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En décidant de rencontrer hier jeudi, pour la première fois, au palais de Koulouba les responsables des institutions de micro finance et les bénéficiaires de leurs services, en présence des banques qui financent le secteur, des partenaires techniques et financiers, et de l’équipe gouvernementale conduite par Ousmane Issoufi Maïga, le président de la République, Amadou Toumani Touré, voulait « marquer sa volonté politique de soutenir et promouvoir mieux et davantage la micro finance et partager avec eux l’exigence d’une dynamique plus soutenue, voire une véritable expansion tant la demande est forte et les potentialités immenses« . Pendant près de trois heures d’horloge, ATT dans un dialogue franc et direct a échangé autour des avantages et contraintes qui entravent la micro finance.

La micro finance est aujourd’hui reconnue comme un vecteur essentiel de lutte contre la pauvreté. Un mérite qui a conduit l’assemblée générale de l’ONU a décrété l’année 2005 comme celle des micro-crédits. Le Mali se positionne comme un pionnier en matière de micro finance, en étant l’un des rares pays en Afrique a avoir adopté en 1998 une stratégie nationale et un plan d’action pour la micro finance. Les acteurs du secteur ont accompagné cette politique du gouvernement par la mise en place d’une association professionnelle en 1999, suivie de la semaine de la micro finance.

Aujourd’hui, il ne souffre d’aucune ambiguïté que la micro finance, malgré ses insuffisances, contribue à la réduction de la pauvreté. A cette date, notre pays compte 45 réseaux d’institutions agréées qui animent le secteur du système financier décentralisé repartis à travers l’ensemble du territoire national avec une forte concentration dans la partie sud du Mali, notamment à Bamako et dans les zones agricoles de Ségou, Sikasso et Koulikoro. A ce niveau on peut surtout se réjouir des multiples expériences dans les zones cotonnières avec le réseau Kafo Jiginew qui a doté les paysans d’une trentaine de tracteurs.

Les bénéficiaires des services de ce réseau s’inquiètent de son avenir avec la privatisation de la CMDT. Il y a aussi les réseaux de la zone rizicole de l’Office du Niger qui permettent aux paysans de se doter à temps des engrais et dans des conditions avantageuses comme là démontré un documentaire réalisé sur le sujet et diffusé à l’ouverture des travaux. Sur les 703 communes que compte le Mali, 683 sont couvertes par le secteur.

Un secteur en proie à des difficultés majeures

Pour leur exercice 2005, ces institutions ont mobilisé plus de 28 milliards de FCFA, prêté sous différentes formes plus de 40 milliards de FCFA. Pour la même année leur contribution à l’économie nationale est estimée à 27 milliards de FCFA en faveur des 700 000 membres dont 37% sont des femmes. En 2004, le secteur employait 3111 agents qui ne prenaient pas en compte les stagiaires et le personnel d’appui.

Avec des chiffres aussi éloquents, il apparaît donc que la micro finance est un instrument de lutte contre la pauvreté pouvant contribuer fortement à la création d’emplois et à l’autopromotion économique et sociale des populations de base. Mais pour le président ATT, « le plus éloquent est l’espoir suscité pour tant de ménages de pouvoir entreprendre et s’épanouir par leurs efforts ».

Ce qui fonde le gouvernement à donner une impulsion nouvelle, vigoureuse aux services financiers de proximité par l’amélioration de la couverture géographique du pays, l’accessibilité grâce à de meilleurs coûts des offres de services, la mise en place d’outils adaptés et l’émergence d’un financement approprié, des petites et moyennes entreprises singulièrement en matière agro-pastorale.

Cependant, le président de l’Association professionnelle des institutions de micro finance (APIM), Ousmane Traoré rappellera que le secteur reste confronté à certaines préoccupations et défis comme la faible capacité financière des SFD, le manque de coordination des interventions des partenaires techniques et financiers, les contraintes liées à l’application de la loi PARMEC, les difficultés administratives et judiciaires, les difficultés de conciliation des objectifs de viabilité financière avec leur mission de lutte contre la pauvreté, la problématique de la sécurisation des fonds, la fragilisation des acquis institutionnels et financiers des réseaux, la problématique de l’assainissement.

Aussi, le secteur fait face au problème de renforcement des capacités, à la faible articulation avec les banques, au faible niveau de mobilisation de l’épargne locale, le manque de ressources à moyen et long termes, le déséquilibre financier à travers les déficits antérieurs cumulés dus à la jeunesse du secteur et au retrait anticipé de certains partenaires.

Au nom des bénéficiaires, Mme Traoré Dicourou Diarra a soulevé les contraintes liées à l’extension des activités aux zones pauvres et à faible potentialité économique, le coût élevé des services financiers offerts, le bénévolat des élus des caisses de base et surtout les aléas climatiques qui empêchent souvent le respect des engagements. C’est pourquoi, en plus de la mise en place d’un fonds de garantie, les bénéficiaires préconisent la conception de produits spécifiques pour un large accès des femmes et des jeunes au financement en vue de leur promotion.

Pour le taux d’intérêt jugé trop élevé mais qui dans la majorité des cas reste au dessous du plafond de 27% fixé par les textes, les professionnels du secteur, le justifient par les difficultés de conciliation entre leur mission sociale et les objectifs de viabilité financière car les contraintes d’extension des activités aux zones pauvres donc reculées engendrent des coûts supplémentaires pour les services des structures financières décentralisées qui doivent faire aussi face aux exigences des banques classiques qui leur prêtent de l’argent.

Les partenaires techniques et financiers qui ont exprimé leur soutien au secteur, pensent que la micro finance ne pourra pleinement jouer son rôle sans son implication dans le processus d’élaboration de la seconde génération du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, le développement du secteur comme partie intégrante du secteur financier et l’incorporation des femmes et des jeunes dans les actions en vue.

Les partenaires ont également suggéré l’implication plus accrue de l’Etat par l’amélioration du cadre légal, la création de synergie entre toutes les actions de développement et celle des institutions de micro finance, leur regroupement en structure fédérale.
En plus des interventions des différents responsables, le président de la République a donné la parole à une bonne partie de l’assistance.

ATT, qui a pris note des différentes préoccupations soulevées, a promis de donner instruction au gouvernement pour que les mesures idoines soient prises afin de permettre au secteur de jouer pleinement son rôle de financement de l’activité économique. Une réunion technique sera convoquée prochainement autour du premier ministre avec tous les acteurs concernés par la question.

Youssouf CAMARA

31 mars 2006.