Attaques de Kidal et Ménaka par des troupes armées: Le septentrion malien renoue-t-il avec ses vieux démons ?
Mardi 23 mai 2006, deux camps militaires de Kidal, ainsi que la garnison de Ménaka, ont été attaqués par des troupes armées.
Depuis Kayes où il effectuait une tournée, le président de la République s’est prononcé sur l’attaque du mardi matin. Tout en promettant de gérer la situation avec « responsabilité et mesure », il en a appelé à l’unité, à la solidarité et à l’esprit de patriotisme des Maliens et à ne surtout pas faire d’amalgame.
L’armée malienne n’a pas eu à livrer de combat dans la zone, car les assaillants, pour ne pas affronter cette dernière, après leur coup, se sont vite retirés dans les montagnes de l’Adrar des Ifoghas.
Pourquoi ces attaques ? Qui sont les auteurs des attaques ? Que veulent les assaillants ? Quelle est la situation à Kidal et Ménaka ?
Les journaux titrent :
Le Républicain du 24 mai 2006 : « 24 heures avant les attaques ».
Le Républicain du 24 mai 2006 : « Editorial: Eviter des dérapages ».
Le Républicain du 24 mai 2006 : « Attaque de Kidal : le réveil des démons».
L’Essor du 24 mai 2006 : « Attaque des camps militaires de Kidal : Le choc».
L’Indépendant du 24 mai 2006 : « Nord-Mali, Kidal, Ménaka, Abeïbara, Tessalit tombées entre les mains des rebelles ».
L’Indépendant du 26 mai 2006 : « Rébellion au nord – Mali, L’ancien patron de la Sécurité d’Etat privilégie la piste du terrorisme international ».
L’Indépendant du 24 mai 2006 : « Déclaration à Diéma du Président Amadou Toumani Touré sur la situation à Kidal ».
Les Echos du 24 mai 2006 : « Attaque des camps de Kidal, ATT en appelle à la sérénité ».
Attaque de Kidal et Ménaka, la presse malienne avait pourtant tiré sur la sonnette d’alarme concernant la situation dans le septentrion de notre pays…
« Depuis un certain temps, on sentait le coup venir, notamment depuis la désertion du vrai faux lieutenant-colonel Fagaga, l’ouverture d’un consulat libyen à Kidal et, surtout, la visite de Kadhafi à Tombouctou sous prétexte de Maouloud.
La presse, à commencer par votre quotidien L’Indépendant, avait largement tiré sur la sonnette d’alarme. Mais rien n’y fit. Nos autorités ont préféré la politique de l’autruche à la recherche d’une solution radicale. A défaut d’être préventive.
Le résultat, aujourd’hui, est là. Patatras ! Une horde de bandits armés, certainement inspirés et guidés par Fagaga et qui ressemblent davantage à des flibustiers qu’à d’honorables guerriers, viennent de reprendre le maquis en attaquant Kidal, Ménaka et d’autres localités. Avec, comme seul objectif l’obtention d’une « large autonomie » pour la huitième région, une revendication qui faisait son petit bonhomme de chemin depuis un certain temps.
A l’annonce de la terrible nouvelle, les Maliens ont été sidérés, outrés, indignés car ils savent qu’une rébellion armée amène toujours son cortège de victimes parmi les innocents, notamment les femmes et les enfants. Mais ils sont surtout indignés par le fait que les autorités se soient laissées surprendre par le démon qui guette à nos portes depuis belle lurette. », écrit L’Indépendant du 24 mai 2006.
« En son temps, nous avions attiré l’attention de l’opinion et des autorités sur les risques que représentait un certain Hassane Fagaga, qui avait pris, au mois de février dernier, le chemin des montagnes. A l’époque, les autorités ont choisi la voie du dialogue, sans doute par souci d’apaisement. Mais, le résultat est là.
C’est dire qu’au moment où les autorités maliennes faisaient preuve de leur disponibilité à trouver une solution définitive à la crise de confiance installée à Kidal depuis des mois, d’autres personnes attendaient de passer à l’action. Malgré tout, notre pays a toujours su surmonter les obstacles. Et le Mali recèle cette capacité insoupçonnée de venir à bout des épreuves. », écrit Le Républicain du 24 mai 2006.
