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Comme dans les écoles de Diabolo, Tendely, Kani Bonzon, Fani et Tafalan dans les régions de Mopti et Ségou, celles de Dioumara, Sangha-Madina et Makana en première région (Kayes) ont été pour la caravane une expérience riche et pleine d’enseignements.

L’Ecole Amie des enfants, amie des filles a certes fait des prouesses partout où la caravane de presse s’est arrêtée, mais les difficultés constatées çà et là diffèrent dans la forme, mais aussi dans le fond.

L’outil pédagogique qu’est le gouvernement d’enfant a permis une prise de conscience collective, même si elle suscite souvent des inquiétudes balayées au fil du temps par les actes nobles posés par les enfants dans l’exécution de leur responsabilité.

L’école malienne est confrontée à un problème d’ordre général qui est l’insuffisance en qualité et en quantité du personnel enseignant. A Diéma, le Centre d’animation pédagogique (CAP) n’a que deux enseignants titulaires seulement pour ses huit seconds cycles. Au premier cycle, sur les 176 enseignants, il ne dispose que de 25 titulaires.

A Yélimané sur les 173 enseignants au premier cycle, on n’a que 14 titulaires, et sur les 37 des 8 seconds cycles, seulement 9 titulaires dont aucune femme. Voilà qui pose le problème du niveau des élèves maliens et qui explique le raisonnement de Niory Kéïta, Directeur du CAP de Diéma : «pour avoir un bon élève, il faut avoir un bon enseignant».

Mais l’approche Ecole amie des enfants, amie des filles n’a pas pour objet de circonscrire dans l’immédiat ce fléau. Il s’agit simplement de faire en sorte que les enfants prennent conscience de leur droit et les revendiquent de la manière la plus solennelle, c’est-à-dire en tant que responsable.

C’est aussi une occasion pour les enfants de veiller sur leur propre santé, leur environnement, l’espace scolaire, bref sur leur épanouissement.

Une fille sauvée du mariage précoce
C’est l’une des prouesses du gouvernement fédéral des Enfants de l’Ecole de Dioumara. Situé à 72 km de Diéma, Dioumara est un village ou cohabitent soninkés, Bambara et maures. Il est confronté comme presque tous les villages de la région de Kayes au phénomène de l’immigration, mais aussi au mariage précoce. L’école fondamentale crée en 1960, passée de classique à pédagogie convergente, regroupe en son sein 398 élèves dont 126 filles.

Depuis que le gouvernement d’enfant est devenu une réalité dans cet établissement, les choses n’ont cessé de bouger nous confiait Mme Fofana Madina Traoré, présidente du Comité de gestion scolaire (CGS). «Aujourd’hui, grâce au gouvernement d’enfant, nos enfants travaillent à l’école et aiment de plus en plus les études», indique-t-elle.

Si le gouvernement fédéral d’enfant a convaincu élèves et parents sur le plan de l’assainissement à Dioumara, il reste buté à un problème social qui n’est pas encore totalement résolu, même si le gouvernement a réussi son premier coup de maître. Djénéba Traoré en classe de 5e A (11 ans) a été donnée en mariage à un marabout par son père.

Le gouvernement fédéral d’enfant dirigé par Cheichné Coulibaly a décidé de prendre le taureau par les cornes en saisissant les autorités administratives qui ont pu sauver in extremis la petite Djénéba Traoré d’un mariage précoce. Elle poursuit aujourd’hui ses études en classe de 5e sous la protection de sous préfet et du gouvernement des enfants.

Voilà qui met en exergue la nécessité d’un gouvernement d’enfant dans toutes les écoles puisque l’objet de cet outil pédagogique est non seulement de promouvoir l’égalité entre filles et garçons, mais aussi de permettre au plus grand nombre de fille d’accéder aux études supérieures.

108 enfants laissés pour compte
A Sangha-Madina, c’est la qualité même des élèves qui a marqué les visiteurs. Des enfants qui ont pu présenter en français et dans leur propre dialecte (le kansonké) des pièces de théâtres sans l’assistance de l’encadrement technique. S’il vous plaît, ils n’ont pas encore atteint la classe de 6e année. L’accent et la maîtrise de soi ont démontré à suffisance le niveau de ces enfants.

Ils ont présenté une pièce de théâtre sur le mariage précoce et un débat radio diffusé sur les droits de l’Enfant et les objectifs de l’Ecole Amie des enfants, amie des filles. Le débat dirigé par le journaliste en herbe Moussa Diaouné qui, sans ambages, a tenu en haleine son public et son plateau composé du Premier ministre Souleymane Nomoko, des ministres de l’hygiène, de l’Education et celui chargé de la scolarisation des filles.

Au cours du débat, ils ont soulevé les difficultés qui bloquent la scolarisation à Sangha-Madina et particulièrement des filles. Plus de 108 enfants en âge scolarisable dont 74 filles ont été recensés cette année, et qui n’ont pas pu bénéficier d’une inscription faute de salle de classes, d’enseignants et de tables bancs.

Le gouvernement d’enfant oeuvre malgré tout à assainir l’école composé uniquement de trois salles de classes plus la cour, se bat pour se doter de matériel d’hygiène et sensibilise les parents sur l’importance de la scolarisation des filles. Si c’est le manque de moyens qui perturbent la scolarisation à Sangha-Madina, à Makana (6 km de Yélimané), c’est plutôt les mères qui freinent la scolarisation de leurs filles. Ce village Sarakolé, qui a vu sa première école ouvrir ses portes en 1999, bénéficie bon au mal an du concours de ses ressortissants en France.

Ici, le problème majeur est le retard des élèves qui est dû au fait que les mamans ne se réveillent pas tôt pour préparer le petit déjeuner. Le gouvernement d’enfant en a fait son cheval de bataille. Les actions portent aujourd’hui fruit puisque le taux de réussite est passé de 60 à 85 %.

L’approche Ecole amie des enfants, amie des filles est aujourd’hui une réalité de Mopti à Kayes en passant par Ségou. Toutes les écoles en expérimentation visitées, les parents, les enseignants et même les élèves ont salué les qualité d’une approche qui responsabilise et encadre le citoyen de demain.

Certes des problèmes demeurent, mais l’approche Ecole amie des enfants, amie des filles qui a changé tant de comportements aussi bien en ville qu’en campagne mérite d’être élargie à l’ensemble des écoles du territoire national.

Idrissa Maïga

Envoyé spécial

25 avril 2005