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Le Caire (AFP) – Le pouvoir installé par l’armée en Egypte, engagé dans une féroce répression contre les Frères musulmans du président destitué Mohamed Morsi, a décapité mardi la direction de la confrérie en arrêtant leur Guide suprême Mohamed Badie.

jpg_une-2037.jpgCette arrestation est un rude coup porté au mouvement islamiste créé il y a 85 ans et engagé depuis six jours dans une épreuve de force extrêmement sanglante avec les forces de l’ordre, avec près de 900 morts, en majorité des manifestants pro-Morsi, et des centaines d’arrestations.

confrérie Les Frères musulmans ont cependant assuré que M. Badie « n’était qu’un individu parmi les millions qui s’opposent au coup d’Etat », laissant entendre que le mouvement poursuivrait sa « semaine du refus du coup d’Etat ».

Ces derniers jours, le cycle des violences a été relancé avec la mort en moins de 24 heures de 25 policiers dans l’attentat le plus meurtrier depuis des années au Sinaï et le décès de 37 détenus, tous Frères musulmans, asphyxiés dans un fourgon pénitentiaire.

Arrestation pour « incitation à la violence »

Les partisans de l’ex-chef de l’Etat déposé et arrêté le 3 juillet par l’armée, font l’objet d’une répression meurtrière à chacune de leurs manifestations depuis que les forces de l’ordre ont rasé mercredi leurs campements au Caire, faisant plus de 280 morts sur la seule place Rabaa al-Adawiya.

Rien ne semble arrêter l’armée dans sa répression des Frères musulmans, ce qui fait planer la menace d’un nouveau passage des islamistes dans la clandestinité et le retour des années noires de 1990 avec leur lot de violences sanglantes.jpg_une-2038.jpg

M. Badie, 70 ans, a été arrêté dans la nuit de lundi à mardi dans un appartement proche de la place Rabaa al-Adawiya, devenue emblématique pour les Frères musulmans, qui avaient remporté coup sur coup depuis 2011 les premières législatives puis présidentielle libres du pays.

Depuis, les télévisions publiques comme privées, acquises à la cause de l’armée et vantant la méthode forte contre le « terrorisme » dont elles accusent les Frères musulmans, passent en boucle les images de M. Badie, à la barbe blanche bien taillée, l’air prostré, habillé d’une simple gellabiya, la longue tunique traditionnelle égyptienne.

Il doit comparaître avec ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, et d’autres membres de sa confrérie pour « incitation au meurtre » de manifestants anti-Morsi. Quant à M. Morsi, toujours détenu au secret, il est depuis lundi sous le coup d’un nouveau chef d’accusation: « complicité de meurtre et de torture » de manifestants.

8e guide suprême des Frères musulmans

jpg_une-2039.jpgApparu une seule fois en public depuis la destitution de M. Morsi, M. Badie ne s’était pas rendu aux funérailles de l’un de ses fils tué vendredi au Caire dans des heurts avec les forces de l’ordre désormais autorisées à tirer sur tout manifestant considéré comme hostile.

« Carnage total »

Malgré le tollé déclenché dans la communauté internationale qui a dénoncé un « carnage », le chef de l’armée et nouvel homme fort de l’Egypte, le général Abdel Fatah al-Sissi, a martelé dimanche que son pays ne plierait pas devant les « terroristes ».

Lundi matin, dans la péninsule désertique du Sinaï, base arrière de nombreux groupes islamistes armés, une attaque à la roquette contre un convoi a tué au moins 25 policiers, portant à 102 le nombre de policiers tués en cinq jours. La télévision d’Etat a retransmis l’arrivée des cercueils au Caire et affichait mardi un bandeau noir en signe de deuil national.

Dimanche, dans des circonstances encore troubles, 37 Frères musulmans ont péri asphyxiés dans un fourgon pénitentiaire qui les transportait vers une prison du Caire. La police a évoqué une tentative d’évasion, le camp de M. Morsi a dénoncé un « assassinat » et l’ONU a réclamé une enquête.

Human Rights Watch (HRW) a affirmé que les bilans officiels des morts étaient sous-évalués et Amnesty International a dénoncé un « carnage total ».

Les pays de l’Union européenne, qui se sont dits prêts à « réexaminer » leurs relations avec Le Caire, tiendront mercredi une réunion ministérielle.jpg_une-2040.jpg

Les Etats-Unis ont appelé à la réconciliation et dit continuer à examiner leur aide à l’Egypte –1,5 milliard de dollars annuels, dont 1,3 pour la seule armée–, tout en reconnaissant que leur capacité d’influence y était « limitée ».

L’Arabie saoudite a assuré de son côté que les pays arabes étaient prêts à compenser toute baisse de l’aide occidentale à l?Egypte et le Qatar, pourtant soutien de M. Morsi, a envoyé une deuxième cargaison gratuite de gaz naturel liquéfié.

L’état d’urgence et le couvre-feu nocturne décrétés jeudi restaient en vigueur mais Le Caire, mégalopole de 20 millions d’habitants, a repris une vie quasiment normale la journée, si ce n’était les chars de l’armée déployés sur toutes les grandes artères.

