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Puisqu’il y a peu d’ouvriers maliens qualifiés, des étrangers ressortissants des pays voisins investissent le créneau. Ceux-ci sont sollicités pour la qualité de leurs oeuvres et leur sérieux dans le travail. Beaucoup d’entrepreneurs jettent leur dévolu surtout sur les Ivoiriens et les Togolais, qui ont une parfaite maîtrise dans l’art de bâtir.

Auparavant, la main d’œuvre sénégalaise était très sollicitée par les entrepreneurs et les quelques rares particuliers, qui désiraient réaliser des maisons de haut standing. « Je préfère travailler avec un Ivoirien ou un Togolais, qu’avec les ouvriers maliens. Ils aiment l’argent, mais ils travaillent peu », se plaint un entrepreneur rencontré sur son chantier à Yirimadio. Il est en train de construire une maison pour un richissime Bamakois.

La stigmatisation des nationaux commence à faire des victimes collatérales dans le secteur des BTP. Elle pénalise des travailleurs honnêtes désirant vivre dignement de leur métier. Jean Traoré appartient à cette race d’ouvriers qui paient une faute qu’ils n’ont pas commise. Jeune diplômé sans emploi, Jean Traoré a embrassé le métier de carreleur, après avoir quitté les bancs, il y a 17 ans.

Il est titulaire d’un CAP en banque, comptabilité et commerce, qu’il a obtenu depuis les années 80. « Comme dans tous les corps de métier au Mali, parmi nous aussi, il y a effectivement des apprentis, qui sont pressés de devenir patron de leur micro entreprise. Cette catégorie d’ouvriers, qui se sont vite équipés, n’hésitent pas à faire du n’importe quoi pour obtenir un marché. Le plus souvent, ils prennent le mètre carré (m2) à 750 Fcfa contre le tarif normal variant entre 15.000 et 3000 selon la nature du travail à fournir. Ce tarif a été fixé par le patriarche de la profession, à la suite d’une assemblée générale« , explique Jean Traoré qui fustige les « gens qui après quelques jours d’apprentissage prennent leur autonomie vis-à-vis de leur encadreur« .

En outre, le secteur souffre également de son manque d’organisation. Selon Jean Traoré, jusqu’ici il n’y a pas de structure fédératrice pour organiser la corporation.

Toutes les tentatives de rassemblement se sont soldées par des échecs. Un responsable de la Chambre des métiers de la Commune III a individuellement démarché les anciens du secteur, ne serait-ce que pour organiser des séances de formation, mais sans succès. Son objectif est de les former en vue de les classer en fonction de leur catégorie. Toutes les fois que les réunions ont été annoncées, les ouvriers trouvent les moyens de ne pas y participer, arguant qu’ils sont occupés.

Aujourd’hui, le secteur est victime du manque d’organisation. Car, faute de formation et d’information, aucun d’entre eux n’est légalement déclaré au fisc, explique Jean Traoré. Or sans numéro d’identification fiscale, ils ne leur est pas possible d’exécuter des marchés publics.

Du coup, ils sont réduits en grande majorité au simple rôle de sous-traitant avec les entreprises de BTP. Le secteur est pénalisé du fait de la faiblesse du niveau d’instruction des ouvriers. « Ils sont nombreux à ne peut pas maîtriser le système métrique, ce qui est nécessaire à la bonne pratique du métier », constate notre interlocuteur.

En dépit de ces difficultés, le métier de carreleur peut faire vivre son homme. « Je vis bien de mon métier », se réjouit Jean Traoré. Si le secteur était bien organisé, nul doute qu’il pourrait créer de nombreuses petites entreprises qui contribueraient à la lutte contre le chômage en proposant de l’emploi aux jeunes.

A O. DIALLO

29 Octobre 2008