Partager

Jusqu’à une date récente, personne ou presque ne se doutait de la qualité de l’eau qui s’infiltre à travers les roches au niveau du marché de Médine, de N’gomi et de l’Hippodrome-Extension. La seule incertitude concernait la source.

Mauvaise surprise : depuis plus de trois mois les enquêtes menées par la mairie de la Commune II, des représentants des ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Assainissement, de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, de l’Agriculture et ceux des mairies de la Commune I et III laissent augurer un résultat catastrophique.

Car, il a été établi que l’eau qui s’infiltre entre les parois de roches descendant directement sur le marché de Médine, en traversant N’gomi, Sikoroni et l’Hippodrome-Extension avant de terminer sa course dans le fleuve est celle de la morgue de l’hôpital du Point G et des laboratoires de cet hôpital.

En réalité, il s’agit des eaux qui ont servi à laver les cadavres, les habits… qui, en l’absence d’une fosse commune, sont déversées dans la nature. Le hic aujourd’hui, c’est que cette eau, longtemps considérée de source est encore utilisée par des vendeuses du marché de Médine pour éviscérer les poissons, laver les fruits et légumes (salade, carottes, choux, etc.) ignorant peut-êter toujours que c’est de l’eau impure.

A Sikoroni, N’gomi et l’Hippodrome-Extension, la plupart des résidents se servent de cette eau en provenance de la morgue du Point G. Les témoignages recueillis sur place laissent apparaître qu’au-delà de son utilisation pour les besoins domestiques, des enfants se baignent dans cette eau qui a su se frayer un chemin en traversant les quartiers cités.

Pis, une bonne partie de N’gomi, de Sikoroni et de l’Hippodrome-Extension s’abreuverait à cette source.

Témérité

« J’ai eu à boire cette eau. A tout moment c’est comme de l’eau glacée. Je fais ma lessive et mes ustensiles je les lave avec cette eau. Certaines femmes préparent avec. J’ai beaucoup de doute sur sa qualité, mais puisque acheter l’eau de robinet en raison de 50 F CFA le bidon me revient trop cher je suis obligée de me contenter de ça. Des populations la boivent et font tout avec. Pauvres ou riches, chacun se dirige vers cette eau de la colline », témoigne Mme Sidibé Adama Diallo, habitante de l’Hippodrome-Extension.

Même son de cloche du côté de Mme Dembélé Diatty Diallo : « nous avons des problèmes d’eau. On se lave avec. Et certains étanchent leur soif avec. Sans savoir la provenance exacte, je suis fondée à croire que ce n’est pas de l’eau potable. Mais que faire ? » S’interroge-t-elle.

Dans cette partie de la capitale, la question d’approvisionnement en eau potable se pose avec d’autant plus d’acuité que les femmes commencent la corvée d’eau dès l’aube. Impropre, la grande mobilisation autour des eaux usées de la morgue de l’hôpital du Point G et de ses laboratoires s’expliquerait en grande partie par le fait que les habitants des localités concernées n’ont pas le choix.

« J’ai appris tout récemment que l’eau qui s’infiltre à travers les roches de notre quartier n’est pas bonne ; qu’elle provient de la morgue du Point G. Mais puisque nous n’avons pas le choix, nous sommes obligés de nous contenter de ça », reconnaît Korotoumou Traoré, ménagère à l’Hippodrome-Extension.

Le représentant du chef de village de N’gomi, Bakary Niaré de renchérir que la dite eau est impure à tous égards. « Nous avons constaté que nos enfants qui se baignent dans cette eau sont atteints de maladies dont nous ignorons la nature. Nous ne disposons que de quatre pompes et de peur qu’elles ne tombent en panne, nous avons instruit à tout le quartier de réserver les pompes pour les besoins de l’eau de boisson. Pour le reste, nous nous débrouillons avec l’eau qui descend à partir des roches sachant bien qu’elle n’est pas hygiénique ».

De N’gomi à l’Hippodrome-Extension en passant par Sikoroni, ce sont des centaines de seaux d’eau et de baignoires qui sont alignés par des femmes au flanc de la colline pour recueillir de l’eau.

Mohamed Daou


D’énormes risques sanitaires

Selon Mme Maïga Hamsatou Touré, chargée de la normalisation et de la réglementation à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (Anssa), l’utilisation de l’eau sale comporte d’énormes risques sanitaires. « Avec des agents pathogènes, les eaux souillées sont sources de maladies diarrhéiques, de vomissements, de fièvre typhoïde… ».

Elle affirme que laver des ustensiles avec de l’eau sale est source d’intoxication alimentaire collective. « N’importe quelle eau ne doit pas être utilisée pour la boisson, la lessive, le maraîchage. Il faut de l’eau potable ».

La chargée de la normalisation et de la réglementation, trouve que la javellisation des produits ne met pas à 100 % à l’abri d’autant que certains microbes peuvent y échapper.

Comme dispositions sanitaires, elle privilégie l’approvisionnement en eau potable des populations, la sensibilisation, l’information et l’éducation des uns et des autres sur les méfaits qu’ils peuvent encourir en utilisant de telle eau.

Selon certaines de nos informations, le dossier serait sur la table du ministre de la Santé qui aurait promis de saisir le président de la République. Toujours est-il que pour la sécurité des consommateurs, il urge de trouver une solution à cette équation à plusieurs inconnus.

M. D.

15 mai 2006.