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Le plan A pour l’élection présidentielle est rendu officiel par le communiqué du conseil des ministres du mercredi 18 janvier 2012. Le collège électoral est convoqué le dimanche 29 avril 2012, en vue de procéder à l’élection du président de la République.

Un second tour de scrutin aura lieu le dimanche 13 mai 2012 si aucun candidat n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour. La campagne électorale à l’occasion du 1er tour sera ouverte le dimanche 8 avril 2012 à zéro heure et close le vendredi 27 avril 2012 à minuit.

La campagne électorale, en cas de second tour, sera ouverte le lendemain de la proclamation des résultats définitifs du 1er tour et close le vendredi 11 mai 2012 à minuit. Il y a lieu de noter que le 1er tour de l’élection présidentielle sera couplé avec le référendum. C’est pour rappeler que le calendrier est clair et les autorités pensent pouvoir le respecter. Avec les attaques au nord, certaines voix se lèvent sur la possibilité de tenir l’élection. D’autres sont rassurantes sur la possibilité. C’est humain chaque partie a ses raisons.

Face aux menaces réelles qui planent sur l’élection présidentielle, le président de la République Amadou Toumani Touré a donné sa certitude sur la question. La présidentielle se tiendra bel et bien aux dates indiquées.

Cette volonté apparente du chef de l’Etat est appréciable : « Nous avons déjà l’habitude d’organiser les élections en pleine guerre et en cours de rébellion touarègue, encore c’était moi, malheureusement. En 1992, j’ai organisé les élections, le référendum en janvier, les municipales en février, en mars les législatives, en avril les 2 tours de la présidentielle. Nous avons obtenu les accords de paix le 11 avril 1992, et c’est le 13 que nous avons organisé le 2e tour de l’élection présidentielle au Mali. Donc nous sommes habitués à ça. Quelles que soient les difficultés, il faut que vous ayez un président bien élu et légal et qui garde toutes la légitimité ».

Comparaison n’est pas raison. Jamais une comparaison ne fera office de preuve, car une comparaison a des limites. Le fait de comparer des événements, ne signifie pas uniquement les décréter comme semblables ou parallèles ; c’est aussi les examiner chacun pour voir par exemple ce qu’ils ont de semblable et de différent, chercher des relations entre eux. Et cela est une démarche qui fait partie du concept de raisonnement et de pensée.

« Gouverner c’est prévoir » ! Malgré cette volonté et les assurances, il ne suffit pas de s’en tenir au calendrier. Les autorités peuvent intégrer dans leur analyse la mesure de l’étendue des défis à relever pour des élections crédibles, transparentes, démocratiques et apaisées. Les faits et l’actualité nous obligent à jouer la carte de la prudence.

Tout peut arriver. « Prudence, de toutes les vertus requises pour le gouvernement, voilà sans contredit la plus importante » (Louis Bourdaloue). Nous devrons être plus prudents comme les parachutistes militaires avec des stratagèmes. « Le courage du soldat dépend de la prudence du général ». (Publius Syrus).

Cette prudence doit être exigée par le peuple, car au sein des autorités compétentes nous avons des militaires, donc les compétences. Avant le parachutage, le militaire s’assure qu’il est bien équipé de ses deux parachutes : le parachute principal, appelé dorsal (car attaché dans le dos) et le parachute de secours nommé ventral (car fixé sur le ventre). Le parachute principal correspond au plan A, qui est officiel avec les dates pour la tenue des élections.

C’est le parachute de secours qui correspond au plan B, qui pourra nous aider à mieux élire notre président. Les autorités compétentes (la Céni, la DGE et le ministère de l’Administration territoriale) sont supposées connaître donc maîtriser un certain nombre de connaissances réelles de l’environnement actuel, d’éléments techniques et de savoir-faire, pour bien s’équiper davantage.

Composer avec la turbulence

L’élection présidentielle 2012 semble être un virage décisif pour notre démocratie. Du coup, elle devient une activité à risques. Les risques peuvent être très largement maîtrisés en respectant certains principes de sécurité :

– Sécurité active : les autorités compétentes adoptent les comportements susceptibles de leur éviter un incident ou un accident.

– Sécurité passive : les autorités compétentes s’équipent de matériels diminuant les conséquences d’un éventuel incident ou accident.