M. Morsi était accusé par ses détracteurs, et des millions de manifestants fin juin, d’avoir accaparé le pouvoir au profit des Frères musulmans et d’avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

© AFP – Le 20/08/13 – 09:27

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Egypte: 25 policiers tués, attaque la plus meurtrière depuis des années

Le Caire (AFP) – La police égyptienne a été frappée lundi par l’attaque la plus meurtrière depuis des années dans le pays avec au moins 25 morts dans le Sinaï, en pleine crise entre l’armée et les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi.

jpg_une-2030.jpgAlors que plus de 800 personnes, essentiellement des manifestants pro-Morsi, ont été tuées dans le pays en six jours, les violences ont encore connu une nouvelle escalade avec cet attentat dans la péninsule instable du Sinaï, après la mort dimanche soir de 36 prisonniers islamistes.

Et la crise pourrait encore s’aggraver, les deux parties campant sur leurs positions. Les pro-Morsi ont appelé à de nouvelles manifestations au Caire après la prière de l’après-midi (vers 14H00 GMT) et l’homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, a promis une réponse « des plus énergiques » aux islamistes ayant fait le choix de la « violence ».

Dans le pays, les médias unanimes et une grande partie de la population qui considèrent désormais les Frères musulmans, l’influente confrérie de M. Morsi, comme des « terroristes », soutiennent la méthode forte de l’armée, qui a suscité à l’étranger une vague de critiques de plus en plus virulentes.

Les dirigeants de l’Union européenne se sont ainsi dit prêts à « réexaminer » ses relations avec Le Caire s’il n’était pas mis fin aux violences, en particulier contre les manifestants, assurant que le retour au calme était de la responsabilité de l’armée et du gouvernement intérimaire qu’elle a installé.jpg_une-2031.jpg

Les ambassadeurs auprès de l’UE chargés des questions de sécurité, rappelés d’urgence par la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, étaient réunis lundi à Bruxelles.

L’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Autorité palestinienne ont de leur côté dit soutenir les autorités « contre le terrorisme », un avis partagé par Israël.

Dans la péninsule désertique du Sinaï, devenue la base arrière de nombreux groupes islamistes armés, des assaillants ont attaqué lundi à la roquette deux minibus de la police, tuant au moins 25 policiers, une attaque qualifiée de « terroriste » par le gouvernement.

Embouteillages et armée au Caire

Les violences meurtrières contre les forces de l’ordre se sont multipliées depuis la destitution de M. Morsi le 3 juillet dans cette région frontalière d’Israël et de la bande de Gaza. L’Egypte a refermé le point de passage de Rafah avec la bande de Gaza contrôlée par les islamistes du mouvement palestinien Hamas.

L’attentat de lundi au Sinaï porte à 73 le nombre de membres des forces de l’ordre tués dans cette région depuis la destitution de M. Morsi, selon un décompte de l’AFP. Il rappelle la violence islamiste orchestrée par les groupes al-Jihad et al-Gamaa al-Islamiya, qui avait fait 1.300 morts dans les années 1990.

Cette attaque intervient au lendemain de l’annonce par la police de la mort de 36 détenus, tous des Frères musulmans, asphyxiés par du gaz lacrymogène pendant une tentative d’évasion. Ces détenus, soupçonnés d’avoir enlevé un officier de police, se trouvaient dans un convoi transportant plus de 600 prisonniers islamistes.

Les autorités annoncent chaque jour avoir arrêté des dizaines de membres de la confrérie, dont des hauts dirigeants, pour « violence », en particulier contre des bâtiments publics ou des églises.

Dans un communiqué en anglais, les Frères musulmans ont estimé que la mort des détenus confirmait « la violence intentionnelle visant les opposants au coup d’Etat et l’assassinat de sang-froid dont ils sont les cibles ».

jpg_une-2032.jpgDimanche, les pro-Morsi avaient annulé des cortèges au Caire, invoquant des raisons de sécurité. Les manifestants islamistes redoutent à la fois d’être la cible des forces de l’ordre, désormais autorisées à tirer sur les manifestants hostiles, et des groupes d’auto-défense de résidents qui s’en prennent depuis plusieurs jours à leurs partisans et aux journalistes étrangers accusés d’avoir pris leur parti.

« Assassinat de sang-froid »

Face aux craintes de la montée du phénomène de justice de rue et dans un apparent geste d?apaisement, le gouvernement a cependant annoncé dimanche l’interdiction de ces « comités populaires ».

Même si l’état d’urgence et le couvre-feu nocturne restaient en vigueur, le trafic a repris lundi matin au Caire, qui a retrouvé ses habituels embouteillages. Les habitants reprenaient le chemin du travail, tandis que des magasins étaient ouverts.

Des axes de la capitale restaient contrôlés par des chars de l’armée, et le gouvernement a annoncé que les mosquées seraient désormais fermées en dehors des heures de prières, pour tenter d’éviter les rassemblements pro-Morsi.

Premier président démocratiquement élu du pays, M. Morsi était accusé par ses détracteurs et des millions de manifestants d’avoir accaparé le pouvoir au profit des islamistes et d’avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

© AFP – Le 19/08/13 – 10:30