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Intérêt des Pays-Bas pour Djenné

L’intérêt des Pays-Bas pour Djenné date depuis 1958, lorsque l’architecte hollandais Herman Haan, pour la première fois, visita la ville. Frappé par l’architecture typique de Djenné, de retour aux Pays-Bas, Haan enthousiasma d’autres jeunes architectes et artistes tels que Aldo van Eijk, Gerrit Rietveld et Bert Schierbeek, qui à leur tour visitèrent la ville.

Les louanges s’accumulant, un intérêt scientifique de plusieurs universités suivit ce premier mouvement, notamment les facultés d’Anthropologie et Archéologie des universités d’Utrecht et de Leide, qui envoyèrent des dizaines de professeurs et d’étudiants dans la région.

Au début des années 1990, suite à un constat d’une mission anthropologique, qui disait que si rien n’était fait, la ville de Djenné risquait de perdre la majorité de ses bâtiments caractéristiques; déclenchant ainsi l’appui du gouvernement Néerlandais.

En 1996, le ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas s’est engagé dans le projet de restauration et de conservation de l’architecture de Djenné, avec un projet d’environ 380,5 millions F.cfa, permettant la restauration d’un certain nombre de maisons de Djenné.

Projet réussi

<font size=Rogier Bedaux, Ruth Emmerink de l’ambassade des Pays-Bas au Mali, et l’architecte Pierre Maasf » title= »Rogier Bedaux, Ruth Emmerink de l’ambassade des Pays-Bas au Mali, et l’architecte Pierre Maasf » class= »caption » align= »center » />

Le 15 janvier 2004, lors de la clôture officielle du projet, Rogier Bedaux a jugé le projet satisfaisant : « Dans l’ensemble, je pense que ceci a été un projet exemplaire. Bien sûr que l’on peut critiquer certains aspects ou que l’on peut constater qu’on aurait mieux pu faire ci ou ça. Mais il faut tenir compte des réalités sur le terrain, des difficultés administratives, des problèmes de communication que l’on rencontre dans des projets d’une envergure pareille. Compte tenu des circonstances, je crois que la balance est positive. Avec plus de cent maisons restaurées je pense que nous pouvons être fiers quand même. De plus, tout le long du projet, l’économie locale a reçu une injection financière, grâce aux emplois créés pour plus ou moins 500 personnes. Un autre aspect fort à mon avis, était qu’en grande partie, le projet a été réalisé et géré localement, c’est-à-dire, par les gens d’ici, permettant ainsi d’investir un maximum des fonds, dans des travaux réels. Mon collègue Pierre Maas et moi-même, avons surtout contribuer à distance, car par an, nous avons passé au plus, deux semaines à Djenné. »

Formation des maçons locaux

Un élément essentiel du projet a été la formation des maçons locaux. Pour Bedaux, ceci reste une condition primordiale pour la préservation durable du patrimoine: « Si on parle de préservation du patrimoine, cela ne suffit pas de remettre en état ou de rebâtir quelques jolies façades.Forcément, Il faut essayer de retrouver et de pérenniser les connaissances traditionnelles en maçonnerie, et en même temps, renforcer les capacités « modernes » des maçons.

La confrérie des maçons de Djenné, « Barey-ton », possédait des très bons maçons en ce qui concerne le travail avec la terre. Mais, ils n’avaient aucune notion des règles officielles de la restauration. Règles, auxquelles il faut se tenir, si l’on veut continuer d’être reconnu par des institutions, telles, l’Unesco.
Au début du projet, nous les avons donc formés sur des aspects, tels que, comment documenter une restauration, comment faire un devis réaliste, comment restaurer sans embellir etc.

Et comme ici, les maçonssont liés directement à différentes familles de maisons différentes, nous avons dû former un grand nombre de personnes. Nous n’avons peut-être pas réussi à les former tous, mais l’on peut présumer qu’actuellement à Djenné, il y a une base de connaissances suffisantes pour l’entretien des maisons restaurées ainsi que la restauration d’autres parcelles.  »

Risque de « momification » culturelle et sociale pour la ville de Djenné, classée comme Patrimoine mondial par l’Unesco…

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Le classement de la ville de Djenné comme Patrimoine Mondial en 1988 par l’Unesco, témoigne de la reconnaissance de l’intérêt de l’architecture soudanaise de Djenné. Cependant, ceci ne représente pas forcément un bienfait pour les habitants de la ville.

Le fait de déclarer monument une ville entière a des lourdes conséquences pour ce que l’on peut encore y faire, et peut entraîner un risque de « momification » culturelle et sociale.

L’association « Djenné Patrimoine » rassemble un nombre de représentants des habitants de la ville et essaye de combiner les demandes ressortant du classement avec celles des habitants.

En juin 1999, dans un débat sur la radio locale Jamana, Monsieur Amadou Tahouri Bah de « Djenné Patrimoine » exprimait déjà ce dilemme: « Le classement de toute la ville est une erreur, parce que Djenné est une ville vivante, ce n’est pas un monument qu’on peut classer comme un objet dans un musée ; la vie change à Djenné, avec l’électrification, avec l’adduction d’eau, il faut en tenir compte, nous ne sommes pas architectes mais nous savons que l’habitat doit évoluer. Dans le temps, une petite maison à Djenné pouvait contenir toute une famille, 15 à 20 personnes, mais aujourd’hui on ne veut plus vivre ainsi, les gens veulent un grand salon pour mettre leurs armoires, des chambres où l’on puisse installer un grand lit, là où auparavant on se contentait d’une petite natte, etc. Nous pensons qu’avec un peu de volonté, il est possible de trouver des solutions à ces exigences des familles sans perdre le style de Djenné. Et il ne faut pas trop se soumettre aux exigences de ceux qui viennent en disant qu’ils veulent nous aider. »

Selon Bedaux: « Je ne crois pas que nous ayons trop poussé notre agenda. En ce qui concerne l’architecture, le choix des maisons a été fait sur base d’arguments historiques. Un certain nombre de conditions étaient posés aux propriétaires des maisons et Ils avaient la possibilité de choisir. S’ils refusaient de laisser restaurer leur maison sous ces conditions imposées, nous passions à un autre propriétaire sur la liste. Cependant, la question est pertinente: comment conserver l’apparence, le caractère, l’atmosphère d’une ville sans figer son développement naturel?
Ce n’est pas à moi de répondre à cette question, c’est aux habitants et aux autorités locales de trouver bon équilibre.
 »

Taxes touristiques

Qu’adviendra-t-il des maisons restaurées, maintenant que le financement néerlandais a touché à sa fin ?
Bedaux: « En effet, environ tous les deux ans, il faudra crépir l’extérieur des maisons restaurées, si on veut les préserver à la longue. Pour cela, le ministère de la Culture décaisse une somme annuelle de 10 millions de francs CFA. Mais il faudra que la commune contribue également, en utilisant peut-être la taxe touristique à cette fin.
Dans tous les cas, il va sans doute que dans les années à venir, le nombre de touristes ira crescendo, surtout si le problème de l’assainissement de la ville est réglé dans un avenir proche. »

P.S:
Rogier Bedaux et Pierre Maas viennent de publier un livre sur le projet de restauration à Djenné: « L’architecture de Djenné. La pérennité d’un patrimoine mondial  » (Rijksmuseum voor Volkenkunde et Uitgeverij Snoeck, Leiden en Gent, 2003).

28/06/2004

François Laureys
flaureys@iicd.org