Les règles et principes qui sous tendent toute démocratie ont une vie. En clair, elles s’adaptent à l’évolution de la société démocratique. Notre Constitution du 25 février 1992 ne peut pas échapper à cette donne sacro-sainte. C’est ainsi qu’elle a connu en l’an 2000 une volonté de modification qui s’est matérialisée à travers un important travail de réflexion et de réexamen de certaines de ses dispositions ayant abouti à des réécritures de certains de ses articles, voire de refonte d’autres et des précisions par rajouts.
Le texte final a été adopté en séance publique le 21 juillet 2000 à l’Assemblée nationale. Sur un total de 122 articles de la Constitution du 25 février 1992, les amendements du projet de révision constitutionnelle avaient porté sur 61 articles. Sur ceux-ci, 37 ont porté sur le style rédactionnel, les ajouts, les suppressions.
Les 24 autres n’ont pratiquement pas apporté de changements de fond susceptibles d’affecter la nature du régime politique institué par la Constitution de 1992. En effet, le projet de révision n’a remis en cause ni la substance de la constitution, ni les fondements du régime institué en 1992. On s’attendait donc que le projet soit soumis à référendum comme l’avait voulu la représentation nationale à l’époque. Mais non ! Pourquoi ? On doit chercher à le savoir. I
l faut rappeler que pour cette révision constitutionnelle projetée en l’an 2000, la Coopération suisse et la Fondation Friedrich EBERT avaient mis la main à la poche, sans doute parce que la nécessité était évidente. Il faut aussi rappeler que le projet de révision constitutionnelle stipulait très clairement que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels au Mali ». Ledit projet avait même été publié dans le Journal officiel spécial n°5 du 18 octobre 2001.
En outre, le projet prévoyait que « Si la loi n’est pas promulguée à l’expiration du délai de promulgation, le président de l’Assemblée nationale peut saisir la Cour constitutionnelle qui déclare la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution ». Il prévoyait aussi que « En cas d’urgence déclarée par le président de l’Assemblée nationale, le délai de promulgation peut être ramené à huit jours ».
Fort de toutes ces précisions, le président de la République de l’époque a soumis à la Cour constitutionnelle le projet de révision pour vérification de conformité avec la Constitution en vigueur. On se souviendra utilement que le Collectif des partis politiques de l’opposition et singulièrement le RPM ont cru déceler des différences de taille entre le projet publié dans le Journal officiel et celui transmis par le président de la République à la Cour constitutionnelle.
Le RPM n’avait pas manqué d’introduire une requête auprès de la Cour constitutionnelle au motif que loi de révision n°00541 AN – RM du 21 juillet 2000 portant révision de la Constitution du 25 février 1992 a subi le tripatouillage présidentiel ; en clair, que le texte transmis à la Cour constitutionnelle est différent, sur 13 points, de la loi de révision votée par l’Assemblée nationale et publié au Journal officiel.
Que donc le président de la République a fait des faux sur certains articles, certains de forme, d’autres de fond. On se souviendra tout aussi utilement que le gouvernement, par les soins de son secrétaire général, Fousseyni SAMAKE, avait tenté de minimiser les traficotages dénoncés par le RPM en arguant de vouloir procéder rapidement à la « correction d’erreurs matérielles » constatées.
Mais la Cour constitutionnelle ne s’est pas laissée duper car la portée du faux constaté n’était pas minime. Elle avait donc donné raison au RPM en reconnaissant qu’en effet nul, fût-il président de la République, n’avait le droit de modifier quoi que ce soit dans un texte de loi voté par l’Assemblée nationale.
Et que tout changement dans le texte voté par la représentation nationale nécessitait absolument le renvoi par le président de la République de la loi au Parlement pour seconde lecture. La Cour constitutionnelle avait donc pris l’historique arrêt n°01-128 des 11 et 12 décembre 2001 qui déclarait inconstitutionnelle la loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 et ordonnait sa notification aux requérants, au Premier ministre et sa publication au Journal officiel.
A l’époque, ce fut un cas de forfaiture avéré et si le peuple avait maugréé, la classe politique était restée muette sur le délit. Mais, à la décharge des partis et associations politiques, leur mobilisation avait contraint le président de la République de l’époque à jeter l’éponge le 20 novembre 2001 quant à ses intentions, peu importe aujourd’hui qu’elles soient avouables ou inavouables.
En effet, les partis politiques, le barreau, le syndicat autonome de la Magistrature et les personnalités de la société civile étaient montés au créneau pour la bonne cause. Il faut enfin rappeler que deux petits mois avant le jet d’éponge présidentiel, le chef de l’État de l’époque avait accordé, par décret présidentiel, le départ à la retraite anticipée à l’ancien chef de l’État de la Transition, le général Amadou Toumani TOURE, qui était officiellement officier d’active, donc en activité.