Etat de la ville à la suite des attaques …
« C’est aux environs de 5 h du matin ce mardi 23 mai que des groupes armés ont attaqué les deux camps militaires de Kidal avant de l’occuper. Ensuite, ils ont pris la gendarmerie. Des dizaines de soldats ont été faits prisonniers, autant ont pris la tangente pour disparaître dans le grand désert.
Le gouverneur de la région, les membres de son cabinet, les chefs de service, les sous-officiers et officiers ont tous été arrêtés par les assaillants. La ville est entièrement entre les mains des désormais rebelles qui multiplient les coups de fusil. Partout, c’est le crépitement des armes. Conséquences : plusieurs morts dont deux militaires et un policier ont été enregistrés, des centaines de personnes ont fui la ville.
A Ménaka, le Commandant Moussa Bah de la gendarmerie a pillé les armes de sa Compagnie avant d’attaquer la garde nationale de la localité. Il semble que Tessalit et Abeïbara soient également tombés entre les mains des rebelles, dirigés par l’officier déserteur de la Garde Nationale, Hassane Fagaga. Celui-ci, soutenu par plusieurs chefs de fraction et de tribu avait réclamé une « large autonomie » pour la région de Kidal. Déjà, dans L’Indépendant N°1454 du lundi 24 avril, dans un article intitulé : « nouvelle menace de partition du territoire malien, Kidal réclame une large autonomie ; le Général Kafougouna dit niet », nous avions posé la problématique et suscité le débat dans plusieurs de nos parutions.
Les lecteurs se rappellent de l’opposition du député Bajan Ag Hamatou de Ménaka à toute velléité d’autonomie (L’Indépendant N°1455 du mardi 25 avril) avant de se rétracter en déclarant : « Oui à l’autonomie de Kidal si elle permet le développement ».
Dans la même parution, votre fidèle serviteur avait battu en brèche cette position en invitant le petit fils de Firhoun Amenokal à ne pas tourner casaque et à se battre davantage afin que notre devise reste la même : « Un peuple, Un but, Une foi ».
D’autres débats ont eu lieu et même sur Internet et votre quotidien préféré a même ramené ce débat dans ses colonnes, en publiant un article de l’ex-coordinateur des Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad ( MFUA ), Zeidane Ag Sidalamine qui expliquait « pourquoi le Pacte National et la réinsertion des ex-combattants ont montré leurs limites ».
La tension montait à Kidal mais malgré tout, le gouvernement n’a pas réagi. Et nous n’avions pas hésité à dénoncer « le silence coupable du gouvernement et des partis politiques » (L’Indépendant N°1460 du mercredi 3 mai.
A ce sujet, nous avions écrit que : « cette attitude du gouvernement et des partis politiques, assimilable à la politique de l’autruche – enfoncer sa tête dans le sable quand souffle la tempête- vise à montrer à la face du monde que le Mali est un havre de paix dans la tourmente ouest africaine illustrée par la guerre en Côte d’Ivoire, les irruptions ethnico – régionalistes au Nigeria, les querelles politiciennes interminables au Togo et les coups d’Etat militaire ailleurs. En se taisant, le gouvernement veut donc convaincre l’opinion nationale voire internationale que le problème n’existe pas. Et les formations politiques, qui soutiennent aveuglement le président, championnes dans l’unanimisme à la sauce ATT, sont obligées de suivre la voie tracée par le prince du jour ».
Les députés qui ont voulu interpeller le gouvernement sur cette question, suite à nos nombreuses informations sur la situation à Kidal, ont été dissuadés par Koulouba. C’était le black out total.
Le gouvernement se croyait suffisant et assez fort pour résoudre la question dans la plus grande opacité. Mal lui en prit puisqu’au grand jour, le monde entier a su qu’il y a eu des crépitements d’armes à Kidal.
Le problème s’est aggravé et a pris des proportions inquiétantes avec mort d’hommes. On aurait pu faire l’économie de cette crise si l’Etat s’était assumé, en prenant le problème à bras le corps.
C’est dommage que chez nous, on préfère attendre, comme les Gaulois, que « le ciel nous tombe sur la tête ». », écrit L’Indépendant du 24 mai 2006.
