La démocratie ? Elle existe davantage sur le papier que dans la réalité. Tant elle tarde à prendre forme dans le corps social, à s’incruster dans le comportement des gens. A devenir un réflexe.
Sa définition la plus généralement admise est »le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Mais le peuple ne s’approprie ce pouvoir que par des élections libres et transparentes.
Se trouvant au Mali comme observateur aux élections générales de 1997, l’intellectuel et homme politique béninois, Robert Dossou, relevait que »les élections sont le socle de la démocratie et qu’en l’absence de bonnes élections, il est illusoire et vain de parler de démocratie ».
Ces observations qu’il formulait à la faveur du grand cafouillage électoral de 1997 (le COPPO, lui, préférait le mot »désastre ») restent toujours d’actualité. Les élections sont le talon d’Achille de la démocratie malienne.
Elles affichent en permanence des taux de participation ridiculement bas (autour de 20%) qui leur enlèvent toute crédibilité. Nos dirigeants politiques, à quelque niveau de responsabilité qu’ils se trouvent, sont mal élus. Et souffrent, en conséquence, à la fois d’un manque de légitimité et de légalité.
Il y a là, assurément, une immense lacune à combler pour que la majorité de nos concitoyens puissent se reconnaître dans les élus, s’identifier à eux et se sentir concernés par l’action publique posée en leur nom. Et que la démocratie malienne sorte de l’état caricatural où elle se trouve actuellement.
Force est de constater que le retour aux affaires en 2002 de ATT par la voie des urnes, s’il s’est révélé un facteur de stabilité de la vie politique nationale (fini le contentieux électoral entre l’ADEMA et l’opposition radicale et les intrigues quotidiennes pour déstabiliser l’exécutif) n’en a pas moins favorisé un affaiblissement du système démocratique.
En ce que les partis politiques, animateurs constitutionnels de l’activité politique, ont été mis en hibernation. Une situation qui pourrait se proroger cinq ans encore à partir de mai 2007, si ATT se représentait devant les électeurs, comme on lui en prête le désir. Dire que »la consolidation des partis politiques » figurait en bonne place au nombre des thèmes électoraux favoris du Général candidat.
Les droits humains ? Certes, les enlèvements d’individus qui disparaissent sans laisser de trace, les tortures jusqu’à ce que mort s’ensuive, les emprisonnements sans jugement ont cessé avec la dictature militaro-civile.
Mais nombre de droits humains continuent à être violés par l’administration, les agents de la force publique (policiers, gendarmes). La justice elle-même est accusée d’abus et de dérapages.
Institué par Alpha Oumar Konaré pour prendre en charge ces frustations et iniquités en tous genres, l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID) après avoir suscité un formidable engouement au départ, a fini par sombrer dans un cruel anonymat.
Le mieux-être des populations ? On sait qu’avec la quête d’une école performante, il a constitué la lame de fond qui a fini par balayer l’ancien régime. Mais autant l’école malienne est toujours enlisée dans la gadoue, autant les travailleurs continuent à se lamenter de la vie chère, de leurs bas salaires qui ne leur permettent pas de joindre les deux bouts.
Sans compter le chômage endémique chez les jeunes diplômés, qui les oblige à tenter de rejoindre l’eldorado européen, y compris – phénomène tout à fait nouveau – au prix de leur vie.
Difficile de soutenir, dans ces conditions, que le Mali démocratique se porte mieux économiquement que l’autre Mali, celui des années sombres de Moussa Traoré et compagnie ? Surtout si l’on garde à l’esprit le Rapport mondial sur le développement humain 2005 qui a classé notre pays au 174ème rang sur 177.
L’Observatoire pour développement humain durable (ODHD) qui est un organisme local, a estimé, pour sa part, dans une étude publiée en mai 2005, que 68% des Maliens ne parvenaient pas, jusqu’en 2003, à gagner annuellement les 144 022 FCFA considérés comme le minimum en deçà duquel l’on est considéré comme pauvre dans notre pays.
Des chiffres qui illustrent, hélas, l’importance des défis à relever pour faire du Mali un havre où il fait bon vivre.
El Hadj Saouti Labass HAIDARA
27 mars 2006.