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Du fait que les textes législatifs maliens n’adoptaient aucune position déterminante régissant le mariage religieux, le phénomène (d’emprunt de la femme) s’est installé progressivement dans notre pays.

Ce que nous, universitaires maliens déplorons, c’est le fait que dans tous les pays du monde, tout projet sérieux du développement passe par l’université avant d’être concrétisé par les pouvoirs publics, ce qui n’est pas le cas chez nous.

Très récemment l’Assemblée nationale de notre pays semble avoir accepté l’idée, qui consiste à autoriser dans certaines mesures et sous certaines conditions, certains représentants religieux (IMAMS) à célébrer le mariage moyennant la rédaction d’un acte écrit; ce phénomène est nouveau dans notre droit, il est par contre ancien dans le monde arabo-musulman, il est appelé (Acte Addouleur). Les (Addouls) au Maroc, en Tunisie comme en Algérie sont des représentants religieux, disposant des bureaux comme les notaires, ou avocats chez nous, et autorisés par l’Etat à rédiger conformément au Coran l’acte du mariage et à l’enregistrer auprès du tribunal judiciaire en vue de leur délivrance aux deux époux, ce qui laisse entendre qu’au Maroc comme en Tunisie ou en Algérie le mariage est civil et religieux, mais il faut tout de même signaler qu’une procédure particulière combine les deux sphères de compétence.

Dans notre pays, la dure réalité est que le mariage religieux n’est pas valable juridiquement. En cas de litige le juge matrimonial ne dispose d’aucune preuve matérielle pour statuer.

Si la loi N°62-17-AN-RM- du 3 février 1962 portant code du mariage et de la tutelle dispose dans son article 1er que : « Le mariage est un acte laïc » elle ne définit pas assez le mariage.

Ce qui constitue une lacune dans notre législation; les représentants religieux ne sont pas non plus mentionnés par celle-ci; peut-être faut il comprendre le législateur de cette époque, dans un contexte purement colonial et historique du fait que notre pays ne disposant que de duplicata du code de mariage français, n’avait d’autre choix que de l’adopter alors que les réalités sont fort divergentes. Pour apporter une solution à ce problème, il sera intéressant de définir le mariage.

En fait le juriste du droit civil perçoit le mariage, comme contrat. Un acte consensuel qui lie une femme et un homme en vue d’échanger les intérêts, moraux, matériels, et physiques, et pour assurer la procréation.

Un tel acte juridique nécessite l’implication d’autorités compétentes. On sait que tout contrat est conditionné par le principe d’autonomie de la volonté des co-contractants, sans laquelle autonomie de volonté le contrat n’est pas valable.

Ce fait n’est pas toujours accepté dans le milieu traditionnel, d’où il n’y a de volonté que celle de : l’IMAM, du chef de la famille, ou de la famille tout court.

Dans cette situation, on peut conclure que l’Assemblée nationale met en danger le principe d’autonomie de la volonté en matière contractuelle en autorisant certains représentants religieux à célébrer le mariage par écrit à moins qu’une réflexion ne soit portée sur la question en vue d’harmonisation du droit musulman et du droit civil dans notre pays.

Youssouf Zégué COULIBALY
Professeur de droit public à la FSJE-Bamako

24 août 2005