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« Je suis très content que vous vous intéressiez à moi. C’est d’ailleurs la première fois qu’un journaliste m’approche et j’étais prêt dans les jours à venir à contacter un journal pour parler de nos conditions. Dieu merci, vous êtes là, mon vœu est exaucé ».

C’est en termes limpides qu’El hadj Mohamed Bagnama Diawara nous a reçu hier chez lui à Bolibana derrière la Station Total.

Très courtois, cet ex-revendeur de journaux, qui a très tôt perdu ses parents, vit chez sa marâtre avec ses frères et sœurs. Sans boulot fixe, il fait ce qu’il appelle la « débrouillardise » pour joindre les deux bouts depuis qu’il a arrêté la revente des journaux.

« J’ai été déçu par le comportement de certaines personnes qui m’avaient initié dans la vente des journaux. C’est pourquoi j’ai laissé tomber d’abord ».

Mais auparavant, Bagnama a joué dans plusieurs films dont le plus récent est « Une mère de sable pharaon » d’Abdoulaye Ascofaré. C’est là qu’il a rencontré d’autres nains comme Tito et Mantala Harby, tous artistes musiciens, qui sont devenus ses amis.

« Mais mon souhait le plus ardent, c’est d’être journaliste et revendeur de journaux en même temps. Je gagnais pleinement ma vie dans la vente de journaux et je me suis fait beaucoup de connaissances. Je veux être indépendant », dit-il.

Déception

Dans sa vie en société, Bagnama dit avoir connu des jours pénibles. « Je veux toujours être avec les gens, écouter leurs conseils. Aujourd’hui, ça va, je ne suis pas rejeté.

Auparavant, quand je sortais, certaines personnes riaient de moi en m’appelant ‘Tièkorobani ou Tiècourouni’ et d’autres me regardaient jusqu’à ce que je sente qu’ils me regardent.

C’est énervant et je me souviens avoir agressé quelqu’un pour ça. Je n’aime pas l’hypocrisie. Je suis fier de la taille que Dieu m’a donnée. Je suis un homme conscient. Mais certains pensent que les gens de mon espèce n’ont autre chose à faire que quémander surtout les responsables.

J’ai été déçu par le comportement de plus d’un qui, s’ils ne te donnent pas de faux rendez-vous, ils te disent clairement qu’ils ne peuvent pas te recevoir.
Et c’est ce qu’un ministre de Développement social m’a fait », témoigne-t-il.

A 40 ans, Bagnama ambitionne de se marier et avoir au moins deux « héritiers ». Déjà trahi par une première femme convoitée, il se dit toutefois prudent car comme il le répète à l’envi « chat échaudé, craint l’eau froide ».

Sidiki Y. Dembélé

NANISME

Un dysfonctionnement de la croissance

Infirmité des nains, le nanisme est d’origine familiale ou génétique. Le ralentissement prénatal et post-natal de la croissance en sont les principales causes. Le syndrome de cette insuffisance staturale peut atteindre aussi bien l’enfant que l’adulte.

Le nain est une personne de taille très inférieure à la moyenne. Sur le plan médical, il se définit comme étant un hypofonctionnement somatotrope.

La fonction somatotrope est appelée la fonction de croissance. En définitive, le nanisme est un groupe de personnes hétérogènes en bonne santé proportionnée de petite taille « taille inférieure à moins d’un mètre ».

Appelé par certains dysfonctionnement de la fonction de croissance et d’autres insuffisance staturale, le syndrome du nanisme peut atteindre aussi bien l’enfant que l’adulte. Mais il n’intervient chez l’enfant avant l’age de 2 ans à partir duquel, la fonction de croissance commence. La maladie chez l’enfant est appelée nanisme constitutionnel.

Selon Dr. Siona Traoré, neurophysiologiste à l’hôpital du Point G et spécialiste dans l’interprétation des électroencéphalogrammes, le nanisme constitutionnel est composé de deux éléments, c’est-à-dire : le retard de croissance et de maturation qui est d’origine familiale ou génétique et qui doit être apprécié sur une courbe de croissance et en fonction de la taille familiale, de l’état osseux…

De l’avis de Dr. Traoré, sur le plan physiologique, on peut constater chez l’enfant un déficit de l’hormone de croissance qui peut être quantitatif ou qualitatif et l’insensibilité des récepteurs de l’hormone de croissance. Toutefois, révèle-t-il, « la carence d’origine génétique de l’hormone de croissance dans le nanisme est rare ».
L’hormone de croissance a pour cible l’os pour lui permettre de grandir et de grossir.