C’était le 20 septembre 2001. C’est celui-là qui a annoncé un référendum constitutionnel à quelques 20 mois de la fin de son deuxième mandat. En attendant, Le National ouvre le débat en soumettant à la réflexion de tous le texte voté par l’Assemblée nationale le 20 juillet 2000.
Modifications de fond
Sur les Institutions de la République
– Texte en vigueur
Article 25 : Le Mali est une république indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale.
Son principe est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple
Les Institutions de la République sont :
– le Président de la République
– le gouvernement
– l’Assemblée nationale
– la Cour suprême
– la Cour constitutionnelle
– la Haute Cour de justice
– le Haut Conseil des collectivités territoriales
– le Conseil économique, social et culturel
– Projet de texte
Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux dont les décisions sont rendues et exécutées au nom du peuple malien.
Le nombre des constitutions de la République a été réduit.
Le nombre des constitutions de la République qui était de huit (08) a été réduit à six (06) cette réduction obéit à un souci d’économie à cause des avantages et privilèges liés au statut d’Institutions de la République.
C’est ainsi que la Cour suprême et la Haute Cour de justice ne font plus partie des Institutions de la République.
Il faut préciser en ce qui concerne la Cour suprême, que son éclatement en trois juridictions (Cour de cassation, Conseil d’État, Cour des comptes) consacre en fait sa disparition et explique qu’elle ne figure plus sur la liste des Institutions de la République.
Sur les partis politiques
– Texte en vigueur
Article 28 : Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi.
Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et la laïcité de l’État.
– Projet de texte
Article 28 : Les partis politiques sont un instrument fondamental de la participation politique.
Les partis politiques et les groupements de partis politiques concourent à l’expression du suffrage et contribuent à l’éducation civique et politique des citoyens et à la consolidation de la démocratie.
Les partis politiques se forment et exercent leurs activités dans les conditions déterminées par la loi.
Ils ont le devoir de respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et de la laïcité de l’État.
Le rôle des partis politiques a été redéfini.
Par cette redéfinition, il ressort que le rôle des partis politiques ne se limite pas seulement à concourir à l’expression du suffrage. Outre cette fonction électorale, il est précisé qu’ils doivent contribuer à l’éducation civique et politique des citoyens et la consolidation de la démocratie.
Cette modification vise à insister sur la responsabilité des partis politiques dans l’éducation et la formation à la citoyenneté.
Sur le Président de la République
– Texte en vigueur
Article 31 : Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine et jouir de tous ses droits civiques et politiques.
Article 32 : Les élections présidentielles sont fixées vingt et un jours au moins et quarante jours au plus avant l’expiration du mandat du président en exercice.
Article 36 : alinéa 2
– En cas de vacance de la présidence de la République, pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, les fonctions du président de la République sont exercées par le président de l’Assemblée nationale.
Article 36 : alinéa 4
– L’élection du nouveau président a lieu vingt et un jours au moins et quarante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement.
– Projet de texte
Article 31 : Tout candidat aux fonctions de président de la République doit être de nationalité malienne et jouir de tous ses droits civiques et politiques.
Article 32 : En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constatée par la Cour constitutionnelle saisie par le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, les fonctions du président de la République sont exercées par le président de l’Assemblée nationale et si celui-ci est à son tour empêché, par le président du Haut Conseil des collectivités.
Article 36 : alinéa 4
– L’élection du nouveau président a lieu quarante cinq jours au moins et soixante jours au plus après constatation officielle de la vacance ou du caractère définitif de l’empêchement.
1. La nationalité malienne d’origine n’est plus exigée pour être candidat
à l’élection présidentielle. Pour être candidat à l’élection présidentielle, il suffit désormais d’être de nationalité malienne.
La nationalité malienne d’origine n’est plus une exigence, cette modification est justifiée par l’engagement du Mali dans la construction de l’unité africaine.
2.Les délais minimum et maximum de l’élection du nouveau président
suite à une fin de mandat, à une vacance ou un empêchement définitif du président en exercice, ont été augmentés :
Ces délais qui étaient de 21 jours au moins et 40 jours au plus, ont été portés à 45 jours au moins et 60 jours au plus.
Compte tenu des difficultés objectives liées à l’organisation des élections dans notre pays, ces nouveaux délais posent moins de contraintes juridiques et contribuent à éviter les risques d’un éventuel vide juridique.
