Au Mali, l’éducation pour tous reste un défi, car les taux bruts de scolarisation varient entre 30 et 60 % selon les régions. L’écart entre filles et garçons est assez large. Mais avec le «gouvernement des enfants», la situation est en train d’évoluer. Ainsi, l’approche «Ecole amie des enfants, amie des filles», avec ses deux outils principaux de mise en oeuvre que sont le gouvernement des enfants et le projet d’école, se révèle un levier de promotion de la scolarisation des filles, et de participation de tous les enfants à la vie et à la gestion de leur école.
Le projet d’école est un plan d’action initié par l’APE ou le Comité de gestion scolaire, dans le cadre d’une démarche participative avec tous les acteurs et partenaires de l’école. Quant au «gouvernement des enfants», c’est un concept nouveau de l’UNICEF qui responsabilise ses élèves et les apprennent la citoyenneté. Il est un élément fondamental de l’approche «Ecole amie des enfants, amie des filles».
«Une école amie des enfants, amie des filles» est une approche qui dispose de cinq dimensions. C’est une école saine qui protège la santé des enfants ; du succès, utile pour les enfants. Elle intègre et protège tous les enfants, mais promet l’égalité entre filles et garçons. Mieux, et c’est le plus intéressant de cette approche, c’est une école ou les familles, les communautés et les enfants s’impliquent et participent à la vie de l’école. L’approche apporte-t-elle une amélioration sur la qualité de l’enseignement ?, a-t-elle eut un impact sur la scolarisation des filles ?
Entre autres questions auxquelles les intervenants ont bien voulu donner des réponses. A Diabolo, dans la commune de Djenné, l’Ecole «Seydou Boré» créée en 1998 reçoit 204 élèves dont 134 filles et 70 garçons. Elle expérimente l’approche depuis une année et des avancées sont visibles du point de vue de la gestion de l’école, mais aussi des réalisations faites.
A la réception de la caravane, le Premier ministre du gouvernement des enfants Mama Tangara était fier de présenter les sept membres de son gouvernement. Son porte-parole, le Ministre de l’Education Fatoumata Coulibaly brosse le tableau des réalisations et des difficultés du gouvernement dans l’accomplissement de leur plan d’action.
Il faudra noter que dans l’approche «Ecole amie des enfants, amie des filles», le gouvernement des enfants, le Comité de gestion scolaire (CGS) et l’Association des parents d’élèves (APE) élaborent tous annuellement des plans d’action qu’ils tentent de réaliser d’ici la fin de l’année scolaire en cours. Le gouvernement, nous explique Fatoumata Coulibaly, a permis de rehausser le taux de fréquentation scolaire qui est actuellement de 98 %.
Il a été pour eux un outil de combat et de responsabilité car dira-t-elle «aujourd’hui nous entretenons le jardin scolaire, sensibilisons les parents sur les droits des enfants, balayons la cour de l’école et soutenons nos frères et soeurs démunis».
Mieux, pour le Ministre des Finances Maïmouna Bouaré, cette réussite est le résultat d’une organisation qui les a permis même d’alimenter leur caisse par des amendes sur les retards ou les ventes des produits du jardin.
Le Comité de gestion scolaire fonctionne normalement, selon son président Adama Pléah. Il joue son rôle de mobilisation de fonds pour la cantine par exemple, et de sensibilisation des parents pour la scolarisation des filles.
Il assiste le gouvernement des enfants dans leurs difficultés et travaille de façon complémentaire avec les parents d’élèves. C’est grâce à cette approche «Ecole amie des enfants, amie des filles», indique le président du CGS, que nous discutons l’avenir de notre école avec nos enfants qui sont désormais nos interlocuteurs privilégiés pour le développement de l’école de Diablo.
S’agissant du taux élevé des filles, le président estime que c’est bien le fruit de l’approche «Ecole amie des enfants, amie des filles» qui est aussi la source du changement de mentalité et de comportement des enfants qui ne pensent qu’à l’école et à leur bien être.
L’approche, qui est testée dans 55 écoles du cercle de Djenné, est une source de satisfaction pour les autorités scolaires qui pensent qu’elle a même eut des impacts positifs sur les résultats scolaires.
L’exemple de Tendely
Le Directeur du CAP de Djenné Badri Gallédou dira que l’approche agit beaucoup sur les facteurs négatifs puisqu’en trois d’expérimentation le taux de fréquentation scolaire, surtout des filles, a nettement amélioré.
Les résultats aussi. C’est ainsi que pour les examens d’entrée en 7e année, il a été enregistré en 2001-2002, 43,50 % de taux d’admission contre 61,63 % en 2002-2003 et 63,08 % en 2003-2004.