Il se trouve que le ralentissement prénatal de la croissance lié à la malnutrition de la maman, l’insuffisance placentaire, des anomalies chromosomiques de la maman et le ralentissement post-natal de la croissance dû à la malnutrition infantile, des anomalies métaboliques, des cardiopathies, etc. sont les causes du nanisme.
Aux dires de Siona Traoré, l’hormone de croissance est aujourd’hui commercialisée pour être injectée lorsqu’elle est altérée.

Les nains sont des êtres humains à part entière. Mais, ils sont souvent handicapés par certains travaux qui demandent de la taille.

Mohamed Daou

HAUTS D’UNE COUDEE

Les plus petits hommes du monde

A l’instar d’autres pays, au Mali vivent de personnes de petites tailles.

Leur nom vient du grec pugmaios qui signifie « haut d’une coudée ».

L’Antiquité les connaissait déjà depuis leur découverte par une expédition vers les sources du Nil envoyée par un pharaon de la VIe dynastie.

Celui-ci en fit venir un à sa cour avec force recommandation pour sa sécurité et son confort. « Salut au danseur de Dieu, à celui qui réjouit le cœur, à celui vers lequel soupire le roi », écrit le pharaon.

D’Egypte, la connaissance de personnes de courtes tailles communément appelées « naines » ou encore pygmées s’est répandue chez les anciens : ils sont nommés par Homère et par Aristote et représentés sur des mosaïques de Pompéi. Les occidentaux en firent des monstres infrahumains, jusqu’à ce que des explorateurs des fins du XIXe siècle les rencontrent.

Hormis la petite taille handicapante pour certaines activités, le pygmée est une personne comme les autres, souligne Dr. Lamine Coulibaly, socio-anthropologue. Au Mali, les pygmées sont peu nombreux et malgré le handicap de la taille, ils parviennent à intégrer parfaitement la société, ajoute-t- il.

Si aucune étude sérieuse n’est disponible sur cette catégorie d’hommes, on peut néanmoins se référer sur l’Encyclopaedia Universalis Corpus 19. Selon ce document, on ne connaît pas le nombre des pygmées qui vivent surtout dans la forêt équatoriale africaine, de l’océan Atlantique aux Grands lacs.

Cependant, les estimations oscillent entre 350 000 et 500 000 en ex-Zaïre, au Rwanda, au Cameroun, au Gabon. En RDC et au Rwanda, on leur attribue le nom twa ou cwa et au nord-est dans la forêt de l’Ituri le nom, mbuti. Il s’agirait du groupe le mieux étudié.

Ainsi, l’anthropologue M. J. Gusinde donne le nom de twide, dérivé de twa, aux pygmées africains pour lesquels E. T. Harry, anthropologue américain, a forgé le nom de négrille, diminutif de Nègre.

Certains auteurs, selon l’Encyclopaedia, classent parmi les pygmées, les negritos, populations asiatiques de petites tailles : aeta des Philippines, andaman des îles du même nom. L’Encyclopaedia Corpus 19, révèle que la thèse d’une origine commune de tous les pygmées, africains et asiatiques est combattue par l’anthropologie contemporaine qui explique la similitude de ces groupes par l’adaptation génétique à un même milieu, la forêt équatoriale.

Des ethnologues ont vécu parmi les pygmées et s’ils ne partagent pas tout l’enthousiasme du pharaon, ils se plaisent à reconnaître leur qualité humaine. La société africaine, celle du Mali en particulier, accorde souvent de pouvoirs surnaturels aux pygmées qui n’en détiennent pas en réalité.

Denis Koné

(source : Encyclopaedias Corpus 19 Paris)

Des bouts d’hommes appelés nains

Il est des gens qui sont plaisants, mais que personne n’aimerait avoir comme parents. Sont de ceux-là les idiots, les mabouls, les bossus et les nains. Justement les nains, en raison de leur rareté sous nos arbres à palabres, la langue bamanan ne leur a pas réservé un mot précis, ni même une expression bien imaginée.

En revanche, la langue française leur a trouvé un, en référence aux petites créatures de quelques centimètres qui n’apparaissent qu’au crépuscule et qui avec les hommes sont tantôt drôles, tantôt menaçants. Le nain humain, lui, est un individu de moins d’un mètre pour un corps tout en boule comme si les pieds et les bras étaient absents.

Les nains, comme les aveugles, les sourds et les bossus se recrutent sur tous les continents et dans tous les milieux. En Europe et plus particulièrement en France, de grandes familles nobles et de riches familles bourgeoises ont eu leurs nains qu’on a cachés comme s’ils avaient la lèpre. A la cour de Versailles, au temps de Louis XIV et de Louis XV, le palais grouillait de nains, généralement de sexe masculin, qui amusaient les princesses, la reine et ses dames de compagnie.