3. Deux autorités peuvent désormais remplacer le président de la
République dans l’exercice de ses fonctions en cas de vacance.
La constitution actuelle prévoit qu’en cas de vacance de la présidence de la République, ses fonctions sont exercées par le président de l’Assemblée nationale.
La modification prévoit le cas où le président de l’Assemblée nationale serait à son tour empêché.
Dans cette hypothèse, c’est le président du Haut Conseil des collectivités qui exerce les fonctions de président de la République.
Cette disposition constitue une précaution supplémentaire utile.
Sur le Président de la République
– Texte en vigueur
Article 36 : alinéa 5 – Dans tous les cas d’empêchement ou de vacance il ne peut être fait application des articles 38, 41, 42 et 50 de la présente constitution.
– Projet de texte
Article 36 : alinéa 5 – Dans tous les cas d’empêchement ou de vacance de poste, il ne peut être fait application des articles 38, 41, 42, 50 et 118 de la présente constitution.
4. le président de l’Assemblée nationale ou le président du Haut Conseil
des collectivités qui exerce par intérim les fonctions de président de la République ne peut engager une procédure de révision constitutionnelle.
Lorsque le président de l’Assemblée nationale ou le président du Haut Conseil des collectivités remplace le président de la République il ne peut exercer à ce titre les pouvoirs suivants :
– la nomination et la révocation du Premier ministre et des membres du gouvernement
– la soumission d’une loi au referendum
– la dissolution de l’Assemblée nationale
– l’exercice des pouvoirs de crise
La modification ajoute à cette liste l’interdiction du recours à une révision constitutionnelle.
Cette interdiction se justifie par le fait qu’il faut éviter que celui qui exerce de façon temporaire la fonction de président de la République ne soit éventuellement tenté d’initier à son propre profit une reforme constitutionnelle.
Sur le Président de la République
– Texte en vigueur
Article 37 : Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures, le président de la Cour suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du président de la République.
Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle.
Article 40 : Le président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au gouvernement du texte définitivement adopté.
Il peut avant l’expiration de ce délai, demander à l’Assemblée nationale une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette nouvelle délibération ne peut être refusée et suspend le délai de promulgation.
En cas d’urgence, le délai de promulgation peut être ramené à huit jours.
– Projet de texte
Article 37 : alinéa 2
– Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures, le président de la Cour suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du président de la République.
Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle et en fin de mandat.
Article 40 : Le président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au gouvernement du texte définitivement adopté.
Il peut avant l’expiration de ce délai, demander à l’Assemblée nationale, une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette nouvelle délibération ne peut être refusée et suspend le délai de promulgation.
Si la loi n’est pas promulguée à l’expiration du délai de promulgation, le président de l’Assemblée nationale peut saisir la Cour constitutionnelle qui déclare la loi exécutoire, si elle est conforme à la constitution.
En cas d’urgence déclarée par le président de l’Assemblée nationale, le délai de promulgation peut être ramené à huit jours.
5. Le président de la République doit également déclarer l’état de ses
biens en fin de mandat. La constitution actuelle prévoit qu’avant d’entrer en fonction, le président de la Cour suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du président de la République qui doit faire l’objet d’une mise à jour annuelle.
La révision constitutionnelle renforce cette formalité en précisant que le Président doit également faire le point de ses biens en fin de mandat.
Cette modification vise à renforcer la transparence de la vie politique.
6. Le pouvoir de promulgation de la loi par le président de la République
est affecté par l’intervention du président de l’Assemblée nationale.
La Constitution actuelle ne prévoit aucune mesure au cas où le président de la République ne promulguait pas la loi dans le délai de 15 jours qui lui est imparti.
La révision constitutionnelle permet désormais de contourner cet état de fait. Ainsi lorsque la loi n’est pas promulguée à l’expiration du délai de 15 jours, le président de l’Assemblée nationale peut saisir la Cour constitutionnelle qui peut la déclarer exécutoire après avoir vérifié sa constitutionnalité.
D’autre part, la révision constitutionnelle permet au président de l’Assemblée nationale d’accélérer la promulgation d’une loi. Ainsi lorsqu’il déclare l’urgence, le délai de promulgation est ramené à 8 jours.
Ces modifications visent à rétablir un équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif en matière de promulgation des lois.
Sur l’Assemblée nationale
– Texte en vigueur
Article 42 : alinéa 2
– Les élections générales ont lieu 21 jours au moins et 40 jours au plus, après la dissolution.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute dans l’année qui suit ces élections.
– Projet de texte
Article 42 : alinéa 2
– les élections générales ont lieu 45 jours au moins et 90 jours au plus, après la dissolution.
Le National du 12 Avril 2010.