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C’est cette question qui revenait sans cesse sur les lèvres de Hadja Fatou Dembélé, une septuagénaire qui a eu la malchance de voir les images de Ceuta, de Melilla et du désert alero-marocain sur le petit écran.

«Du moment qu’on ne meurt pas de faim chez nous, pourquoi endurer toutes ces Humiliations pour une Europe incertaine» se demanda-t-elle.

A l’image de Hadja Fatou Dembélé, plusieurs Africains se sont posés cette semaine les mêmes questions sans pouvoir se convaincre des réponses, toutes évidentes.

En effet, les réponses évidentes ne peuvent pas les convaincre parce qu’ils vivent de façon permanente la misère qu’on leur impose sur le continent depuis bientôt cinq siècles.

Or les instruments de propagande de la mondialisation que sont les chaînes de télévision internationales, pour la plupart occidentales, ne font que distiller des images qui vantent les meilleures conditions de vie en Europe.

Fuyant «les misères» du monde, dont le continent africain est le dépotoir, les jeunes sont attirés par le mirage Européen.

Dans l’espoir de réaliser leurs aspirations légitimes, ils ne lésinent sur aucun moyen pour pénétrer en Europe et en Amérique où se concentrent toutes les richesses du monde.

La catastrophe humanitaire qui est en passe de ravir la vedette à toutes celles que le monde vient de vivre n’est en réalité que l’expression du néolibéralisme, modèle unique qui a pignon sur rue depuis les grandes propagandes autour de la mondialisation.

En effet, depuis la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb, l’Afrique et une grande partie du monde sont devenues l’instrument de développement de l’Europe.

Et l’avènement du nouveau monde n’a rien changé à cette réalité. De la traite nègrière à la mondialisation sous sa forme actuelle en passant par la colonisation et le néocolonialisme, l’Afrique a été spoliée de ses matières premières.

Absence d’indépendance Economique

Exagérément endettés souvent pour financer des projets qui ont tous échoué et incapables d’avoir le juste prix pour leurs matières premières, les pays Africains ne peuvent qu’offrir que la misère à leurs citoyens.

Malgré les dénonciations du fait que la plupart des Etats Africains aient déjà payé 7 fois le montant de leurs dettes, des gros bailleurs du monde ne veulent pas renoncer à leur plan sordide de sucer le sang des Africains.

Certains, refusant de laisser mourir le continent, le maintiennent sous perfusion pour mieux le piller. D’où des ponctuels rééchelonnements de dettes et des actions insignifiantes d’annulation, pour accompagner leur dernière trouvaille : «le programme des pays pauvre très endettés».

De plus en plus, des voix se lèvent pour condamner cette attitude de sapeur pompier pyromane qu’adoptent les institutions financières internationales et les Etats les plus riches du monde.

Or les experts sont aujourd’hui unanimes pour dire que le continent Africain n’a pas besoin de toute cette gymnastique intellectuelle pour amorcer son développement.

En lieu et place de toutes les propositions incertaines venant hors du continent, les Africains ne demandent qu’à vendre leurs matières premières à leur juste valeur sur le marché international.

«Aucune aide extérieure ne pourra développer l’Afrique et bouter la misère en dehors du continent.Donnez à l’Afrique les moyens de financer son développement en achetant ses matières premières à leur juste prix» exigent désormais les mouvements sociaux qui pullulent sur le continent et qui ne s’embarrassent pas de diplomatie.

En guise de réponse, les occidentaux, avec les Etats-Unis d’Amérique en tête, en violation de toutes les règles de l’OMC, subventionnent leurs cotonculteurs.

Conséquence : des millions de cotonculteurs à travers le continent végètent dans une misère indescriptible. Pire, leurs Etats y perdent des ressources pour la réalisation des infrastructures sociales de base.

Le 6 octobre 2005, à la réunion statutaire du conseil des ministres des Etats membres de l’organisation pour l’Harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), Amadou Toumani Touré, Président du Mali, mettait l’opinion internationale en garde ?

Ce jour là, ATT déclara «la gouvernance devient de plus en plus difficile, face à la dimension des besoins légitimes des populations et les facteurs négatifs qui pèsent parfois injustement sur nos économies très fragiles».

Selon lui, dans tous nos pays, spécifiquement dans ceux sans littoral maritime, logés dans le Sahel voire dans le Sahara, les économies sont frappées par des chocs tels les fluctuations du cours du dollar, les subventions agricoles, les aléas climatiques et la hausse du Cours du pétrole.

«Ces facteurs dévastateurs limitent nos ambitions, ralentissent notre croissance, brisent nos élans et surtout fragilisent la gouvernance et l’autorité. Ces facteurs nous obligent à changer nos priorités.
Pourtant dans nos pays, tout est prio
ritaire» a-t-il déclaré.

Au delà du Mali, cette déclaration d’ATT est valable pour la plupart des pays africains au Sud du Sahara.

Dans ce contexte, la grande question est de savoir : quel avenir ont aujourd’hui les jeunes africains, dans des Etats qui ont été gérés «à vue», depuis les indépendances ?

Sans être afro pessimiste, le courant de désespoir qui traverse le continent n’offre comme alternative à une certaine jeunesse Africaine que le chemin tortueux de l’émigration en Europe.

Que l’Europe se rassure, tant que l’Afrique restera le terreau de la misère du monde, aucun barbelé, aucun mur ne pourra arrêter ceux d’entre nous qui ont le courage de fuir.

Assane Koné

12 octobre 2005.