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Cinq ans après la mise en concession de la société, le partenaire stratégique, SAUR international a jeté l’éponge pour raison de «différence de vision économique». Un divorce prévisible parce que depuis l’élection du président Amadou Toumani Touré en juin 2002, Saur et l’Etat malien n’ont plus parlé le même langage.

En effet, le champion du «PDS» (Parti de la Demande Sociale) a véritablement fait de la réduction des prix d’eau et d’électricité son cheval de bataille. Le président de la République a fait de la baisse tarifaire sinon une question de vie ou de mort du moins un point par rapport auquel on pourrait juger pratiquement tout son mandat.

«Dans un premier temps, il avait pu imposer une baisse des tarifs. Il y a eu quelques grincements de dents du côté de l’EDM dont le partenaire stratégique s’était plaint de la méthode pour le moins cavalière de lui imposer une tarification», rappelle le doyen TBM dans sa chronique hebdomadaire dans le quotidien Les Echos.

La divergence des intérêts est déjà perceptible parce que le président a des ambitions politiques alors que Saur, comme tout investisseur vise d’abord le profit. Alors comment garantir l’enjeu politique sans nuire au profit du partenaire stratégique ? Une équation que les partenaires ne sont jamais parvenus à résoudre.

Surtout que la première baisse n’ayant satisfait personne, ATT en redemandait davantage. Une seconde baisse a suivi sans produire les effets escomptés. Selon certaines indiscrétions, l’EDM ne se serait jamais exécutée par rapport à ces mesures «plus politiques que sociales». La rupture était donc prévisible. Et l’Etat s’est arrangé avec IPS pour reprendre la main.

Selon l’Essor, citant une source anonyme, les Français se retirent parce que «après quelques années d’exploitation, le groupe n’a pas trouvé intéressant le marché malien qui ne représente même pas 1% de son chiffre d’affaire».

Mais, ce retrait serait beaucoup plus lié à des raisons politiques que commerciales. La baisse des tarifs d’eau et d’électricité pouvant être un atout électoral de poids pour le locataire de Koulouba en 2007. Ce qu’il n’était pas sûr de parvenir avec Saur. Autant composé avec le groupe de son ami personnel, Aga Khan

La concession, comparée à un bradage par beaucoup d’observateurs du secteur, avait donné la majorité des actions au partenaire stratégique que formaient SAUR International et Industrial Promotion Services (IPS) pour l’Afrique de l’Ouest du groupe Aga Khan, avec 60 %.

L’État était minoritaire avec 40 %. En décidant de se retirer du contrat, SAUR International a rétrocédé sa part de 39 % des actions à IPS. Ce dernier a à son tour passé le paquet à l’État qui se retrouve désormais avec 66 % des actions contre 34 % pour IPS, l’actionnaire minoritaire.

Qu’est-ce que la nouvelle donne change ?

«Il ne s’agit pas d’un changement dans la forme du contrat de concession, mais tout simplement d’un changement d’actionnariat», explique un responsable de la société cité par nos confrères de l’Essor.

Il indiquait que «les enjeux du changement sont énormes, explique notre interlocuteur à EDM. Il faut d’abord maintenir le climat de confiance qui a prévalu entre la société et ses clients, ces dernières années. Le cap de développement atteint aujourd’hui doit être maintenu et amélioré».

De toutes les manières, en dehors de la main mise sur le Conseil d’administration, donc de la Direction de l’EDM, l’Etat reprend (provisoirement) un secteur névralgique du pays. De nos jours, l’eau et l’électricité contribuent assez à alourdir les charges des ménages.

Pis, la cherté de l’électricité est une sérieuse entrave à la politique incitative mise en place par l’Etat pour attirer les investisseurs. Cette reprise en main devait donc lui permettre de trouver une solution idoine à ces casse-têtes sans pour autant ruiner l’entreprise.

En effet, puisqu’il presque le seul maître à bord, il a logiquement les coudées franches pour réaliser ses ambitions de réduction. Il trouve dans la position idéale de soulager les consommateurs et- de séduire davantage les investisseurs dans l’immédiat.

Mais, le fougueux ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, a rapidement mis du bémol à l’enthousiasme de ceux qui nourrissaient un tel espoir. Face à la presse et à l’opinion, il n’a pas voulu s’engager par rapport à une prochaine baisse tarifaire. Pourquoi alors l’Etat exigeait-il autant de l’Etat ?
De vrais défis à relever

A part les règlements de compte consistant à mettre à la touche quelques cadres compétents mais intransigeants, cette reprise en main de l’EDM par l’Etat à peu de chance de combler les attentes des maliens.

Parce que le vrai défi, pour l’instant, consiste à consolider les maigres acquis de la concession. Il est vrai que les investissements de Saur n’ont jamais été à hauteur de souhait. Mais, la société était parvenue à avoir un certain équilibre financier et à sortir du rouge.
Comme toujours, l’EDM doit encore trouver les moyens de satisfaire d’abord la demande pressante et de l’entretien du réseau vétuste. Les coupures d’électricité de ces jours derniers en disent long sur le challenge qui attend l’Etat.

Et selon certaines sources au sein de la société, la consommation d’eau serait déjà au maximum alors que l’on n’a pas encore abordé la période cruciale de la saison sèche avec des pics de chaleur entraînant une forte consommation d’eau et d’électricité.

L’installation d’une station de pompage sur la rive droite est aujourd’hui incontournable pour approvisionner efficacement cette partie de la capitale. Un investissement non seulement élevé, mais dont la réalisation prend du temps.

Ce dernier facteur n’est donc pas le meilleur atout de la nouvelle EDM en quête de pérennisation de ses acquis puisque nous sommes à seulement six mois de la canicule. Et là faudrait-il que l’Etat ait les moyens de faire de tels investissements.

La concession imposait à SAUR la charge des importants investissements que le développement de l’électrification du pays nécessite. La nouvelle donne fait de ces investissements le fardeau de l’Etat.

Ce qui est moins évident. Parce qu’ayant «chassé» Saur, il ne peut pas compter sur la Coopération française pourtant assez dynamique à nos côtés pour l’accès à l’eau potable. Les intérêts de la France étant de plus en plus menacés dans notre pays, il faut donc s’attendre à un retour du bâton.

Alors que le pays ne doit non plus compter sur les Etats-Unis qui ne cachent pas leur embarras par rapport au rapprochement avec l’Iran et Cuba. Sur qui compter maintenant ?

Le très généreux groupe Aga Khan peut-être ! Et même là, le difficile décollage de la Compagnie aérienne du Mali (CAM) montre les limites de l’efficacité de groupe.

Il faut qu’au sommet de l’Etat on arrête de se leurrer. Quel que soit le degré de l’amitié, aucune entreprise n’investit dans un pays tiers pour faire de la charité. Il est donc fort à craindre que l’EDM se retrouve rapidement dans la même situation qui a favorisé sa privatisation en 2000.

Ce qui mettrait à nu les lacunes d’un département agissant beaucoup plus par la fougue que par le réalisme.

Moussa Bolly

25 octobre 2005.