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Quelques jours seulement après l’ouverture d’un Consulat libyen dans le septentrion malien, le Colonel Hassane Fagaga, ex-élément de la Garde nationale à Kidal, à la tête d’une centaine d’hommes armés, tous ex-combattants ou déserteurs de l’armée et des services de sécurité, s’est retranché dans les montagnes aux environs de Kidal.
Fagaga et ses hommes ont envoyé des messages qui s’adressent à la fois aux autorités maliennes et libyennes : ils exigent que leur commune (la commune de Tin-Tedzedid) soit prise en charge financièrement dans les projets que la Libye s’apprêterait à financer dans certaines localités du Nord, sinon, ils s’attaqueraient au nouveau Consulat et à tous les projets entrepris au Nord par la Libye.
En tout cas, la menace est très prise au sérieux par les hauts responsables du pays. Le général Seydou Traoré, chef d’Etat-major général des armées, à la tête d’une délégation de haut rang, s’est déplacé à Kidal, afin de trouver une solution à cette alerte avec les chefs militaires de la localité.

Les journaux titrent :

« Rébellion du Colonel Fagaga : négociation avec les bandits », titre Le Républicain du 20 février 2006.

« La paix règne au Nord -Mali, La vraie histoire d’une fausse rébellion », titre L’Indépendant du 21 février 2006.

Rappel de la situation, pourquoi tout ce remue-ménage dans le septentrion malien ? …

« Rappel : le 11 février dernier, l’ex-colonel Fagaga à la tête de plusieurs autres bandits – déserteurs de l’armée ou ex-combattants non intégrés – quittent la ville de Kidal pour se retrancher dans les montagnes situées non loin de la localité. Début d’une rébellion armée ? Acte de banditisme sur fond de chantage et de menace ? Tentative de rançonner l’Etat ?
Mécontentement suite à l’ouverture du Consulat libyen à Kidal ? Au fil des jours, ces interrogations, en l’absence de réponses nettes et précises, prennent des allures de spéculations dans certains milieux officiels de la capitale. Les réponses à ces questions varient tout simplement d’une source à l’autre.
Cependant, une certitude : le colonel Fagaga et ses hommes, par le biais d’un messager anonyme, ont demandé le paiement d’une forte somme d’argent aux autorités maliennes et surtout libyennes. A défaut, ils s’attaqueraient au Consulat de Libye et à tous les projets que ce pays s’apprêterait à financer dans le septentrion.
», écrit Le Républicain du 20 février 2006.

Nord-Mali ou le Far west ?

« Cette affaire Fagaga intervient après d’autres du genre depuis la signature en 1992 du pacte national entre le gouvernement et les Mouvements rebelles.
Cependant, le Nord du pays depuis quelque temps est en passe de se transformer en Far west, où ex-chefs de la rébellion, ex-combattants, sectes religieuses, dissidents de pays limitrophes, se livrent à toutes sortes d’activités répréhensibles.
L’on a encore en mémoire, l’affaire des otages européens kidnappés en Algérie puis détenus dans les montagnes de Kidal. L’année dernière, ce sont deux ressortissants Quatari qui ont été pris en otage, avant d’être libérés, suite à une intervention de l’armée.
Aussi, l’on signale de fréquents braquages, d’enlèvements de véhicules et l’implantation d’un vaste réseau de trafic d’armes, de cigarettes et de drogue, entre notre pays et ceux voisins du Nord.
Ce n’est pas tout. Le Nord est devenu le refuge d’un redoutable chef de bande algérien, Mocktar Ben Mocktar, spécialiste dans le trafic d’armes, de devises et d’autres stupéfiants.
Redouté dans cette partie saharienne du Niger à la Mauritanie et évidemment en Algérie, Ben Mocktar, un véritable dur à cuire, est arrivé à tisser dans notre pays une longue chaîne de complicités au niveau des populations et même des notabilités.
», écrit Le Républicain du 20 février 2006.

