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A 4 ans, Fatoumata Diaouné, native du village de Diangounté Camara, petite bourgade perdue dans les confins de la région de Kayes (610 km de Bamako, Ouest), ne rêve que du CDPE (Centre de développement de la petite enfance), un palliatif au jardin d’enfants classique initié par le ministère de l’Education en partenariat avec l’Unicef.

De pratiques éducatives traditionnelles, ces centres, faut-il le souligner, sont des cadres pourvus d’un minimum d’équipements pour accueillir, dans de bonnes conditions éducationnelles, de nutrition, de santé, d’hygiène et de sécurité au moins une cinquantaine d’enfants de 4 à 6 ans. Au CDPE, les enfants sont encadrés par des animatrices ou mères éducatrices qui entreprennent avec eux des activités d’apprentissage, avec comme médium de communication la langue du milieu. Ils bénéficient de visites médicales périodiques, au moins une fois par trimestre.

« Depuis que ses trois autres sœurs ont commencé à fréquenter le Centre du village, elle (Fatoumata Diaouné) ne cesse de manifester son désir de les rejoindre. Son enthousiasme est tel que nous allons finalement céder à sa demande », confie la sexagénaire Baï Samabally, la grand-mère de la petite fille, qui se réjouit de l’ouverture du centre dont les bienfaits, selon elle, sont inestimables.

« Ce jardin d’enfants a été très bénéfique pour nos enfants et petits-enfants. Depuis qu’ils y sont, leurs mamans vaquent tranquillement à leurs tâches ménagères. Je constate qu’ils (les enfants) sont de plus en plus éduqués. Le matin, quand ma petite fille se lève, elle vient me dire bonjour, ce qu’elle ne faisait pas auparavant », témoigne la grand-mère.

Confirmant cette bonne tenue des mômes depuis leur inscription au centre, Manthia Sylla, une mère de famille de cette même contrée, dont une fillette fréquente également le CDPE, tout en dressant une véritable couronne de lauriers aux autorités maliennes et à l’Unicef, ne cesse de vanter les bienfaits du jardin qui recense 76 bouts de chou (30 garçons, 46 filles).

« Les mots me manquent pour énumérer tous les bienfaits du centre. Imaginez que mes filles d’à peine 4 ans exigent que je les lave tout le temps. Elles refusent de porter les habits sales. Auparavant, elles pouvaient manger n’importe quel plat, même avarié », soutient cette femme sarakolé de 22 ans (ethnie dont est issue la majeure partie des immigrés maliens vivant en France).

Tout comme à Diangounté Camara, plusieurs autres localités de la région de Kayes abritent des CDPE, des structures légères, susceptibles d’être créées par les communautés elles-mêmes, selon Sékou Oumar Diarra, responsable du projet « Eveil et développement du jeune enfant » à l’Unicef.

Chaque CDPE est encadré par un comité de gestion constitué par les villageois qui fixent les frais d’inscription et de scolarités. Ces frais vont de 250 F CFA et 500 F CFA. C’est avec cet argent que l’on paye souvent les animatrices. Les mairies prennent en charge, dans certaines localités, le salaire (entre 20 000 et 30 000 F CFA) de ces mères éducatrices.

De Tambacara à Yaguiné en passant par Kersignané Diafounou (cercle de Yélimané), Dianguirdé (cercle de Diéma) et Samantara (Nioro), la plupart des CDPE, sous des hangars ou dans des cases, font désormais partis de l’univers scolaire.

Ça et là, la salle de classe « active » devient une bibliothèque, un atelier, une aire d’activité. Des jeux de plein air sont proposés pendant lesquels les enfants jouent pleinement sous l’œil vigilant des animatrices. Les jeux et jouets se fondent essentiellement sur les réalités socioculturelles du milieu d’implantation. Les contes, les enfantines, les comptines, les poyi (poème en bambara), les jeux initiés sont tirés du terroir et les jouets sont fabriqués avec des objets de récupération.

Le programme mobilise des femmes du village, pour qui, il est l’occasion d’une formation sur le plan de l’hygiène, de la nutrition et des pratiques d’encadrement du jeune enfant. Les enfants ont le privilège de prendre le goûter. Il offre un espace social à la taille des enfants, permettant des activités par petits groupes d’âges intégrés.

A Samantara (138 km de Kayes, chef-lieu de région), premier village à expérimenter le projet jardin d’enfants en 2000, le succès est indéniable. L’école primaire de six classes compte parmi ses élèves quelque 114 écoliers issus du jardin d’enfants ou « clos d’enfants ».

Parmi ces enfants, neuf d’entre eux (4 filles et 5 garçons) sont membres du gouvernement des enfants, un projet initié par l’Unicef et qui implique fortement les enfants dans la gestion de l’école, notamment en matière de santé, d’hygiène, environnement.

« Les enfants issus des « clos » sont parmi les meilleurs. A leur inscription à l’école primaire, on constate qu’ils sont plus éveillés, faciles d’encadrement », confie Mohamed Dicko, directeur chargé de cours à l’école primaire de Samantara dont le jardin d’enfants accueille présentement une soixantaine de mômes encadrés par 60 animatrices (grands-mères, mères et futures mères) qui se relayent cinq fois par semaine.

« La pré-scolarisation ne consiste pas, ici, à commencer plus tôt les apprentissages scolaires (lecture, écriture). Elle doit permettre aux enfants de développer des capacités d’observation, de réflexion, d’orientation dans l’espace, des habiletés manuelles, de développer leurs compétences sensorielles et motrices ; d’aiguiser leur curiosité afin de leur offrir des opportunités qui leur permettent de se questionner sur la compréhension du monde. Cela favorisera plus tard leur entrée dans les apprentissages scolaires », déclare Mme Diakité Oumou Faye, en service à la direction nationale de l’éducation de base.

Selon le ministère de l’Education, le taux d’encadrement des enfants d’âge préscolaire est d’environ 5 %, ce qui est très faible. Au total, il existe au Mali quelque 318 établissements préscolaires formels encadrant environ 44 826 enfants de 3 à 6 ans.

Sory Ibrahim Guindo

13 février 2006.