Dioncounda (surpris de nous voir) : Mais je ne savais pas qu’on vous avait invité, j’ai vu la liste mais il n’y avait pas le nom du journal Les Echos.
Les Echos : Mais on ne savait pas qu’un journaliste a besoin d’être invité pour suivre les événements importants. Surtout que vous étiez au mieux de votre forme.
Dioncounda : N’exagérons rien. Mopti me semblait être un tournant décisif et je ne voulais pas le rater.
Les Echos : Plus décisif que Nara, votre ville natale et votre base où les militants de votre parti vous ont refusé leur soutien.
Dioncounda : Vous ne comprenez pas. Mopti est la ville natale du président de la République. Concernant Nara, vous savez comme moi que ce sont des ingrats, ils ne m’ont jamais soutenu : en 1992, j’y ai été battu au premier tour lors des législatives ; en 2002, c’est la Cour constitutionnelle qui a exaucé leurs vœux. La seule fois où j’ai été élu si on peut s’exprimer comme cela, c’est en 1997 où j’étais candidat unique à cause du boycott du Coppo. Vous pensez que des gens comme cela méritent que je leur dise le fond de ma pensée. Jamais ! Ici à Mopti au moins, je sais que de Koulouba où il loge, ATT a entendu et saura reconnaître les siens.
Les Echos : Mais en déclarant que ATT est un militant de l’Adéma, vous ne lui rendez pas vraiment service…
Dioncounda : Je n’ai pourtant dit que la vérité. Depuis sa naissance, eh disons depuis qu’on ne l’appelait que « Amadou », il est avec nous. Je pense que cela va clouer le bec à tous ceux qui s’étonnent qu’on propose le président.
Les Echos : Vous ne craignez pas de violer les textes en matière de choix ?
Dioncounda : Mes chers amis, les textes n’ont jamais été respectés chez nous. Depuis le temps d’Alpha. Ce n’est donc pas maintenant qu’on me parlera de textes. Et la seule fois où l’on a souhaité les respecter avec cette histoire de convention, le parti ne s’en est jamais remis. Donc franchement, ne venez pas me parlez de respect des textes.
Les Echos : Sérieusement, dites-nous maintenant ce qui motive votre soutien à ATT ?
Dioncounda : Vous me soulagez en me posant cette très bonne question. Moi, personnellement, je ne travaille pas et je peux vous assurer que la politique ne fait pas vivre un homme qui n’est pas au pouvoir ou qui n’est pas avec le pouvoir. Mes camarades qui s’acharnent ont des postes à défendre soit au gouvernement, soit à l’Assemblée nationale, soit dans la haute administration. Vous pensez sincèrement qu’ils vont lâcher le poisson qu’ils ont dans la main pour un poisson qu’ils auraient sous le pied.
Les Echos : Donc il n’y a plus de conviction, plus de dignité ?
Dioncounda : Cela se voit que vous êtes encore jeune et fougueux. Moi j’ai ma dignité et mes convictions derrière moi et je vous assure qu’elles ne tiennent pas toujours la route. Je présente mes excuses pour tous ceux qui ont cru à certains de mes propos du genre « l’Adéma a son candidat », « on n’a pas créé notre parti pour soutenir quelqu’un d’autre » et patati et patata.
Les Echos : Vous ne craignez pas que vos militants ne suivent pas ?
Dioncounda : ATT et nous, on peut gagner sans les militants. Il y a d’autres militants et d’autres Maliens qui seraient contents de se battre à nos côtés.
Les Echos : Vous n’avez pas peur de mettre le président en campagne électorale très tôt ?
Dioncounda : Lui-même n’en a pas peur, alors pourquoi vous voulez que nous autres on ait peur. Et puis il est en campagne permanente, tout le temps. Je vous assure que notre arrivée va le soulager un peu en ce sens qu’il songera à se reposer. Parce qu’avec nous, il sera sûr de gagner et nous sommes sûrs de revenir au pouvoir après son dernier mandat.
Les Echos : Mais pourquoi lui remettre un pouvoir que vous êtes sûr de gagner ?
Dioncounda : Vous n’avez rien compris. Je me tue à vous dire qu’ATT est un militant de la première heure de l’Adéma, depuis la clandestinité. On ne lui remet pas, il l’a déjà. On veille juste à ce qu’il le garde bien, qu’on soit bien à côté de lui et qu’il nous le remette en 2012. Ce n’est pas compliqué non.
Les Echos : Vous n’avez pas peur que ceux qui ne sont pas d’accord avec vous quittent le parti ou vous combattent ?
Dioncounda : Je peux vous assurer que je n’ai peur de rien du tout. A mon âge, c’est le cadet de mes soucis. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Nous, nous mourrons derrière le président. C’est un choix. Bon, je vous souhaite un bon retour à Bamako. Moi, je me plais bien dans la ville natale de notre président bien-aimé.
Propos presque recueillis par
Ali Kéita
06 octobre 2005.