«Le gouvernement des enfants est un outil pédagogique au niveau de l’école et qui va vers la réhabilitation de la spontanéité enfantine», indique le directeur qui nous explique l’exemple d’une fillette d’à peine neuf ans qui est venue revendiquer la clôture de son école jusqu’à Djenné.
Si Diabolo a fait des avancées énormes dans cette approche, Tendely est l’exemple type de sa réussite. Situé dans le cercle de Koro, le village dogon de Tendely a une population de 2080 habitants.
Créée en 1987 comme école de base et devenue publique en 1993, l’école a aujourd’hui un effectif 298 élèves dont 172 filles et 126 garçons. Elle est dirigée par une directrice, Mme Ongoïba Djelia Traoré. Ce qui frappe le visiteur de l’école de Tendely, c’est d’abord la propreté de la cour et ses environnants, mais aussi celle des élèves.
C’est le respect de la première dimension de l’école Ecole amie des enfants, amie des filles. Toutes les autres en sont autant. Ce qui fait qu’aujourd’hui l’impact de l’approche est visible dans les actions et le comportement des élèves et aussi de leurs parents.
L’Ecole de Tendely, c’est aujourd’hui une école propre avec une borne fontaine, des enfants propres et bien portants. Un Comité de gestion et un gouvernement des enfants qui fonctionnent et participent main dans la main à l’amélioration des conditions de vie dans l’espace scolaire et au-delà. Une imposante jeunesse féminine qui prend de l’ascension et tend vers l’excellence.
Parmi les 30 passants à l’examen d’entrée en 7e de l’année dernière, 20 sont des filles. Et dans toutes les classes, elles ravissent la vedette aux garçons par leur majorité. Bref, l’école de Tendely est aussi et surtout une école où les élèves sont responsables et conscients de cette responsabilité. A l’origine de cette réussite, explique le président de l’APE Hamidou Togo, c’est le travail, mais aussi la sensibilisation.
«Quand nous avons compris par exemple les difficultés qui empêchent nos femmes de libérer leurs filles pour l’école, nous avons travaillé à trouver les solutions», dit-il. Ainsi, des mesures ont été prises pour alléger le travail des femmes à la maison. Un moulin et une adduction d’eau sommaire financés à l’aide de partenaires ont permis d’atteindre le présent résultat, affirme le président Togo.
Si à Tendely les difficultés sont minimisées puisque le gouvernement n’a souhaité vraiment qu’avoir du matériel d’hygiène, les problèmes bloquent l’avancée de l’approche à Diabolo. Ici, les besoins s’appellent manquent de classes (3), d’eau, de produits pharmaceutiques etc.
La pauvreté, un obstacle
Dans le cercle de Bankass, l’école de Kani Bonzon est aussi une expérience, mais qui mérite une attention particulière. Certes tous les éléments de l’approche «Ecole amie des enfants, amie des filles» sont visibles, mais son impact reste à désirer pour plusieurs facteurs.
La pauvreté dans cette commune gît jusque dans les salles de classes où les fournitures scolaires sont crucialement insuffisants. Imaginez des enfants qui sont à une année de l’examen d’entrée en 7e année qui n’ont ni de cahiers encore moins de bics où d’ardoises. «Il leur arrive d’écrire leur leçon sur des bouts de papier et les lancer à la sortie de la classe», commente l’enseignante Mme Kéïta Ramata Coulibaly. Sans commentaire !
L’école de Kani Bonzon manque presque de tout, à commencer par des enseignants de qualité, de vivres pour la cantine et pire de fournitures scolaires (cahiers, bics et ardoises). Même si l’approche Ecole amie des enfants, amie des filles donne des lueurs d’espoir avec la prise de conscience de tous les intervenants (gouvernement d’enfant, Comité de gestion scolaire, APE, et autres associations), il est indéniable que le gouvernement assume en prenant des mesures particulières pour certaines zones vulnérables où des parents d’élèves ont du mal à garantir un repas par jour à leurs enfants, à plus forte raisons leurs payer un cahier ou un bic.
Cette extrême pauvreté explique en partie le refus des mères de Kani Bonzon à libérer leur fille pour les études. Elle explique aussi le niveau le plus bas des élèves de cette localité, même si avec la nouvelle approche, le directeur de l’école a constaté une nette progression dans les résultats scolaires et une relative réduction des chômages et des retards.
Sans nier les réalités de l’Ecole amie des enfants, amie des filles, le président du CGS Amadou Togo invite les autorités scolaires à renforcer la cantine scolaire de Kani Bonzon. Car, nous confiait plus tard un enseignant du village : «si l’école de Kani Bonzon existe jusque là, c’est grâce à la cantine, pas de cantine, pas d’école», disait-il. Cette précision est une mise en garde puisque la cantine, entretenue depuis longtemps par les italiens, tend vers sa fermeture malgré les efforts du Comité de gestion scolaire.
Idrissa Maïga – Envoyé spécial
18 avril 2005