« Un habitant de Kidal joint par téléphone dans la matinée expliquait que « depuis ce matin, les deux camps militaires de la ville sont occupés par des assaillants. Ils ont, dans un premier temps, pris le camp militaire n° 1 qui se trouve à l’entrée ouest de la ville puis le second à la sortie vers Ménaka ». Des informations difficiles à vérifier et donc à prendre avec d’autant plus de précautions que tous les habitants se terraient chez eux et qu’il était difficile pour eux de savoir ce qui se passait réellement dehors.
Une autre source contactée dans la même ville de Kidal assurait que la Garde nationale et la Gendarmerie étaient en train de résister. Jusqu’à midi, assura-t-elle, des rafales d’armes automatiques étaient entendues par la population. « Les rues sont totalement désertes. La banque malienne de solidarité (BMS) a été pillée et des véhicules des particuliers, des services publics et des ONG ont été enlevés », témoignait ce Kidalois.
Des sources proches du ministère de la Défense et des Anciens combattants ont expliqué (en off) que tout était allé trop vite, dans la nuit de lundi à mardi. En effet, vers 4 heures du matin, à la faveur de certaines complicités à l’intérieur de la caserne, les assaillants ont pu pénétrer et prendre position dans les endroits névralgiques. Ils entreprirent de défoncer les portes des magasins et à tirer des coups de feu pour dissuader toutes tentatives éventuelles de riposte. D’autres groupes se sont chargés d’occuper les stations de radio de proximité, enlevant au passage le véhicule de l’Energie du Mali.
Selon les mêmes sources, on apprenait que les assaillants avaient pris le gouverneur en otage mais que celui-ci avait été, par la suite, relâché. D’autres sources font état de dissensions au sein des « intégrés » avec une faction occupant un camp et la seconde campant dans l’autre. Autant d’informations impossibles évidemment à recouper à partir de Bamako et à corroborer à Kidal compte tenu de l’insécurité dans la ville.
Simultanément aux événements de Kidal, des désertions agitaient Ménaka. Dans cette localité, hier matin, vers 6h30, des rumeurs ont couru faisant état de l’encerclement de la ville par des assaillants. Dans le même temps, des informations révélaient la désertion des rangs de l’armée du commandant Bamoussa et d’éléments originaires de Kidal et proches du colonel Fagaga dont la dissidence a défrayé la chronique il y a quelques mois. Bamoussa est un ex-rebelle intégré qui commandait la compagnie de Ménaka. Du côté du camp de l’unité des méharistes de la Garde nationale et de la Gendarmerie, aucune désertion n’avait été signalée.
Dans le remue-ménage qui a secoué la ville, un véhicule de la Protection des végétaux de Gao en mission à Ménaka a été enlevé vers 8h50 par trois hommes armés. Cet acte crapuleux est vraisemblablement le fait des bandits qui n’avaient rien à voir avec les déserteurs mais qui ont profité du désordre qui prévalait.
Les déserteurs, eux, ont quitté leur camp vers l’aube en remontant vers le nord, probablement en direction de Kidal où les camps avaient été déjà attaqués. Pour faire la jonction ?
Jusqu’aux environs de 13 heures, les marchés, les banques, les écoles, les services techniques étaient fermés. La situation était cependant sous le contrôle de l’armée qui patrouillait en ville et tentait d’apaiser des habitants apeurés dont certains s’étaient même cachés en brousse. Des renforts en provenance de Gao sont arrivés dans la journée. Des renforts ont été également acheminés de Gao vers Kidal.
Les nouvelles, certainement amplifiées, des événement de Kidal et d’Ansongo ont crée une panique générale à Ansongo, le chef-lieu du cercle voisin. Dans la ville, l’inquiétude a encore grandi au sein de la population quand les travailleurs du chantier de la route Gao-Ansongo-Labbezanga ont arrêté le travail et regagné leur base avec tout leur matériel.
En milieu de journée, un calme inquiet régnait dans la ville après les rumeurs folles qui faisaient état d’une imminente attaque de la ville par des assaillants. Les autorités administratives et politiques ne cessaient d’appeler la population au calme. », écrit L’Essor du 24 mai 2006.
