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“Oui aux résolutions du forum, mais pas avec l’actuel ministre  »

Avant même l’ouverture du forum sur l’éducation, le président des travaux du collectif des syndicats de l’éducation élève le ton. Pour Abdoul Mallé, leur ministre de tutelle n’inspire pas confiance pour l’application des résolutions du forum.

Le Républicain : M. Mallé, pouvez-vous nous évoquer brièvement les points saillants des propositions sur lesquelles le collectif des syndicats de l’éducation s’est entendu comme étant leur contribution au forum national sur l’éducation qui s’ouvre aujourd’hui ?

Abdou Mallé : Le collectif des syndicats a effectivement tenu une conférence de presse avant-hier. Les points saillants de son dossier appelé contribution sont les suivants : les problèmes institutionnels, les problèmes pédagogiques, les conditions de vie et de travail, les problèmes structurels et organisationnels, la mentalité de la société, les problèmes disciplinaires et sécuritaires.

Nous nous sommes étalés sur ces problèmes et l’on a apporté des propositions de solutions. Essentiellement, s’il faut faire une priorité parmi ces points, parce qu’il faut faire une synthèse, nous allons prendre les conditions de vie et de travail des enseignants. Tout le monde sait que les enseignants du Mali sont les sous-payés de la sous-région, pourquoi pas du monde même. Nous sommes soumis à une exploitation de l’homme par l’homme. Ça veut dire quoi, les enseignants par le gouvernement. Il est temps que l’on règle tous ces différends. C’est ce qui fait toujours l’objet de grève. Essentiellement, il y a les conditions de logement.

Les enseignants ne sont pas logés. Le Snesup avait engagé un combat. On a eu quelque chose. Mais par rapport même à la sous-région, c’est insignifiant. Au moment où au Sénégal, on n’a pas moins de 150 000 F Cfa pour l’indemnité de logement, au Mali c’est suite à une grève très dure, qu’on a pu décrocher 50 000 F Cfa, qui n’est même pas dénommé indemnité de logement mais prime de fonction spéciale. Pour les autres ordres d’enseignement, ils n’en ont pas. Nous pensons qu’il est utile de donner une indemnité adéquate de logement à tous les enseignants du système éducatif malien. Ce qu’il faut ajouter c’est le salaire. On a un salaire très très bas. Donc il faut rehausser le niveau de salaire considérablement. L’indemnité de logement fera partie de cette composante.

Pour les conditions de travail, il faut des salles de professeurs bien équipés où il y a des tables, où il y a des ordinateurs. Au-delà, il faut un bureau à chaque enseignant, quel qu’en soit le niveau. Qu’on nous regroupe ou pas, il faut un bureau pour chaque enseignant, surtout du supérieur parce qu’ils sont astreints à faire de la recherche.

Il faut la sécurité. Ce que nous déplorons, c’est que les enseignants, surtout cette année, ont été matraqués, avec la complicité de la société civile, du préscolaire jusqu’au supérieur. Donc, il faut mettre fin urgemment à ça. Il faut que nous soyons sûrs que nous sommes en sécurité. Quand tu n’es pas en sécurité comment peux-tu travailler ? A tous les niveaux, ça c’est élémentaire.

Les effectifs pléthoriques aussi ne favorisent pas un enseignement de qualité. Il faut gérer ça. Et ça n’est même pas à la faveur des élèves et étudiants. Ces points peuvent être insérés dans un statut autonome motivant pour chaque ordre d’enseignement.

La mentalité de la société sur l’enseignant a changé considérablement et négativement. Surtout avec l’avènement démocratique, l’enseignant est devenu la risée de la nation. Nous sommes soumis à toutes sortes d’anecdotes, de sketches. C’est le véhicule de l’image négative sur l’enseignant. Le détenteur du savoir doit être respecté. Quand on prend l’exemple sur le marabout, la société sait ce que veut dire un marabout. Nous, nous sommes aussi certainement marabouts dans notre domaine. Pourquoi on ne nous respecte pas ? Parce que certes, le châtiment corporel n’existe nulle part. Ni à la maison, ni à l’école.

