En effet, lors de sa dernière réunion, tenue le lundi 6 novembre, le Bureau de l’Assemblée nationale avait décidé de rendre un hommage solennel à Kadari Bamba dans la salle Modibo Kéïta, au cours de la plénière d’hier. Et c’est au doyen d’âge, Amadou Ali Niangado que la mission délicate est revenue de s’acquitter de cette tâche, au nom de l’ensemble des députés.
Etreint d’émotion, le vieux Niangado a rappelé toutes les qualités du défunt : “notre regretté collègue Kadari Bamba, chacun peut l’attester ici à sa façon, fut un homme de conviction, méthodique dans l’action, constant dans son engagement patriotique. Il est connu pour sa grande humilité. Ceux qui l’ont côtoyé, que ce soit au lycée Terrasson de Fougères à Bamako ou en classe préparatoire au lycée Victor Hugo de Besançon ou encore à l’Ecole Supérieure du Bois à Paris où il obtient son diplôme d’ingénieur, tous ceux-ci, dis-je, ont retenu de lui l’image d’un homme ouvert à son prochain, ayant un sens aigu des responsabilités qu’on lui confie et qu’il assume avec sérieux et humilité“.
L’honorable député de Ségou n’ a pas manqué non plus de citer les hautes fonctions administratives et politiques que Kadari Bamba a eu à assumer : deux fois ministre, sous la transition démocratique et sous Alpha, secrétaire général de la CEAO, deux fois élus députés par les populations de la commune V, en 1997 et en 2002, président de l’intergroupe parlementaire Espoir 2002, président du groupe parlementaire RPM-MPR-RDT-PIDS jusqu’à la date du vendredi 14 octobre 2005, puis président du groupe parlementaire RPM-RDT jusqu’au jour de l’accident mortel qui l’a emporté, le 3 novembre dernier.
Le doyen Niangado a terminé son vibrant hommage par une minute de silence en plus de celle que le président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boubacar Kéïta, avait fait observer dès l’ouverture de cette séance plénière.
C’est ainsi que IBK a voulu aborder l’ordre du jour mais c’était sans compter sur l’intervention de plusieurs honorables qui entendaient faire un témoignage sur Kadari Bamba.
Le premier s’appelle Kaourou Doukouré, l’unique député Parena dont la voix est bien écoutée à l’hémicycle, tant à cause de la qualité que la pertinence de ses interventions.
L’élu de Yélimané, qui a connu à 8 ans pour la première fois feu Abdramane Baba Touré, en prison dans sa circonscription, s’est dit enrôlé au PMT grâce à ce dernier. “C’est Kadari Bamba et V. zéro qui m’ont appris le B. A. BA du communisme en Bambara. Je suis fier d’avoir été communiste et d’avoir été à leur école” a déclaré Kaourou Doucouré d’une voix cassée par l’émotion. Aussi, à peine a t-il commencé à répéter les leçons inculquées par ces professeurs, qu’il éclate en sanglots.
Telle une maladie contagieuse, l’émotion a fini par gagner toute la salle. C’est dans cette atmosphère que cet autre député singleton du PIDS, Sambou Cissoko, que IBK appelle affectueusement doyen, se dirige vers le micro et laisse couler ses larmes avant même de prononcer un mot.
Ancien directeur de l’IPR de Katibougou, Sambou Cissoko est un condisciple du défunt. Il a voulu évoquer le cursus scolaire et universitaire de Kadari Bamba avec lequel il a fréquenté le lycée Terrasson de Fougères, les classes préparatoires du lycée Besançon et les inoubliables périodes de l’internat. “Nous étions dans le même dortoir. A la fin de nos études supérieures en France, nous étions rentrés à la même période et il faisait le vacataire à l’IPR. C’est pourquoi, chaque fois qu’on se rencontrait dans les allées du parlement, il me disait : j’ai des heures supplémentaires avec toi. Il était humble et je prie pour le repos de son âme” a déclaré l’élu de Baraouéli qui n’a pas pu, durant tout le temps de son intervention, retenir ses larmes.
La douleur est montée d’un cran et nombreux sont les élus de la nation qui ont écrasé des larmes, y compris le président de l’Assemblée nationale qui avait tenté de consoler Sambou Cissoko. En vain.
Les députés Cheickna Hamallah Bathily et Mamadou Gassama Diaby ont également loué les mérites de l’homme. Le premier a indiqué qu’il était un bon musulman et qu’il s’était battu, durant le régime dictatorial de Moussa Traoré, pour la réouverture d’une mosquée fermée à Torokorobougou pour une querelle entre les habitants. Il a également soutenu que Kadari était incorruptible et que lui-même, commerçant de son état, avait tenté de le corrompre alors qu’il était directeur des allumettes à la SONATAM. Il était selon Bathily l’un des cadres les plus honnêtes du Mali.
L’émotion et les pleurs qui avaient submergé la salle Modibo Kéïta ont conduit l’honorable Arboncano Boubèye Maiga au micro pour demander une suspension jusqu’à ce jeudi, 10 novembre pour la simple et bonne raison qu’un travail sérieux ne pouvait pas se faire dans cette atmosphère.
Le président de séance a ainsi accordé ce temps mort qui permettra, sans nul doute, aux uns et aux autres de récupérer afin d’aborder avec sérénité le travail parlementaire.
Chahana TAKIOU
10 novembre 2005.