Les auteurs de l’attaque …
« Les auteurs ? Jusqu’ici aucune revendication n’a été posée par les assaillants. Ce qui est sûr, le mouvement n’engage nullement toute l’ex-rébellion. Selon un haut responsable des MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad) que nous avons contacté, tous les chefs de fractions des régions du Nord sont actuellement à Bamako. Motif ? Rassurer les autorités de leur engagement dans le Pacte national et la sauvegarde de l’unité nationale. Aussi, le vieux Intallah, notabilité et chef de tribu des Ifogas de Kidal, est actuellement dans la capitale pour des raisons de santé.
En vue de se démarquer des événements de Kidal, des chefs de l’ex-rébellion ont multiplié hier des consultations. Ils s’apprêtent à faire une déclaration pour condamner ce qui est arrivé, indique le responsable des MFUA. Aussi, l’on indique que même Ag Rhissa qui a été le dernier à déposer les armes, en 1993, et qui vit actuellement à Gao a manifesté son désaccord suite aux remous qui sévissaient dans certains milieux de l’ex-rébellion. Alors qui sont les auteurs ?
Hier encore, de lourds soupçons pesaient sur Iyad Ag Ghaly. Il est en effet soupçonné d’être à l’origine des troubles actuels. Initiateur de la rébellion de 1990, cet ex-colonel de la légion islamique évolue, depuis la signature du Pacte, dans la vie civile. Contrairement aux autres responsables des MFUA, Iyad se lança alors dans les affaires. L’homme, selon les mauvaises langues, était arrivé à monter des affaires plutôt basées sur la fraude et la contrebande entre le Mali et l’Algérie. Il s’était entouré d’une cour d’obligés et de fidèles issus de l’ex-rébellion.
A Kidal, Iyad, depuis la fin de la rébellion, régnait en maître absolu. D’aucuns affirment qu’il est le mentor du lieutenant-colonel Hassane Fagaga, cet officier de la Garde nationale qui s’agite depuis le début de l’année. Selon des sources, Iyad était à Bamako le vendredi dernier. Il aurait même été reçu par le chef de l’Etat. Mais, aucune information n’a filtré sur l’objet de cette rencontre. Et dès samedi, Iyad était introuvable dans la capitale. Finalement, avant-hier (lundi), après midi, l’ex-chef rebelle est arrivée à Kidal.
D’après une source, il aurait indiqué à certains proches qu’il n’avait rien obtenu à Bamako. Etait-ce un signal ? La coïncidence est troublante. Car c’est cette même nuit que les événements se sont précipités. Cependant, beaucoup d’interrogations demeurent sur le degré d’implication de Iyad. Car l’homme avait bénéficié de toutes mansuétudes des autorités. Il était devenu « un monument » entretenu et traité comme tel. Depuis le retour de la paix au Nord, il était, en effet, régulièrement sollicité pour tout ce qui touche à la stabilité au Nord.
En 1997, il était parmi les médiateurs qui sont intervenus dans l’affaire Ibrahim Bahanga, un ex-combattant qui s’était révolté en prenant en otage des agents de l’Etat. Dans la libération des otages européens enlevés par les Salafistes algériens, le même Iyad était parmi les médiateurs. Alors pourquoi se lancer dans une telle aventure ? s’interrogent plusieurs responsables de l’ex-rebellion résidant à Bamako. Facteurs multiples Même si l’on ignore les motivations profondes des auteurs, certaines pistes conduisent à cerner les événements de Kidal.
En effet, depuis des années, des rivalités existent entre la famille d’Intallah et un groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly. Tous sont des Ifogas. En réalité, il s’agit d’un conflit interne entre les deux parties pour le leadership à Kidal. La famille du vieux chef Intallah est fortement contestée par Iyad et son groupe. Pour d’autres sources, il s’agit en fait, d’une manière pour Iyad de signifier sa « puissance » et sa dominance sur Kidal.
Des gens qui l’ont côtoyé estiment, par ailleurs, que les événements de Kidal procèdent d’une stratégie de l’ex-officier qui, en plus du pouvoir, veut créer des problèmes pour obtenir une manne financière des autorités. Il est abonné aux surenchères, dit-on. En plus de ces considérations, l’ouverture du consulat libyen à Kidal a exacerbé les rivalités, affirment de nombreux responsables. L’arrivée des libyens a aiguisé les appétits.