Les règlements intérieurs ne sont pas appliqués. C’est ce qui fait que nous sommes en insécurité totale. L’aspect pédagogique est aussi très important. Le politique s’est substitué au pédagogue, aux techniciens en ce qui concerne le passage au niveau du CEP, au niveau du DEF, au niveau du baccalauréat et même au niveau de l’enseignement supérieur. Au niveau de l’enseignement supérieur, le ministre l’a tenté. On ne lui a pas donné le temps. Le Snesup s’est opposé quel qu’en soit le prix parce que ce n’est pas normal que le gouvernement se fasse un jury politique. Pour la délibération des examens, il doit y avoir un jury pédagogique souverain. Le jury peut faire le repêchage. Mais c’est discret aussi. Ce n’est pas au gouvernement de se substituer au jury d’examen. L’école doit revenir à l’école.

Sur le plan institutionnel, il doit y avoir une gestion autonome des structures de l’enseignement supérieur. Aussi, nous avons demandé d’opérationnaliser des cadres organiques à d’autres niveau : le CNOU, les CAP, les Académies.


Au cours de ce forum, qu’attendez-vous des autres partenaires de l’école ?

Nous estimons que nous sommes victimes du système. Les autres partenaires ont démissionné pour verser la poubelle sur les enseignants. L’anathème est porté par les enseignants. Le gouvernement, avant tout, doit pouvoir mettre en œuvre les conclusions de ce forum. Ça, c’est le rôle du gouvernement, mettre en œuvre les conclusions du forum.

Maintenant, les autres partenaires, comme la société civile, je pense qu’eux ils devaient être un maillon neutre qui pouvait intervenir entre le gouvernement et les syndicats. Mais malheureusement, ils ont chaque fois tendance à aider le gouvernement contre les syndicats. Même les élèves et étudiants qui sont leurs enfants, ils ne les accusent pas forcément. Là, il y a problème. Les élèves, je crois qu’ils doivent aller à une certaine maturité pour se dire que la violence ne paye pas. Ce qui paye, c’est la valeur intrinsèque de l’individu, la tête, le cerveau. Qu’ils se soumettent aux règles de l’apprentissage. Ils doivent du respect aux maîtres, aux professeurs. Qu’ils se limitent à leur place, c’est apprendre. Si ce forum pourra sensibiliser les autres partenaires et davantage nous encourager, je pense que ce sera une bonne chose.

Un forum national suffit-il pour régler tous les problèmes de l’école malienne ?

Je pense que le forum devrait compléter. Tous les problèmes sont connus. Il y a eu tellement de fora. Même en 2005, il y a eu l’accord de partenariat pour une école apaisée et performante. On a recensé tous les problèmes. Mais comme quelque part la répétition est pédagogique, oui le forum peut nous aider à accorder nos violons. Et si cela permettra de trouver des solutions à tous les problèmes, nous pensons que c’est bon. Mais le paramètre qu’il faut cerner, c’est qu’au sortir du forum, les conclusions doivent être appliquées par quelqu’un. Est-ce que c’est ce département pourri qui va appliquer les conclusions de ce forum ?

Mais ce n’est pas évident. Donc, il faut de nouvelles figures pour gérer les conclusions du forum. Nous avons besoin d’un changement et c’est à tous les niveaux. On change la nature même de la chose. La forme aussi. Les gens qui sont-là ont atteint leur limite. Voilà pourquoi on part à un forum. La preuve, c’est quoi, tous les syndicats ont dit niet à ce ministre (NDLR : ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique). On n’a pas besoin d’un homme qui n’aime pas le dialogue. On n’a pas besoin d’un homme qui distrait à la tête de l’éducation.

Nous, on ne boycottera pas le forum. C’est une rencontre nationale. Même s’il faut aller prendre un café ensemble, nous serons présents. Pour le reste, la lutte continuera. Lui, il ne peut pas nous distraire. Je pense que le forum peut contribuer à accélérer les résolutions des problèmes posés au niveau de l’école.

Propos recueillis par Seydou Coulibaly

30 Octobre 2008