomie financière et administrative.
Quant à la «libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO», elle constituait le thème de la communication de la deuxième journée de l’atelier. Ce thème a été présenté par le Sénégalais Ibrahim Samb, magistrat de profession et auditeur à la Cour de justice de l’UEMOA.
La modération était assurée par la Burkinabé Ramata Fofana Ouédraogo, juge à la même institution. La notion de libre circulation signifie, selon l’auditeur Samb, que «tout ressortissant d’un État membre de l’UEMOA a le droit de se déplacer, de s’établir, de résider et d’exercer une activité salariale (sauf dans les emplois de la fonction publique) dans tous les Etats de l’espace». Elle s’étend aux biens, capitaux et services.
Bien que ce principe soit consacré par le traité de l’Union, son application n’est pas encore effective à cause de la méconnaissance des normes communautaires par les populations. Selon Ibrahim Samb, il ne s’agit ni plus ni moins que des entraves à la libre circulation des personnes et des biens.
Il fera savoir que sa mise en œuvre a été très difficile parce que les Etats membres étaient indifférents dès le départ. Ce principe de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace UEMOA est bloqué à cause des réticences des Etats membres.
Certains pays sahéliens ne veulent pas de la libre circulation, parce qu’ils ne veulent pas que leurs céréales sortent.
C’est une entrave à la libre circulation. Des entraves qui sont d’ordre juridique, politique et administratif. D’où l’invitation des journalistes et des membres de la société civile à participer aux côtés de la Cour de justice à l’information et à la sensibilisation des populations.
Birama Fall,
Envoyé spécial à Cotonou
14 Avril 2010.