Chaque groupe rival estimait avoir plus de droits dans le partage du « gâteau libyen ». Et selon ce responsable des MFUA « ce qui se passe à Kidal est loin d’une nouvelle rébellion ». C’est un conflit d’intérêt qui se manifeste par des attaques contre l’armée et les symboles de l’Etat. Devant cette situation, notre interlocuteur estime que l’Etat a commis des erreurs en accordant « trop de faveurs à cette région ».
En effet Kidal est la seule région au Mali où les populations sont consultés dans la nomination et le choix de leur gouverneur. Ainsi il y a quelques mois, une coordination des ex-combattants a été créée dans la région.
Toutes choses qui font de Kidal une localité à part et bénéficiant de traitement spécial. Mais les démons de la violence étaient loin d’abandonner tous les esprits. Et pour preuve…. », écrit Le Républicain du 24 mai 2006.
L’attaque a fait 4 morts, selon Fagaga …
« Le chef du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (rébellion touarègue malienne), Hassan Fagaga, a appelé mardi soir les grandes puissances, notamment la France, à intervenir d’urgence auprès des autorités maliennes pour éviter ce qu’il a qualifié de génocide contre les populations du Nord-Mali, a rapporté mercredi l’agence de presse panafricaine (PANA).
M. Fagaga a révélé que ses hommes ont occupé, mardi, la ville de Kidal (environ 1 200 km au nord de Bamako) et ses environs, ajoutant que l’attaque a fait quatre morts, dont deux parmi l’armée régulière malienne et deux parmi les assaillants, selon la même source.
Le chef de guerre a encore fait cas de l’occupation, par les insurgés, de la localité de Menaka.
Au sujet des revendications de son mouvement, le chef rebelle a déclaré que celles-ci portent sur la mise en application des termes des accords de paix signés en 1992, soulignant que les autorités maliennes ont rejeté sa demande d’ouverture d’un dialogue.
Expliquant qu’aucune médiation entre les deux parties n’est en vue, il a appelé les grandes puissances, notamment la France, à intervenir pour éviter que les autorités maliennes commettent ce qu’il a qualifié de génocide parmi les populations de l’Azawad, sous couvert de la lutte contre le terrorisme.
Pour lui, le combat que mène son mouvement est légitime pour recouvrer les droits des provinces du Nord-Mali tels que consacrés par les accords signés en 1992 entre la rébellion touarègue avec le pouvoir central à Bamako.
Par ailleurs, plusieurs unités militaires mauritaniennes ont été dépêchées mardi pour sécuriser les frontières avec le Mali voisin. », écrit L’Indépendant du 26 mai 2006.
Deux événements majeurs, à la base de cette crise ?…
« Avant les événements d’hier, pour les populations de Kidal, deux événements majeurs seraient à la base de cette crise : l’ouverture du consulat Libyen le jeudi 9 février 2006 dans cette localité et la fermeture de la frontière algérienne. « Nous ne comprenons rien, officiellement, on nous dit que tout va bien, mais en réalité on constate que la frontière est fermée », poursuit Bilal. En période ordinaire, la ville de Kidal a tout l’air d’un gros souk. On y trouve tous les produits d’origine maghrébine notamment de l’Algérie. Et d’ailleurs ironiquement, les populations qualifiaient l’Algérie comme étant le cordon ombilical de la capitale des Ifogas. Et pour preuve : elle assure presque 90 % des besoins de la ville sur tous les plans : carburants, vivres, gaz, articles d’électroménagers…
Aujourd’hui, selon un commerçant de Kidal, Mohamed Ag Mohamed, « la ville est au bord du gouffre ». Avant, témoigne-t-il : « nous avons entre 5 à 6 camions qui proviennent de l’Algérie par jour. Maintenant, nous n’avons qu’un camion par quinzaine et souvent par mois ». « Nous avons aujourd’hui 11 camions qui sont bloqués à la frontière », révèle Bilal Ag Ousmane.