Il va sans dire qu’il vaut mieux éviter un accident plutôt qu’en limiter les conséquences, mais il serait stupide de ne pas tout mettre de son côté, au cas où. S’il faut privilégier l’acquisition des comportements qui font la sécurité active, il ne faut pas négliger les dispositifs de sécurité passive.

Dès lors, la classe politique est appelée à un sens aigu de responsabilité afin de ne point mettre le feu à la poudrière et renvoyer aux calendes grecques l’organisation des scrutins visant le renouvellement du cycle électoral. C’est vrai que l’insécurité règne au nord du Mali, mais il est primordial que la concertation demeure une donne importante pour toutes les parties. L’inconnu que constitue un éventuel glissement sur le calendrier électoral doit être pris en charge en amont plutôt que d’être subi.

C’est connu :

– Une élection est, de par sa nature une activité complexe à grande échelle, opérant dans des délais stricts et souvent dans des contextes politiques sensibles, il y a beaucoup de choses qui potentiellement, peuvent mal se passer. Bien qu’il soit important de rester optimiste en pensant que les activités se passeront comme prévu, il est tout aussi important d’être réaliste et d’identifier les points des activités les plus sujets à des perturbations et d’avoir des plans de secours en place. Des perturbations potentielles à l’interne ou bien par des facteurs externes en dehors du Mali peuvent créer la surprise. Dans chacun des cas, soyons prêts avec un plan B.

– L’organisation des élections dépend de différentes technologies de communication, afin de faire passer rapidement l’information, en particulier pour transmettre les résultats dans tout le pays le jour du scrutin.

De tels systèmes de communication peuvent comprendre des téléphones fixes, des radios, des téléphones portables, des télécopieurs, des ordinateurs ou bien une combinaison de ces derniers. Indépendamment de la technologie qui a été choisie, les réseaux de communication peuvent être interrompus (par des actes de sabotage) et les plans de communication de secours doivent être en place. Dans certains cas, les informations peuvent être envoyées par un véhicule ou par d’autres moyens.

– L’organisation des élections est une opération logistique gigantesque, requérant une programmation élaborée aux niveaux national, régional et local. Pour un certain nombre de raisons, ces plans peuvent tomber en panne. Par exemple, des attaques armées peuvent bloquer les routes et empêcher le matériel et le personnel d’être transportés. Des plans d’urgence pour tous les aspects de l’opération logistique, devraient être mis en place.

– L’élection présidentielle constitue un moment particulièrement sensible et il existe toujours la possibilité qu’elle puisse mener à un conflit politique. En fonction des dynamiques et de la gravité du conflit politique, il peut affecter l’organisation des élections.

– Les inquiétudes relatives à la sécurité peuvent surgir et s’amplifier à tout instant, mais elles peuvent être particulièrement répandues au moment de l’élection.

Au Mali, les problèmes liés à la sécurité peuvent semer la confusion dans les logistiques, les transports et dans les communications. Ils peuvent même empêcher l’organisation de l’élection dans certaines zones du Nord. Après le temps de l’incertitude, qui s’intéressait aux aspects administratifs de la tenue des élections, et le temps de l’ambiguïté, qui s’attardait plutôt à ses aspects politiques, le temps de l’insécurité aborde de front la délicate question du report de l’élection présidentielle.

Composer avec la turbulence ! Voilà le défi que doivent relever les plus hautes autorités compétentes, les candidats, les partis politiques plutôt que de se mettre à l’abri de tout changement. C’est en apprenant à ajuster leur trajectoire au fil des bouleversements tout en restant centrés sur leur but qu’ils pourront devenir des modèles pour notre démocratie. Ils doivent proposer des moyens efficaces pour canaliser l’insécurité dans une recherche personnelle d’équilibre, qui saura générer la confiance des électeurs.

L’insécurité, comme tous les fléaux sociaux (maladies, conflits armés, grèves…) est un phénomène qui existe dans tous les pays du monde. Il n’est pas spécifique au Mali, loin s’en faut. Les candidats doivent prendre conscience de la réalité et dégager les moyens pour endiguer le phénomène.

L’insécurité est un phénomène global qui aujourd’hui touche tous les Etats du monde. C’est pourquoi elle doit être intégrée dans la plupart des programmes politiques de notre pays. Les candidats à la présidentielle 2012 doivent faire de l’insécurité (ou de la sécurité) un thème politique.

Dr. Aly Dit Agali Wélé

Les Échos du 08 Mars 2012