Pourquoi l’ex-colonel Fagaga a-t-il déserté ?…

« Dans le Nord du Mali, notamment à Kidal, et plus précisément à Tin-Essako, il y a un malaise entre deux fractions touareg : les Ifogass et les Ifirgoumissan. La rivalité entre celles – ci date de plusieurs décennies. Mais, elle a pris des proportions inquiétantes lors des législatives de 2002, dans la circonscription électorale de Tin-Essako.
Et pour cause : l’ADEMA avait pour candidat Mohamed Ag Intallah, fils du patriarche Ag Intallah évacué récemment à Angers(France) par les autorités de Bamako pour y prendre des soins médicaux. Député sortant du parti de l’abeille, membre influent de la fraction des Ifogass, Mohamed, comme l’appellent les familiers, était opposé à un candidat RPM, cousin du Lieutenant Colonel Hassane Fagaga dont lui-même avait suscité la candidature.
A l’issue du scrutin le porte-étendard du parti de l’abeille a remporté la victoire. Mais la Cour Constitutionnelle a décelé de nombreuses irrégularités et a demandé la reprise de l’élection dans cette localité. Ce qui fut fait et l’ADEMA est sorti encore vainqueur. Depuis la tension est vive entre les Ifogass et les Ifirgoumissan.
Le Lieutenant-Colonel Fagaga, officier supérieur de la Garde nationale, intégré dans l’Armée malienne à la faveur de l’intégration des anciens combattants des Mouvements des Forces Unifiées de l’Azawad s’est senti humilié. La conséquence de ce revers électoral, selon des proches du Lieutenant-Colonel Fagaga, est que celui -ci a été marginalisé au sein de son service et il rend les autorités politiques de Kidal responsables de cette situation.
Mais, en réalité, à en croire des sources bien au fait du dossier, notre bave Lieutenant-Colonel est un illettré à 100%, qui est de peu d’utilité à la hiérarchie militaire. Son galon de Lieutenant-Colonel n’étant, nous l’avons vu, que purement politique. Ce qui peut expliquer la «marginalisation» dont-il se plaint.
Par ailleurs, il semble que le Lieutenant-Colonel Fagaga ait demandé la création d’une nouvelle commune dénommée «Imboulale» en faveur de sa fraction. Une façon de réparer la perte de Tin Essako tombée dans l’escarcelle de la fraction rivale, les Ifogasse. A chaque fraction sa commune, en somme.
Cette dernière revendication n’aboutira pas non plus. A cause, dit-on officiellement, d’un manque de soutien politique et en raison de considérations d’ordre technique.
Dépité, Fagaga a déserté les rangs de la Garde nationale depuis environ 18 mois et s’est installé dans son Tin-Essako natal, sans fanfare ni trompette.
Ainsi, l’Etat Major des Armées n’a trouvé rien de mieux que de couper son salaire. L’intéressé n’a jamais protesté contre cette mesure comme s’il s’y était résigné. Et voilà qu’il y a deux semaines, la Libye a ouvert un consulat à Kidal afin, dit-on, de favoriser le développement des régions Nord du Mali.
Le Consul ayant pris des contacts avec la famille du patriarche Intallah(les ifogass) qui, rappelons-le assume la chefferie traditionnelle et exerce le pouvoir local pour avoir gagné les législatives, la jalousie de la fraction rivale (les Ifirgoumissan) s’est manifestée en ces termes : tous les projets de développement que la Libye va financer dans la région seront pris en otage par les Ifogass.
Cependant, l’Administration locale a signifié à ceux qui croient à cette thèse que le Consulat ne travaillera pas avec des fractions mais avec l’Etat et les représentants des collectivités en toute neutralité.
C’est cette rivalité entre fractions adverses que la région de Kidal connaît actuellement. Les notabilités et les religieux sont en train de réconcilier les frères d’une même ethnie mais, encore une fois, de fractions différentes. C’est donc une affaire familiale. Ce n’est point une quelconque rébellion. L’Etat n’est point concerné de façon directe.
Il n’y a eu aucune violence, aucun mort, aucune attaque d’un symbole de la République. Il n’existe pas non plus un corps organisé et armé qui s’apprête à prendre le maquis dans le Mali démocratique, havre de paix et de solidarité. Il est vrai que certains pays voisins sont jaloux de la stabilité de notre pays et ne sont pas contents de l’ouverture d’un Consulat libyen à Kidal.
C’est d’ailleurs la raison principale qui a poussé notre voisin algérien à couper les vivres aux populations de Kidal. Celles-ci se ravitaillaient en denrées de première nécessité dans ce pays-là, situé à quelques encablures. S’il y a donc un problème qui doit interpeller les autorités de Bamako, c’est bien celui du ravitaillement de ces populations. Et rien d’autre.
», écrit L’Indépendant du 21 février 2006.

Les autorités maliennes préfèrent la négociation à une intervention militaire …

« La menace d’un affrontement entre l’armée et les bandits était réelle jusqu’en fin de semaine dernière. Le chef d’Etat-major général des armées, le Général Seydou Traoré, accompagné de plusieurs chefs militaires, est allé à Kidal pour mesurer l’ampleur de la situation.
Au même moment, les autorités, de concert avec certaines notabilités des régions du Nord, tentaient de minimiser la situation. Ainsi, selon plusieurs sources, des négociations ont déjà débuté pour faire revenir le colonel Fagaga et ses hommes à de meilleurs sentiments.
En clair, certaines notabilités de Kidal espèrent ramener la meute de bandits à la raison et éviter ainsi toute effusion de sang. Et tout porte à croire que les autorités ont, de leur côté, emprunté une dynamique de négociation.
En effet, selon nos sources, une notabilité de Kidal, Intallah (il est régulièrement sollicité dans ce genre de situation) a tenté en fin de semaine dernière d’entrer en contact avec la bande à Fagaga.
Pour l’instant, le seul acquis à mettre au compte de Intallah est qu’il aurait réussi à faire ramener à Kidal un des enfants qui était parti avec le groupe armé. Outre le fils d’Intallah, d’autres membres du groupe, sentant les risques de l’aventure, auraient déjà déposé les armes et regagné Kidal.
En plus d’Intallah, d’autres médiateurs sont sur le terrain, apprend-on de bonnes sources. Il s’agit, entre autres, de Ag Chérif, Conseiller à la Présidence de la République et de Iyad Ag Ghaly qui est à l’origine de la rébellion déclenchée au Nord dans les années 1990. Aujourd’hui, on le soupçonne d’avoir sa propre « armée » et son nom revient sans cesse dans beaucoup d’affaires obscures.
Ce sont donc ces médiateurs (dont de forts soupçons pèsent sur certains) qui tentent actuellement de ramener les bandits à Kidal.
», écrit Le Républicain du 20 février 2006.