Pour les populations de Kidal, avec cette situation, c’est comme si la frontière est fermée. Et du coup, les prix des produits de première nécessité ont pris l’ascenseur. A titre d’illustration, le litre d’essence qui était vendu entre 400 et 500 F Cfa est revenu à 700 F Cfa ; le carton de lait qui était à 20 000 F Cfa est vendu à 23 500 F Cfa maintenant. Le sac de riz qui était vendu entre 12 000 et 13 000 F Cfa est aujourd’hui cédé à 36 000 F Cfa, renchérit à son tour Mme Fadimata Wallet Ibrahim, ménagère. Avant de poursuivre : « Si ça continue, nous allons tout droit vers une crise alimentaire ».
Pour les populations de Kidal, l’origine de leur misère est connue. ‘’C’est l’ouverture du Consulat Libyen dans cette localité le jeudi 9 février 2006″. « Nous ne comprenons pas l’implantation d’un consulat dans une ville où il n’y a aucun ressortissant libyen », s’indigne Ahmoud Yattara, un habitant de Kidal.
Aujourd’hui, les populations épiloguent encore sur le sujet : Pourquoi ce Consulat ? Que veut Kaddafi ? Quels seront les rapports entre les libyens et certains ex-chefs rebelles des Mouvements et Front Unifiés de l’Azawad ? La tentative de désertion dans les rangs de l’armée d’un ex-chef rebelle, le colonel Hassan Fagaga et ses velléités d’autonomie en mars 2006 ont fait craindre à la population le pire.
Un tour de la ville et du centre commercial nous a permis de comprendre l’ampleur du phénomène. Derrière les comptoirs, certains commerçants somnolent ; d’autres lisent le Coran ou prennent du thé en petits groupes sans se soucier des bruits des passants. Une commerçante qui effectue la ligne Gao-Kidal, Mme Bintou Maïga, a laissé éclater sa colère : « depuis deux mois, je n’arrive pas à livrer les commandes de mes clients en moquettes et en réfrigérateurs ». Comme beaucoup d’autres personnes, elle s’interroge : Pourquoi la frontière est fermée ?
Pour Ousmane Maïga, enseignant à Kidal, ce n’est pas une fermeture en tant que telle, mais une sanction algérienne, une façon de prouver aux maliens à travers la ville qu’elle peut faire mal… et surtout de montrer son mécontentement suite à l’ouverture du consulat de la Libye à Kidal. Cette hypothèse est largement défendue à Kidal. « Nous appelons les autorités à renouer le contact avec les autorités de Kidal avant le début de l’hivernage… sinon ce sera la catastrophe », a lancé Maïga en guise d’appel. Toute chose qui ressemble à un cri d’alarme. De détresse de toute une population qui est en train de panser les plaies d’une longue blessure… après la sécheresse et les différentes rebellions.
Au moment où nous mettons sous presse cet article, nous apprenons les tragiques événements survenus à Kidal. », écrit Le Républicain du 24 mai 2006.
Le Pacte national malien, un exemple pour le monde entier …
« Lorsqu’en 1992, notre pays est parvenu à éteindre le feu au Nord avec la signature du Pacte national entre le Gouvernement et les Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad, tous les Maliens caressaient l’espoir d’un retour définitif de la paix, de la sécurité et du développement dans le septentrion. L’initiative et la démarche malienne pour la résolution de la rébellion touarègue déclenchée, pour la seconde fois en 1990, par un certain Iyad Ag Ghaly, avaient été unanimement saluées par la communauté internationale.
En effet, pour la première fois un pays africain était parvenu à régler un conflit interne sans intervention militaire extérieure. Le Pacte national avait été conçu pour les Maliens et par les Maliens. C’est fort justement de cela, que notre pays était constamment cité en exemple comme une réussite en matière de gestion de conflit.
A l’intérieur, des milliers d’ex-combattants avaient ainsi été intégrés dans les rangs de l’armée nationale. D’autres ex-combattants et/ou responsables politiques de l’ex-rébellion ont intégré l’administration et les autres corps paramilitaires (Douanes, Police, Services des eaux et forêts). Aujourd’hui, certains d’entre eux occupent de hautes fonctions dans tous les rouages de l’Etat. Quoi de plus normal ? Ils sont Maliens. Et, à ce titre, ils doivent bénéficier de tous les droits conférés à tous les citoyens du pays conformément à la Constitution de la République. Une Constitution qui, par ailleurs, indique que « le Mali est un et indivisible ».