Chez nous, dans les milieux traditionnels et conservateurs, la réflexion s’est faite que le nain, l’idiot ou le cinglé descend dans les familles élues de Dieu, celles qui sont appelées à diriger la société. L’éclopé de la famille est donc perçu comme étant la compensation (nâ en bamanan) de cette fortune soudaine. Dans ce contexte, le nain est choyé, entouré de tous les soins, l’idée dominante étant que la famille vit mieux grâce à lui.

En dehors de cela, la condition de nain est très dure dans nos sociétés.
Les gens semblent plus tolérants envers les infirmes que pour les individus anormalement constitués à propos desquels l’opinion est faite que cela n’est pas normal, ne vient pas du hasard, mais de la volonté de Dieu que le sujet soit aussi, en guise de punition, par la volonté du créateur Lui Seul. C’est pourquoi, les nains et les albinos sont exclus du chapitre de l’aumône, c’est-à-dire ne sont pas autorisés à le recevoir.

Dans les campagnes, fait pour ne pas cultiver, le nain n’est d’aucune utilité. Sa constitution est telle qu’il est disqualifié pour les deux travaux des champs ; de la sorte on n’attend rien de lui, c’est proprement un inutile social aussi encombrant qu’un parasite. Dans les périodes difficiles, celles de famine par exemple, le premier réflexe est de se débarrasser de quelque moyen que ce soit du nain, si jamais la famille en possède.

En brousse, même si la famille est bien aisée, on ne se préoccupe pas de trouver femme à un nain. La raison en est simple : l’époux devant assurer la subsistance de sa femme, la prendre en charge matériellement et moralement, le nain, incapable de cet exploit, s’est privé lui-même de ce bonheur.

En ville, la situation est légèrement différente. Issu de bonne famille, hormis la taille de moins d’un mètre, vu que les autres parties du corps sont normalement développées, le nain peut s’affirmer socialement et devenir quelqu’un. La preuve, c’est qu’on en trouve parfois chef ou mère de famille, faisant de beaux enfants, souvent si grands qu’on ne les dirait pas nés de créatures au ras du sol.

Des exemples de naines riches épousées par des fonctionnaires ont été vus à Bamako, mais il faut reconnaître que ces situations sont plutôt rarissimes et s’il fallait en tenter une estimation statistique, on ne serait pas loin de 2 %.

Nos mœurs ne sont pas encore très tendres pour les marginaliser, le nain, quelle que soit son épaisseur, quel que soit son niveau intellectuel ou sa fonction officielle, a intérêt à bien se tenir en société et, surtout, à bien tenir sa langue. En lui, les gens ne voient pas plus loin que le 0,50 m qu’il représente. Un célèbre nain de France, membre d’un cabinet ministériel sous la Ve République, autour d’un livre intitulé « 0,50 m », faillit se faire défenestrer par un de ses subordonnés et rien n’en sortit.

Malgré la grande intelligence de certains, malgré les collections de diplômes, aucun pays n’a encore pris la responsabilité historique de mettre un nain dans son gouvernement. Même la démocratie semble ne pas vouloir de lui dans son système, préférant lui confier les petits boulots qui ne fatiguent pas trop. C’est en cela que le nain, sur le plan économique, apparaît plus comme une charge qu’un agent de production.

Facoh Donki Diarra
(ISH, Bamako)

Culture à rebours

Parce que décrétés inaptes, certains de nos frères, alors même qu’ils ont des capacités avérées, n’entrent dans le circuit de production qu’au compte-gouttes. Il en est ainsi des nains.

Ces frères, dont le malheur est d’avoir une taille nettement inférieure à la moyenne, ont beau avoir les plus grands parchemins, ont beau avoir la capacité d’exceller dans un domaine ou un autre…, rien à faire : notre société, hélas ! continue encore de les regarder du haut de sa grandeur.

Juste accepte-t-elle qu’ils jouent les boute-en-train. En effet, aucun Malien ne serait choqué de voir un nain sur un tréteau, faire de la figuration dans un film ou battre du tam-tam au sein d’une troupe.

Pour le reste, et en dépit de notre volonté de promouvoir l’égalité des chances, nul ne peut se targuer, à ce jour, d’avoir aperçu la tronche d’un nain dans une instance de décision. A ces niveaux, c’est la porte fermée à leur nez.

Chose qui est quand même paradoxale dans un pays qui a normalement besoin de tous ses fils et de toutes les énergies pour se développer.

A. M. Thiam

29 juillet 2005