Depuis 18 ans, le Mali est malade de son école. D’une année blanche à des années tronquées, l’école malienne n’est plus ce lieu destiné à la formation des ressources humaines de qualité. De la maternelle à l’Université, en passant par les grandes écoles, le produit de l’école malienne n’est plus compétitif.
Phénomène récurent depuis l’avènement de la démocratie, les perturbations de l’école malienne ont pris une ampleur exceptionnelle depuis le mois d’octobre 2007, avec la mise en place du dernier gouvernement malien. Comme un catalyseur, l’arrivée de Amadou Touré à la tête du ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, a mis le feu aux poudres.
Dès son arrivée à la tête du département en charge des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, le ministre Amadou Touré n’a eu aucun répit. Pratiquement tous les syndicats d’enseignants ont déterré leur hache de guerre. Malheureusement, face à cette hostilité, le ministre n’a pas su sur quel pied danser. Il a accumulé erreurs sur erreurs.
Bien qu’il prône sur tous les toits qu’il est ouvert au dialogue, le ministre a toujours eu la maladresse de vouloir gérer la crise de manière cavalière au nom d’une autorité de l’État qui n’existe plus. Pour des questions d’honneur et d’ego, ni le ministre ni les syndicalistes ne veulent reculer, bien qu’ils sont tous convaincus que l’heure est grave.
L’école malienne est en péril et va droit, lentement et sûrement vers une année blanche, dont les conséquences seront catalographiques pour notre pays. Or, on n’a plus suffisamment de temps pour sauver ce qui reste de l’année.
Et tout porte à croire que le ministre n’est plus dans les dispositions normales pour résoudre cette crise. Avec la détermination des syndicats d’enseignants à ne plus s’asseoir à la même table de négociations avec le ministre Touré, si rien n’est fait, il va falloir craindre le pire. Aujourd’hui, les négociations sont bloquées. Et tout porte à croire que les enseignants veulent un nouvel interlocuteur.
Ils n’ont pas caché leur volonté. Et tous les maliens l’ont saisi, sauf le ministre Amadou Touré. Comme ceux qui l’ont nommé ne veulent pas s’assumer et le remercier, le ministre, dans l’intérêt supérieur de la nation malienne, doit admettre qu’il a échoué et rendre le tablier.
Le ministre doit comprendre que la crise actuelle de l’éducation malienne tient plus à la crise de confiance qui s’est installée entre lui et les syndicats d’enseignants qu’à toute autre cause.
Il est aujourd’hui clair qu’avec un nouveau ministre beaucoup plus conciliant, les syndicalistes mettront beaucoup d’eau dans leur vin et oeuvreront aux côtés des autorités pour sauver l’année scolaire, quitte à déterrer la hache de guerre dès la rentrée prochaine.
Nous le disons parce que nous sommes aujourd’hui convaincu que le ministre Touré est rattrapé par un certain nombre d’erreurs qu’il a commises au début de la crise. Comment voulez vous que des syndicalistes s’asseyent à la même table de négociation avec un ministre qui n’a que des plans catastrophiques de sortie de crise.
Les plans “B” qui annoncent la catastrophe
Au cours d’une rencontre, dans la salle de conférence du centre national des ressources de l’éducation non formelle (Ex DANAFLA), le Pr. Amadou Touré a surpris plus d’un. Il a étalé sa volonté d’en découdre avec les enseignants. Les trois plans proposés par le professeur ministre pour mettre fin à la crise n’augurent rien de potable pour l’école malienne.
Au cours de cette rencontre, le ministre Amadou Touré a pratiquement rejeté toutes les propositions faites par les directeurs des académies et les proviseurs, au motif que l’État a fait un grand effort en donnant des réponses favorables à 27 points de revendications sur les 37 que les syndicats d’enseignants lui ont soumis.
Pour cela, il a demandé aux enseignants de mettre fin à leur mot d’ordre de grève pour faire les évaluations des élèves dans les règles de l’art.
“Vos droits d’accord, mais vos devoirs d’abord”, a-t-il martelé. Il est ressorti des débats que l’État et les enseignants n’arrivent pas à s’entendre sur l’octroi des indemnités de logement.
L’État estime qu’il n’a pas les moyens pour payer des indemnités de logement aux enseignants. Selon le ministre, l’État, avec ses moyens limités, craint d’ouvrir une boîte de Pandore. “Si les enseignants ont des primes de logement, il faut craindre que d’autres corporations n’en réclament”, a-t-il déclaré.
Plusieurs responsables d’établissements ont suggéré au ministre de persévérer dans les négociations, car l’État n’a pas la possibilité aujourd’hui d’envisager des solutions sans l’implication des syndicats d’enseignants. Certains ont même demandé à l’État de faire un sacrifice dans l’intérêt des élèves maliens pour sauver l’année scolaire.
Mais, les invités du ministre et l’assistance ont eu l’impression d’assister à un débat de sourds.
Au moment où des responsables d’établissements et des directeurs d’académie s’évertuaient à faire comprendre au ministre qu’il est hors de question de songer à gérer ce dossier avec la force, le Pr. Amadou Touré a surpris tout le monde avec ses propositions de sortie de crise. “Le département ne pourra pas accepter que les enseignants donnent les cours et refusent d’évaluer les élèves”, a-t-il déclaré.
Avant d’égrener une série de plans “B” de nature à jeter de l’huile sur le feu. Le premier plan “B” du ministre ne laisse aucune alternative aux syndicats d’enseignants que d’accepter le moratoire demandé par le Premier ministre dans son intervention à la nation, le 17 mars 2008.
Selon le ministre si les enseignants refusent le premier plan de sortie de crise, le département se verra dans l’obligation de les mettre en situation de grève et de tirer toutes les conséquences du point de vue des salaires. Et pire, il a même lorgné du côté des nombreux jeunes maliens qui sont au chômage.
Dans une troisième proposition, le Pr. Amadou Touré, n’a pas caché sa volonté de faire remplacer les enseignants grévistes par des jeunes diplômés chômeurs.
“Le troisième plan B, c’est de trouver d’autres enseignants qui vont faire le travail à leur place. Il y a suffisamment de jeunes diplômés qui chôment au Mali”, a-t-il déclaré. Dans un Mali, où l’autorité de l’État a disparu depuis belle lurette, l’on est en droit de se demander comment le ministre Touré compte s’y prendre pour appliquer ses trois plans “B”.
Avec de telles dispositions d’esprit clairement affichées dans ses trois plans va-t-en-guerre, sans risque de se tromper, l’on peut affirmer la fin de la crise de l’école malienne, n’est pas pour demain.
En début de semaine, à la réaction des élèves des établissements publics, on a donné raison a tous ceux qui pensent qu’il faut un minimum de consensus autour de l’école.
En voulant faire composer à tous les prix les élèves des établissements privés, les autorités scolaires ont provoqué la colère des élèves des établissements publics qui n’ont pas encore été évalués depuis le début de l’année.
Une nouvelle autorité à la tête du département permettra à l’état de négocier avec les enseignants dans un climat plus serein pour sauver les enfants maliens du déluge programmé. Entre temps, le ministre a signé une nouvelle décision prolongeant les dates des examens. A quelles fins ?
Assane Koné
12 Mai 2008