A tous les niveaux, de nombreux cadres de l’ex-rébellion font aujourd’hui preuve de patriotisme et de leur attachement à la Maison commune qu’est le Mali. C’est dire que les événements survenus hier à Kidal et à Ménaka ne constituent guère une remise en cause du Pacte national. Loin s’en faut. Ces événements sont l’oeuvre d’une bande connue et qui, en réalité, ne représente nullement tout un mouvement. Que l’on se rassure : le Mali est loin d’une nouvelle rébellion. », écrit Le Républicain du 24 mai 2006.
L’Indépendant a approché l’ancien patron de la Sécurité d’Etat, Soumeylou Boubèye Maiga, pour en savoir davantage. Il estime que, seul, le Mali ne pourrait pas résoudre la question puisqu’il s’agit, à son avis, du terrorisme international et suggère qu’elle soit traitée dans un cadre régional.
« La rébellion déclenchée le mardi 23 mai, à Kidal, a fait quatre morts (deux dans les rangs de l’armée et deux autres permis les rebelles) selon le chef de fil des insurgés, Hassane Fagaga, interrogé mercredi par la PANA.
Actuellement, ils se sont réfugiés dans les montagnes de l’Adrar des Iforas. Kidal est donc libéré et se trouve sous contrôle des Forces Armées maliennes. Quel sera la suite de ces évènements ?
Nous avons approché l’ancien patron de la Sécurité d’Etat et non moins ex-ministre des Forces Armées et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, pour essayer de comprendre les raisons d’un tel soulèvement contre l’ordre républicain.
Selon lui, il faut chercher ailleurs les raisons d’un tel recours à la violence. C’est pourquoi, il privilégie la piste du terrorisme international. D’abord, il estime que la zone de Kidal est depuis quelques temps le refuge de certains islamistes du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC). Il est catégorique : « le GSPC a infiltré les rangs de Fagaga et les combattants avaient déjà fait le voyage dans le Peshawar- zone islamiste comprise entre le Pakistan et l’Afghanistan -. Ensuite, il pense que ce n’est pas un hasard si la « Dawa », une secte islamiste est installée à Kidal ». Ce qui explique, selon lui, l’initiative Pan Sahel organisé par les Américains dans cette partie du pays.
En outre, l’ancien patron de la Sécurité d’Etat laisse entendre que l’effectif important qui a pris d’assaut les deux camps militaires de Kidal pour se ravitailler en armements et munitions ne sont pas tous des hommes de Fagaga.
« Le nombre de jeunes gens qui ont accompagné Hassane Fagaga était connu. II est de loin inférieur au nombre de combattants qui ont occupé Kidal durant quelques heures », a expliqué Soumeylou Boubèye Maïga.
Aussi, souhaite t-il qu’on sorte d’une approche régionaliste, puisqu’il plus on fait une fixation sur Kidal, plus le terrorisme international va se développer et se prolonger. « Au-delà des revendications qui concerne Kidal, il y a un habillage relatif aux actions liées au terrorisme international », a t-il indiqué.
II suggère que « le Mali traite la situation sécuritaire dans le cadre d’une coopération régionale de lutte contre le terrorisme international. Tout en continuant de traiter au niveau national, dans un cadre institutionnel approprié, les problèmes liés au développement économique et social de l’ensemble des régions du Nord« .», écrit L’Indépendant du 26 mai 2006.
Selon certains journaux de la place, le Mali est loin d’une nouvelle rébellion …
« Loin de nous l’idée de minimiser les événements qui se déroulent actuellement en 8e région. Cependant, les Maliens, à tous les niveaux, doivent faire preuve de discernement. Aujourd’hui, il est évident que des éléments ont pris l’initiative de s’attaquer à l’Etat et à ses symboles. Mais jusqu’ici, les auteurs de ces actes n’ont émis la moindre revendication. D’où le flou qui entoure les deux attaques. Alors question : que veulent les initiateurs de ces opérations ?
