Partager

Le Mali s’est doté d’une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme et ne va pas attendre l’action régionale. Notre pays se propose de renforcer ses dispositifs de sécurité mais reste attaché à la tenue du sommet des chefs d’État sahélo-saharien du reste confirmé par la réunion d’Alger du 16 mars 2010.

jpg_ouane-moctar.jpgLe ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Moctar Ouane, a donné un déjeuner de presse le 24 mars 2010 à l’Hôtel Salam pour rendre compte de la participation malienne à la « réunion ministérielle des pays de la région sahélo-saharienne » qui s’est tenue à Alger le 16 mars dernier sur la sécurité.

Cette réunion a regroupé les ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, du Burkina Faso, de la Libye, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.

Le ministre a entretenu les journalistes du but de la rencontre d’Alger, les objectifs que le gouvernement malien s’est fixé en y participant, ainsi que les résultats atteints. L’évaluation de la situation sécuritaire dans la région sahélo-saharienne y a été faite : la persistance de la menace terroriste et ses connexions avec le banditisme transfrontalier, le trafic d’armes, de drogues vers l’Europe et d’êtres humains.

Selon le ministre, la réunion a abordé la question des relations entre le Mali et ses voisins (l’Algérie et la Mauritanie) qui se sont pour le moins refroidies suite à la libération par le Mali de quatre salafistes et du rappel par nos voisins de leurs Ambassades pour consultation.

Le ministre a mis l’accent sur l’opportunité de cette rencontre face à la persistance du terrorisme transfrontalier, des trafics de tous genres. Selon lui, les objectifs du Mali en participant à cette réunion d’Alger ont été largement atteints.

Parce qu’elle n’a pas constitué le lancement d’une nouvelle initiative concurrente de celle du Mali. Mieux, elle a permis d’obtenir l’adhésion des participants à la prochaine réunion de Bamako.

Les paragraphes 11 et 16 du communiqué de la réunion des Ministres des Affaires étrangères des pays de la région sahélo-saharienne sont assez explicites de cette réussite : « 11. Les Ministres ont rappelé la validité et la pertinence des conclusions de la conférence ministérielle préparatoire tenue à Bamako en novembre 2008, et confirmé le format de ce cadre de consultations et de coopération régionale. 16.

Les Ministres ont souligné l’importance de la mise en œuvre des recommandations de la présente réunion, notamment celles relatives à la réunion à Alger, courant avril 2010, des chefs d’État-major et des responsables de la lutte anti-terroriste, ainsi que la tenue, dans les meilleurs délais, à Bamako, de la Conférence des Chefs d’État sur la paix, la sécurité et le développement dans la région sahélo-saharienne ».

Mais il y a deux insuffisances : aucune date n’a été avancée pour la réunion de Bamako qui devrait se tenir « dans les meilleurs délais ». Ensuite le communiqué de la réunion des Ministres des Affaires étrangères des pays de la région sahélo-saharienne, n’engage pas la Mauritanie qui a refusé de le signer.

La Mauritanie explique sa prise de position par deux raisons : elle n’était pas à la conférence ministérielle préparatoire tenue à Bamako en novembre 2008 qui est évoquée dans le paragraphe 11 du communiqué, donc ne se sent pas concernée par cette disposition. La Mauritanie souhaiterait également (hormis la langue de bois) voir le sommet se tenir ailleurs qu’à Bamako. D’où un bâton dans la roue de l’initiative d’ATT, le président malien qui ne cesse de s’accrocher à son sommet.

Le ministre Moctar Ouane a confié aux journalistes que le Mali s’est doté d’une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme et ne va pas attendre l’action régionale. « Conformément à cette nouvelle stratégie, tous les accords bilatéraux pertinents seront révisés avec les pays voisins. Tous les accords seront adaptés au contexte actuel », a déclaré le ministre.

En vue de la mise en œuvre de sa stratégie, le Mali entend renforcer son dispositif de sécurité et va compter d’abord sur ses propres forces. Pour le ministre, le Mali est déjà engagé dans la lutte : « nous agissons sur le terrain, lors des accrochages en juillet 2009 le Mali a perdu une quarantaine d’hommes ».

Le seul enlèvement perpétré en territoire malien est celui de Pierre Camatte, les Autrichiens ont été enlevés en Tunisie et les terroristes sont très mobiles sur le terrain.

A cet effet, le Mali a prôné une action commune et a proposé des patrouilles mixtes, à défaut d’obtenir que chaque État puisse intervenir dans le territoire de l’autre en cas d’enlèvement et de déplacement des ravisseurs d’un État à l’autre. Le Mali veut compter sur ses propres forces tout en restant convaincu que c’est une illusion de croire qu’on peut réussir seul contre Aqmi.

B. Daou

Le Républicain du 25 Mars 2010.

………………

Conférence ministérielle d’alger sur le terrorisme, relations entre le mali, l’algérie et la mauritanie, sommet d’ATT à Bamako… : Les embarras de Moctar Ouane

C’est un Moctar Ouane fort embarrassé qui se trouvait face à une dizaine de responsables de la presse, hier dans un salon de l’Hôtel Salam, pour un déjeuner copieux et d’échanges au cœur desquels il avait placé la conférence ministérielle sur le terrorisme dans la bande sahélo-sahélienne, tenue à Alger le 16 mars dernier.

