Depuis environ quatre ans, l’université de Bamako foule aux pieds dans l’indifférence générale les normes académiques internationales, au grand dam des apprenants.
Et l’année académique 2005-2006 est déjà mal partie, avec quatre mois de retard. Avec un tel manque à gagner, le rétablissement des dates officielles des rentrées académiques que le Ministre de l’Education nationale s’échine à établir va désormais à vau-l’eau.
D’ordinaire pour réparer les dégâts ou se sauver la tête, les autorités compétentes orchestrent in extremis un faux plan de sauvetage de l’année.
Si l’université de Bamako a du mal à renaître de ses cendres, c’est « exclusivement à cause du slogan : sauvons l’année« , a commenté un professeur qui a requis l’anonymat.
L’atmosphère n’est pas prête à se détendre à l’université eu égard aux derniers développements des mouvements corporatistes.
Le directoire des syndicats de l’enseignement supérieur menace de partir en grève illimitée à partir du 17 janvier, sauf si le gouvernement revenait à la table de négociation.
Cette fermeté de ton préfigure un bras de fer entre le gouvernement et le CEN-SNESUP dans les semaines à venir.
D’après certaines sources non officielles, le syndicat de l’Enseignement supérieur va se battre en rangs dispersés.
En fait le comité syndical de l’ENSUP-FLASH où se recrutent généralement les partisans de la ligne dure de la corporation semble se désolidariser de la bataille en vue.
Les raisons de ce retrait seraient liées au fait que le comité de l’ENSUP-FLASH n’aurait pas été associé aux préparatifs du préavis de grève.
Mieux, les syndicalistes non belligérants se targuent d’avoir déjà obtenu certains des avantages que réclame le CEN-SNSUP.
Visiblement, le syndicat de l’Enseignement supérieur est victime de ses propres méthodes. La position actuelle du Comité syndical de l’ENSUP-FLASH, justifié en partie cette thèse.
La preuve est qu’au plus fort de la lutte , l’année dernière, le syndicat de l’enseignement supérieur avait instruit à ses différents comités de mener la lutte à qui mieux mieux.
C’est ainsi qu’à l’ENSUP-FLASH les enseignants ont décidé de retenir les notes d’examen jusqu’à ce qu’ils obtiennent satisfaction.
Cette intransigeance qui avait suscité beaucoup d’inquiétudes, notamment chez les étudiants, aboutit en septembre dernier à un accord entre le gouvernement et les enseignants des dits établissements (l’ENSUP-FLASH).
Les conséquences de la fermeté syndicale dans ces établissements sont difficilement réparables sur le plan académique. D’abord la reprise des cours traîne à cause du retard des résultats des sessions de rattrapage.
Et ce retard bouscule le calendrier des prochains examens. Ce qui par ricochet affecte la valeur académique des cours. Si à l’ENSup, la rigueur et la discipline règnent, à la FLASH c’est l’ombre de la médiocrité qui continue à planer au dessus de la tête des étudiants. Du côté des étudiants on tait pour le moment les revendications d’ordre pécuniaire.
En tout cas à la FSJE et à la FLASH, l’heure est à la prière pour la normalisation des rapports. Ainsi on peut rappeler que c’est à cause de l’intervention d’une délégation estudiantine que le comité syndical de l’ENSUP-FLASH a levé son mot d’ordre de rétention des notes pour accepter la portion congrue que lui tendait le gouvernement en septembre dernier.
Aux dires des responsables du comité syndical dont il est question, au moment où le président de la République est sorti de sa réserve pour qualifier leur manière syndicale de non « élégante », ils ont cédé à la démarche discrète des étudiants venus implorer leur indulgence.
« Nous avons été touchés par les étudiants« , a avoué lors d’une conférence de presse en septembre dernier. A la FSJE, le comité AEEM joue finalement le rôle qui n’est pas le sien, celui de l’administration.
Ainsi les étudiants ont été amenés, il y a quelques semaines, à rejeter un programme de formation destiné aux nouveaux bacheliers orientés au titre de la rentrée 2005-2006. Ce programme, selon les étudiants, s’il est adopté, réduira beaucoup le niveau des étudiants de la faculté.
La dernière prise de position des étudiants de la FSJE date seulement de la semaine dernière où ils ont exhorté, face à l’importance du risque des cas éventuels de redoublement, à ce que l’administration repêche le plus d’étudiants dans la mesure du possible.
Dans les autres facultés de l’université de Bamako, les cours ont certes commencé, mais les étudiants commencent à beaucoup murmurer leur indignation face au non paiement de leurs bourses et autres allocations. Ce tour d’horizon de l’Enseignement supérieur au Mali dresse un tableau particulièrement sombre et désespérant.
Pour la énième fois, le dilemme d’aller en année blanche ou de « sauver l’année » se pose aux autorités. Mais entre ces deux options, le gouvernement penchera vers celle qui ne le met pas ouvertement en cause, aidé en cela par l’indifférence de l’opinion nationale.
L’Association des parents d’élèves qui devrait se faire entendre en de telles circonstances est totalement muette. Si elle peut se vanter d’être intervenue quelque fois dans des conflits entre l’AEEM et le gouvernement, on peut lui reprocher de n’avoir jamais critiqué les formations invalides dispensées à l’université de Bamako.
Jusqu’ici le peuple malien a, de par son silence, cautionné les mesures dilatoires du gouvernement face aux questions scolaires et universitaires. L’erreur va-t-elle se reproduire cette année ?
Peut-être que non, et qu’on appliquera à la limite la recette. Utilisée en 1994 par Ibrahim Boubacar Keïta, alors premier ministre, l’actuel président de l’Assemblée nationale avait surpris plus d’un en fermant les écoles secondaires et supérieures pendant une année.
Impopulaire qu’elle a été, cette mesure stabilisa un peu l’espace scolaire et universitaire malien.
Ismaïla Diarra
16 janvier 2006.