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Le Mali, jusqu’à une époque récente, a su garder sa dignité, son honneur, ses us et autres mœurs ancestraux dans le respect et la grandeur. Depuis le coup d’Etat de Mars 1991, nous vivons dans un pays dénaturé avec un tissu social fissuré et fragilisé à telle enseigne qu’on a un passé douteux, un présent impossible et un avenir incertain.

jpg_une-868.jpgNotre pays est, aujourd’hui, en proie à l’instabilité et à l’insécurité en raison d’un système politique malhabile importé et inapproprié à nos valeurs sociétales et qu’on a pris l’habitude d’appeler « démocratie » qui n’est autre que le règne de la médiocrité avec des élections marquées par l’achat de conscience et l’usage massif de l’argent dans le suffrage. Un diagnostic d’une démocratie malienne en panne d’inspiration pourtant citée comme « exemple » en Afrique s’impose donc.

Pour rappel, pour comprendre l’existence de l’actuel Mali, il faut remonter au 16 juin 1895 où une décision du ministère des colonies consacrait la naissance de l’Afrique occidentale française. Appelé Sénégal – Niger, Haut Sénégal – Niger, puis Soudan Français avant l’éphémère Fédération du Mali (4 avril 1959 – 20 août 1960), le Mali accède à l’indépendance le 22 septembre 1960. Des luttes pour l’indépendance et des libertés publiques ont été engagées : des hommes et des femmes, épris de paix et de justice, ont laissé leurs vies dans cette entreprise noble.

L’avènement de la démocratie au Mali

Après le coup d’Etat de Mars 1991, le libertinage, le copinage, le clientélisme, l’inconscience professionnelle, ont pris corps dans l’administration d’Etat. Le détournement des biens publics, le pillage des ressources de l’Etat, le bradage du patrimoine national se sont érigés en système. Toute chose qui déboucha sur l’enrichissement illicite avec l’éclatement des groupes sociaux et associatifs et l’accaparement par un groupe restreint du secteur économique bénéficiant du concours bancaire et des exonérations tous azimuts…Bref, un Etat de non droit s’installa. Les idéaux sur lesquelles s’adossa la démocratie se sont effondrés comme un château de carte.
Cette démocratie à la malienne déboucha sur l’exclusion de la majorité, le trafic de drogue, les enlèvements au nord avec à la clé un pays laissé pour compte et totalement insécurisé. A ce jour, nul ne connaît la destination des rançons non payées. Parler de démocratie équivaut également à parler d’élection. Au Mali, les votes sont tronqués avec des fraudes à tous les niveaux cumulées aux achats de conscience avec l’avènement des cadres inconscients, malhonnêtes, véreux et incompétents. La démocratie malienne marchait sur sa tête, il aurait fallu la remettre sur ses pieds.

Le coup d’Etat du 22 Mars 2012

C’est parce que le détournement de l’argent public, la dépravation des mœurs, le pillage des deniers publics, étaient devenus monnaie courante de la part des hautes autorités. C’est parce que le tissu social était fracturé et que la responsabilité dans les sphères de l’Etat n’était plus liée à la probité morale pour gouverner comme si l’administration était un lieu de partage de gâteau ou de manne financière, l’impôt du contribuable dilapidé. Or, une institution est vouée à l’échec si elle est dirigée par des cadres incompétents et sans moralité. Le cas du Mali est un exemple à satiété. De constat, notre pays, cité comme exemple de démocratie, a éclaté en lambeaux. Depuis le 26 Mars 1991, on a assisté à une bagarre de leadership entre leaders politiques oubliant fondamentalement le pays. C’est ainsi que l’opinion internationale et autres communautés sont devenues les gérants de la vie nationale sans l’avis du peuple malien.

La CEDEAO, un goulot d’étranglement pour le Mali ?

C’est cette frustration de la majorité silencieuse désabusée qui a conduit aux mouvements et manifestations à la violence. Pour nombre de Maliens, il est impensable et inadmissible que le Président de la République soit intronisé à partir de Ouagadougou et Abidjan. C’est une première pour un pays d’honneur et d’orgueil. Au lieu de gérer la crise au nord et juguler les difficultés économiques pour alléger les souffrances de notre peuple, la CEDEAO s’est substituée aux autorités politiques en prenant des mesures impopulaires. Preuve aussi de son immaturité, elle vient de se dédire en déclarant qu’elle ne reconnaît plus le statut d’ancien président à Amadou Haya Sanogo, un statut qu’elle avait elle même négocié. Voilà pourquoi il est opportun qu’on se mette, tous ensemble, pour définir l’avenir de notre pays en vue de régler la crise actuelle. En toute souveraineté.
Cependant, il est à saluer que quelques forces telles que le groupement des commerçants se soit mobilisé pour parer à toute manipulation qui consisterait à bloquer le pays en créant l’instabilité institutionnelle, la pénurie et l’inflation des denrées de première nécessité en vue de faire naître un mécontentement général de la population relais vers les émeutes.

Le groupement, une bouffée d’oxygène

Il faut savoir que le groupement a sensibilisé les opérateurs économiques pour que le commerce et l’industrie fonctionnent normalement, que les stations d’essence fonctionnent correctement en maîtrisant les prix. Le groupement est allé jusqu’à proposer un programme d’activités aux nouvelles autorités pour l’approvisionnement du pays en produits alimentaires et stratégiques. On se rappelle que cette commission était dirigée par un homme et un opérateur en la personne de Malamine Tounkara ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali qui connaît le terrain politique, ses hommes et les moyens qu’ils utilisent. Il faut aussi noter que le Haut Conseil islamique, dirigé par Mahmoud Dicko, s’est aussi fortement impliqué en prenant le risque jusqu’à conduire les vivres dans les villes occupées.
Pour éviter une explosion sociale, il faut se garder de mettre à la tête du pays des irresponsables, toute chose que le groupement et la société civile, selon nos informations, ne sont prêts à accepter.
En définitive, si démocratie veut dire « pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple », l’expérience malienne ne peut faire école car elle a radicalement échoué. Mais si démocratie veut dire « accaparement des biens de l’Etat, impunité, saupoudrage, médiocrité, clientélisme, corruption », le cas malien a de beaux jours devant lui. En somme, une vraie démocratie de façade.

Issiaka Sidibé
Le Matinal du 5 Juillet 2012