A défaut d’une réponse, les Maliens doivent garder leur sang froid, afin d’éviter des dérapages qui ne seront profitables qu’aux auteurs des attaques de Kidal et de Ménaka. Aussi, l’Etat garant de la sécurité des citoyens, se doit de gérer cette situation explosive avec fermeté. Car, c’est cette absence de fermeté qui justifie, en partie, la situation qui prévaut aujourd’hui à Kidal.
…
Alors, ne perdons nullement la raison. Et prions que les événements de Kidal ne soient l’oeuvre que d’une bande de désespérés et que ces mêmes événements soient un simple incident de parcours dans l’édification d’un Mali fort et uni. C’est en cela que nous sortirons tous grandis de cette épreuve. », écrit Le Républicain du 24 mai 2006.
Le chef de l’état Amadou Toumani Touré se trouvait à Diéma, dans le Mali profond lorsque les attaques de Kidal ont eu lieu. Le président de la République dans son adresse à la nation, a appelé au calme et à la raison et a surtout affirmé avec la plus grande sérénité possible que cette situation allait être gérée en toute responsabilité
Déclaration à Diéma du Président Amadou Toumani Touré sur
la situation à Kidal
« Chers compatriotes,
C’est ici, à Diéma, dans le Kaarta, dans le Mali profond, que j’ai une pensée particulièrement douloureuse pour les évènements que notre pays a connus malheureusement ce matin.
Dans une autre contrée lointaine, dans un autre Mali profond, l’Adrar des Iforas, et plus exactement dans la ville de Kidal, des éléments armés ont attaqué les principaux postes militaires.
Cela fait mal ! Certes, mais nous devons, une fois encore, face à des épreuves, nous unir, renforcer notre solidarité, œuvrer pour l’unité et la cohésion nationales.
Je demande, à chaque Malienne, chaque Malien, d’abord de garder le calme, de renforcer la sérénité et surtout de faire preuve de mesure quelle que soit la difficulté de la situation.
Je voudrais convier toutes les Maliennes et tous les Maliens à savoir faire la part des choses. Ceux qui ont attaqué des postes militaires à Kidal ne doivent pas être confondus avec nos autres compatriotes Tamasheq et proches qui vivent avec nous nos difficultés, qui ont choisi le Mali, qui ont choisi la loyauté et qui ont les mêmes droits que nous.
Ne les confondez pas avec ceux qui ont tiré à Kidal (…) Il faut les aider, les assister, les encourager.
Que personne ne fasse cette confusion dans les Camps militaires, dans les Camps de la Garde Nationale, dans les Services de la Douane et tous les autres Services de l’Etat, Administration publique comme privée.
Ne faites pas un amalgame entre celui qui a tiré là-bas, sur un poste militaire, et l’autre malien qui, ici, travaille et s’occupe de sa famille.
Je n’ai pas besoin d’aller à Bamako pour suivre cette situation. J’irai au terme de ma visite… à Diéma, ensuite, in challah à Nioro. C’est lorsque je finirai ma mission que je rentrerai à Bamako.
Ce que je voudrais vous dire, heure par heure, jour après jour, je suivrai cette situation… où que je me trouve en République du Mali.Il faut que vous le sachiez, il n’y a aucune différence entre ici, Diéma, et le Palais de Koulouba.
Je suivrai la situation avec responsabilité mais aussi avec mesure. Je demande à ce que l’ensemble des Maliennes et des Maliens se tienne la main.
Ne confondez pas les [paisibles citoyens] avec des gens qui ont pris de [lourdes] responsabilités dont eux seuls connaissent les raisons. Mais nous pensons déjà que les conséquences sont particulièrement graves.
Au Mali, on n’a plus besoin de prendre des armes pour se faire entendre. La décentralisation est un statut particulier par lequel [vos] élus peuvent, par différentes voies, – administratives et politiques – transmettre [vos] doléances, [vos] suggestions et critiques aux autorités.
Dans ce sas, si la démocratie vous donne toutes les voies, vous n’avez pas besoin de la voie des armes.
Je vous dis à tous : « Courage ! Ce n’est pas une tragédie […] C’est une situation que nous allons gérer en toute responsabilité« .
Source : Cellule Communication de la Présidence de la République