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Dialogue national -révision constitutionnelle: Mme Sy Kadiatou Sow, Modibo Sidibé et Bakary Doumbia s’expriment à L’Aube

Après la conférence-débat organisé par la plateforme « Awn Ko Mali », Mme Sy Kadiatou Sow, président du bureau provisoire de la plateforme « Awn Ko Mali », Modibo Sidibé, président des FARES et Bakary Doumbia, président du forum des organisations de la société civile (FOSC) se sont confiés à L’Aube. Ils s’expriment sur des sujets brûlants de l’heure : le dialogue national, le projet de révision constitutionnelle et la situation sécuritaire, économique et sociale actuelle au Mali.

Mme Sy Kadiatou Sow, président de la plateforme « Awn Ko Mali »

« Le dialogue doit être un préalable à toute réforme… »

« Nous sommes en train de tenir cette conférence-débat aujourd’hui (samedi dernier) afin de dégager notre position sur un sujet d’actualité, qui intéresse l’ensemble du peuple malien, c’est le dialogue national inclusif. À notre avis, le processus enclenché par le gouvernement est loin d’être inclusif pour le moment. Et il est clair qu’on a mis la charrue avant le bœuf ! Or, il est important pour le Mali et l’ensemble de tous les fils de ce pays que ce processus soit inclusif. Et il apparaît impératif que les maliens aient confiance en ce processus. Et éventuellement en l’absence de la confiance et de l’adhésion des maliens, on risque de rater le dialogue. Pour notre part, nous sommes favorable à un dialogue national inclusif qui prenne en charge toutes les préoccupations des maliens. Nous sommes aussi favorables à un dialogue qui concerne l’ensemble des acteurs de ce pays. Et il faut que les résolutions de ces assises soient obligatoires pour tout le monde, en particulier pour le gouvernement qui est chargé de le mettre en œuvre.

En outre, j’estime que le dialogue national doit être un préalable à toute réforme. Et il revient surtout aux participants de décider s’ils veulent « oui ou non » qu’on aille à une révision de la Constitution de 92. Et s’ils veulent cette révision de la loi fondamentale, qu’ils décident également de l’ensemble des réformes. Et il est important de le souligner, il ne suffit pas de dire simplement qu’on va réviser la Constitution. Quel est l’objectif recherche ? Qu’est-ce qu’on veut mettre dans la nouvelle Constitution ? Ce sont là deux questions essentielles à discuter.

Ce n’est nullement un secret, leur objectif à eux (le chef de l’Etat et son gouvernement) : C’est d’appliquer l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, en mettant dans la Constitution certaines dispositions de ce document. Et là, notre position est clair, nous ne serons pas d’accord ! Et nous estimons que c’est une manière voilée de consacrer la partition du Mali. Et d’autres maliens, notamment ceux appartenant aux mouvements armés disent déjà qu’il est hors de question qu’on touche à l’accord. Ils sont largement minoritaires face à la grande majorité de ces maliens qui ne veulent pas non plus qu’on touche à leur Constitution dans le seul but de satisfaire les exigences de la rébellion. Si on continue comme ça, chaque rébellion qui va se déclencher va obliger le gouvernement (avec l’appui de la communauté internationale) à signer des accords pour obliger les maliens (encore) à changer les textes du pays.

Si ces assises (dialogue national) décident qu’il faut effectivement réviser la Constitution, nous ne voyons pas d’inconvenant. Mais, il est prématuré de commencer une campagne dans le sens de dire aux maliens qu’ « on va réviser la Constitution ; On va faire la mise en œuvre de l’accord etc. ».

Pendant ce temps, la situation économique, sociale et sécuritaire du pays est catastrophique ! Tout le monde le sait, le monde le vit. L’économie locale est par terre surtout dans les zones qui sont en proie à l’insécurité. Il n’y a plus d’activité, les jeunes sont obligés de partir, certains répondent aux appels émanant de groupes terroristes-djihadistes. Ceux qui se livrent aux trafics de drogues, d’armes, de personnes humaines… recrutent ces jeunes qui sont totalement désœuvrés et ne savent plus où donner de la tête. Soit ils quittent leurs localités pour aller chercher ailleurs ou ils acceptent de suivre ces gens-là. Et cela ne fait qu’alimenter le grand banditisme, le terrorisme… ».

Modibo Sidibé, Président des FARES

«La révision constitutionnelle n’est pas l’urgence… »

« Il y a urgence que le peuple malien puisse se réunir dans la sérénité, pour parler et se parler, en toute responsabilité, de la base au sommet. Que tous, gouvernants, partis politiques, organisations de la société civile, citoyens maliens de l’intérieur du pays comme de la diaspora, ayons une conscience claire de l’urgence à mettre en œuvre les décisions courageuses et patriotiques devant permettre aux filles et fils du Mali de conjuguer ensemble leurs intelligences et leurs efforts pour sortir le pays de la trappe dans laquelle il est tombé. La crise politique au Mali cache une crise économique et sociale. J’invité l’Etat à s’accorder du temps pour organiser un dialogue national refondateur qui doit comprendre trois niveaux (communal, régional et national).

La révision constitutionnelle n’est pas l’urgence absolue. La question est que nous n’avons jamais entendu aucune autorité gouvernementale expliquée aux Maliens, quelles sont les clauses de l’accord qui auraient valeurs constitutionnelles ou relèveraient de la matière constitutionnelle. Il est clair que la démarche est fondamentalement politique et que c’est une vision politique qui doit, d’abord et avant tout, porter cette réforme nonobstant la grande qualité des experts retenus. Il n’a échappé à personne que la grave crise que le pays connaît depuis quelques années, exige de grandes réformes politiques, institutionnelles, économiques, culturelles ».

Bakary Doumbia, président du forum des organisations de la société civile (FOSC)

« Le dialogue national ne sera qu’un exercice de défoulement, si… »

« Notre position sur le dialogue national est clair ! Nous voulons un dialogue ouvert à toutes les couches de la société. Que le processus soit ascendant, participatif, de la base au sommet, du local au national. Le dialogue national doit être ouvert à l’ensemble des forces vives de la nation comprenant des organisations autres que les faitières d’associations, ainsi que la diaspora, et qu’il soit surtout indépendant. Il doit être dirigé par une personnalité libre de toute influence. Que les thématiques du dialogue soient définit de manière consensuelle, beaucoup plus larges que ce qui se dessine par le gouvernement.

On ne saurait parler de dialogue national inclusif lorsque le gouvernement et le chef de l’Etat décident de manière unilatérale de son format et de son contenu, ainsi que des personnalités devant le conduire. Le dialogue national inclusif ne serait qu’un exercice de défoulement collectif, si le sort des résolutions qui en résultent était lié à la bonne volonté du Chef de l’Etat et son gouvernement. Nous devons nous mobiliser pour éteindre le feu, pour restituer la cohésion de notre pays. Les résultats de ce dialogue doivent être contraignants pour le gouvernement.

Le referendum constitutionnel n’est pas un sujet tabou pour nous. Mais, il doit être abordé lors du dialogue national de manière inclusive avec l’assentiment de tous.

La situation économique est sans précèdent. Il y a des familles qui ne font plus qu’un repas par jour. Pendant ce temps, il y a qui font six. Le problème du pays est un problème de mauvaise gouvernance, de mauvaise gestion de corruption endémique et à cela il faut mettre fin ».

Propos recueillis par

Mohamed Sylla

Mémé Sanogo

L’Aube du 29 Juillet 2019