Mais tant sur ce sujet que ceux incontournables de la mauvaise passe actuelle des relations diplomatiques entre le Mali et ses voisins algérien et mauritanien ou le Sommet d’ATT annoncé depuis trois ans mais sans cesse renvoyé aux calendes grecques, le ministre des Affaires étrangères n’a véritablement pas convaincu un auditoire pétri de scepticisme. Se réfugiant le plus souvent derrière le flou artistique propre aux diplomates professionnels.

Le Mali se devait d’être présent à la conférence ministérielle d’Alger du 16 mars dernier. Un rappel d’ambassadeur n’est pas une rupture des relations diplomatiques.

Pour mémoire, le Mali avait fermé son ambassade à Alger après le coup d’État contre Ben Bellah à qui feu Modibo était très lié. Cela n’a pas empêché le développement ultérieur des relations algéro-maliennes.

En plus, la rencontre d’Alger nous apportait l’opportunité de discuter sur l’état actuel de nos relations avec l’Algérie, de procéder avec l’ensemble des participants à une évaluation de la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne, de clarifier la position du Mali par rapport à cette situation et de participer à la définition des actions à conduire pour faire de cette zone un espace de paix, de sécurité et de développement.

Concernant les résultats proprement dits de la Conférence, Moctar Ouane a retenu comme élément positif pour le Mali la recommandation – figurant en bas de liste – se rapportant à « la tenue, dans les meilleurs délais, à Bamako, de la Conférence des Chefs d’États sur la paix, la sécurité et le développement dans la région sahélo-saharienne ».

Aux journalistes mal-pensants qui voient dans la Conférence d’Alger du 16 mars une manœuvre pour saborder l’initiative malienne, Moctar Ouane rétorque : « Alger n’est pas le début d’un nouveau processus, concurrentiel à celui enclenché par le Mali. C’est, au contraire, une étape supplémentaire pour la matérialisation de celui-ci ».

Scepticisme des journalistes qui relèvent que, pourtant, à y voir de près, les résolutions prises à Alger ressemblent comme des sœurs jumelles à celles adoptées en novembre 2008 par la Conférence ministérielle des Etats de la bande sahélo-saharienne qui s’est tenue à Bamako, en prélude au Sommet qu’on attend toujours. Si donc l’Algérie ne voulait pas porter un coup de Jarnac au Mali, qu’avait-elle à organiser sa propre conférence ministérielle au lieu de s’appliquer à aider son voisin du Sud à réussir son Sommet ?

Encore une mauvaise idée venant d’un journaliste et pas n’importe qui : « Et si l’Algérie était tout simplement à la recherche d’un positionnement géo-stratégique pour faire reconnaître sa diplomatie comme la plus performante de la région sahélo-saharienne et elle-même comme la puissance régionale capable de mettre de l’ordre dans le chaos qui s’installe ? ».

Un ange passe. Mais les journalistes sont vigilants. Et reviennent à l’assaut : Alger a produit un plan d’action aux dires du ministre Ouane. Il a été précédé par d’autres au plan bilatéral (Algérie-Mali) ou trilatéral (Alger-Mali-Mauritanie) qui n’ont rien donné, précisément à cause de « la mauvaise foi » algérienne (la formule existe dans le communiqué final). Pourquoi Moctar Ouane croît-il que les choses seront meilleures après la rencontre du 16 mars ? Encore une réponse évasive.

Mais l’embarras ministériel est encore plus éloquent avec les questions relatives au retour de l’ambassadeur algérien à Bamako, pourtant annoncé par un officiel de haut rang algérien. Avec les mots propres aux diplomates, Moctar Ouane avoue n’en savoir pas plus. « Il appartient au gouvernement algérien d’en décider ».

Quant au gouvernement de Nouakchott, la question ne paraît même pas à l’ordre du jour. Comme, du reste, celle de sa participation au Sommet de Bamako s’il a jamais lieu.

Non seulement Nouakchott ne se reconnaît pas dans les actes pris par la Conférence de Bamako de novembre 2008, mais elle a même tenté de mettre en cause la tenue même du Sommet sécuritaire d’ATT. En proposant que la question donne lieu à un débat.

Heureusement pour Moctar Ouane et notre Général Président national, notre voisine de l’Ouest qui, manifestement, veut faire payer au Mali de ne l’avoir pas invitée à la Conférence de novembre 2008 pour fait de coup d’État militaire contre le premier président mauritanien démocratiquement élu, n’a pas été suivie par les autres participants. Surtout l’Algérie, seul vrai maître du jeu pour ceux qui l’ignorent ou auraient tendance à l’oublier.

S’agissant de la période (ne parlons pas encore de date) à laquelle ce Sommet cher à ATT pourrait enfin se tenir, le nombre de ses participants (manifestement l’Algérie a décidé de le verrouiller à sept, Maroc, Tunisie et « les puissances extra-régionales » exclues) Moctar Ouane n’était en mesure de fournir des informations précises. Il est resté dans le flou artistique.

Nos vœux de succès l’accompagnent néanmoins pour ce grand challenge d’ATT.

Saouti Labass HAIDARA

L’Indépendant du 25 Mars 2010.