La voie de la négociation suscite quelques mécontentements…

« A Bamako, cette voie (celle de la négociation) n’est pas bien accueillie par certains milieux militaires. En effet, ces milieux penchent plutôt vers une solution militaire pour régler cette affaire. Et pour cause. Deux raisons l’expliquent.
Premièrement : pour certains le colonel Hassane Fagaga n’est pas à son premier coup. Récidiviste notoire, aventurier de première classe, il s’était déjà signalé en 1997 dans une sanglante prise d’otages à Kidal. A l’époque, il aurait mérité le peloton d’exécution. Au lieu de cela, il aurait amassé une fortune qui en réalité n’était qu’une rançon offerte (par les autorités du pays) à lui et son complice de l’époque, Ibrahim Bahanga. Cet argent fini, le colonel Fagaga remet ça, en espérant obtenir encore de l’Etat une nouvelle manne financière. En réalité, ce terroriste continuera à faire pression sur l’Etat à chaque fois que besoin sera: se faire la poche, estiment certains visiblement dépités.
Deuxièmement, le passé du déserteur ne plaide ni en sa propre faveur ni en faveur des autorités qui donnent l’impression de cautionner ses agissements. Déserteur des rangs de l’armée, le colonel Fagaga, en tant que Malien, devrait être soumis aux lois de la République et à la réglementation militaire relative aux désertions. Rien n’y fit. Le déserteur se la coulait douce à Kidal. Pis, il se livrait à des actes répréhensibles jusqu’au au 11 février dernier. Où est donc l’autorité de l’Etat.
En empruntant la voie de la négociation, l’Etat malien donne l’impression de se soumettre aux diktats des bandits qui sont entrés ouvertement en rébellion contre son autorité. De tels actes sont condamnés ailleurs, pourquoi pas au Nord ? Voilà une question qui revient sur les lèvres.
Au moment où nous bouclions cette édition, hier soir, nous avons appris que l’ensemble des chefs de fractions se sont réunis ce week-end à Kidal.
A l’unanimité, ils ont condamné l’action de l’ex-colonel et se sont désolidarisés du groupe qu’il conduit.
», écrit Le Républicain du 20 février 2006.

Il n’y a pas de rébellion au Mali …

« Il n’y a pas rébellion au Mali. Une rébellion suppose et implique une insurrection armée contre l’ordre établi ou tout au moins, un début d’insurrection. Il n’y a rien de tel dans le Nord Mali. Aucune action, si petite soit-elle, n’a été entreprise contre la sécurité publique. Ni même contre la vie ou les biens de qui que ce soit. Il y a tout simplement qu’un ex-officier de la Garde Nationale, le Lieutenant-Colonel Hassan Fagaga, qui ne doit d’ailleurs son galon qu’à la vague d’intégration dont ont bénéficié les ex-combattants touaregs à la fin de l’irrédentisme des années 90, a déserté l’armée depuis 18 mois. Et, à la faveur de l’ouverture d’un consulat libyen à Kidal, il est sorti de sa semi clandestinité pour manifester son mécontentement devant ce qu’il considère comme les faveurs de l’Administration à la fraction des Ifogass, présentée comme rivale à sa propre fraction, celle des Ifirgoumissan. Il s’agit donc, au pire, d’une querelle interethnique qui, si elle requiert l’arbitrage de l’Etat à certains égards, n’autorise pas, loin s’en faut, l’utilisation du mot «rébellion». Celui-ci paraît, en la matière, inadéquat et hors de proportion.», écrit L’Indépendant du 21 février 2006.

L’état malien fortement interpellé face à cette situation …

« C’est dire qu’au-delà de la révolte de Hassane Fagaga, l’Etat est fortement interpellé pour éviter que cette partie du territoire national ne sombre dans la terreur.
Car tous les ingrédients semblent réunis pour faire du septentrion malien un territoire à la solde de bandits et autres terroristes de la sous-région.
», écrit Le Républicain du 20 février 2006.