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A l’issue de la Convention démocrate à laquelle l’ancien Premier ministre du Mali a participé, le mois dernier, Ibrahim Boubacar Kéïta a souhaité « maintenant la victoire » à Barack Obama. C’était le jeudi 28 août au cours d’une interview qu’il a accordée à l’envoyée spéciale de RFI à Denver, Donaig Le Du.

La Convention démocrate, ouverte le lundi 25 août, a officiellement désigné le ticket Barack Obama – Joe Biden pour conquérir la Maison Blanche occupée, depuis huit ans, par les Républicains à l’issue de ce forum qui a duré quatre jours.

Outre les militants du parti démocrate, plusieurs personnalités africaines ont pris part à cette fête démocratique. Au Mali, l’ancien Premier ministre, Ibrahim Boubacar Kéïta (1994-1996) est la seule figure politique qui s’y est rendue sur invitation, bien sûr, des organisateurs.

Sa présence remarquable n’a pas échappé à notre consœur de RFI, Donaig Le Du. Aussi, IBK s’est-il prêté aux questions de cette envoyée spéciale de la radio mondiale à Denver. «On se croit rêver. Et l’on voudrait que le rêve se transformât en réalité, et c’est rafraichissant et cela nous fait rêver davantage nous autres Africains» a déclaré IBK. Et RFI de revenir à la charge en ces termes : «alors si les Africains votaient justement il n’y aurait pas de doute sur l’issue de cette élection».

Son interlocuteur éclate en rires avant de préciser : «…Pas seulement pour une question raciale ou une question de couleur, mais le message de l’individu, de l’homme, la personnalité a une telle force et tout au long de sa campagne on l’a entendu, cohérent, uni, faisant oublier la couleur et le genre. C’est impressionnant.

Et je crois que c’est ce qui constitue la grande force aujourd’hui d’Obama. L’Amérique toute entière se retrouve en lui, ça c’est pour l’avenir des Etats-Unis d’Amérique, leur stature internationale. Tout cela singulièrement va changer si cet homme, par la grâce des électeurs américains, arrivaient aux affaires».

Cette voix d’IBK est certainement celle de la grande majorité des Africains et même, dans une certaine mesure, des Européens. La récente visite du premier candidat noir à la présidentielle américaine en Allemagne et en France l’atteste éloquemment.

L’ancien chef du gouvernement du président Konaré, qui a dirigé également le parlement malien durant cinq ans (2002-2007) est, sans nul doute, l’une des personnalités africaines qui connaissent bien la politique américaine. Spécialiste des relations internationales, ancien ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, membre de l’Internationale socialiste, IBK a porté haut la voix du Mali et celle de l’Afrique au cours de ces assises.

A l’instar d’IBK, nous souhaitons également bonne chance au Sénateur de l’Illinois qui croisera le fer avec le duo républicain John McCain- Sarah Palin, en novembre prochain.

Qui est Obama ?

Rappelons que Barack Obama – Barack Hussein Obama pour l’état-civil – est né le 4 août 1961 à Honolulu (Hawaï). Ses parents, étudiants à l’Université de Hawaï, s’étaient mariés l’année précédente. Le père, Barack Hussein Obama Sr. (1936-1982), est un Kenyan noir originaire de l’ethnie Luo. Élevé dans la tradition musulmane mais non pratiquant, il deviendra ministre de l’Economie et des finances du Kenya dans les années ’70 avant d’être limogé lors d’un changement de pouvoir et de se tuer dans un accident de voiture en 1982.

Sa mère, Stanley Ann Dunham (1942-1995) future anthropologue auteur d’une volumineuse thèse sur la vie des forgerons ruraux en Indonésie, est une blanche américaine de religion chrétienne originaire du Kansas, lointaine descendante de Jefferson Davis. Le jeune couple mixte divorce en 1963, deux ans après la naissance de l’enfant, dont le prénom «Barack» signifie «béni» en hébreu et en arabe (le nom «Obama» signifie lui «lance enflammée» dans la langue swahili de son père).

Agé de six ans, Barack Obama suit sa mère, qui s’est remariée avec un Indonésien cadre supérieur dans le pétrole, L. Soetoro. Il passe à Djakarta (Indonésie) quatre années de son enfance, de 1967 à 1971, effectuant deux ans de scolarité dans une école musulmane puis deux autres dans un établissement catholique.

Soucieuse de lui donner une bonne éducation, sa mère l’envoie ensuite chez ses grands-parents maternels à Honolulu afin qu’il soit scolarisé au collège de Punahou, un établissement privé plutôt réservé aux enfants de l’élite blanche…

En 1988, Barack Obama reprend ses études. Il entre à la Harvard University pour trois années d’études de Droit couronnées par un diplôme de Juris doctor (doctorat) avec mention magna cum laude.

Il retourne ensuite à Chicago où, de 1991 à 2005, il travaille comme juriste co-gérant du cabinet d’avocats spécialisé dans les droits civiques, «Davis, mineur, Barnhill et Galland». Il occupe aussi parallèlement diverses autres fonctions comme, entre autres, celles d’Editeur en chef de la prestigieuse Harvard Law Review et de Conférencier en droit constitutionnel à l’Université de Chicago.

En 1992, Barack Obama épouse la juriste Michelle Robinson qu’il avait rencontrée en 1989 lors d’un stage d’études. Elle lui donnera deux filles: Malia Ann, née en 1999, et Natasha, née en 2001. Michelle Robinson-Obama, issue d’une famille ouvrière noire du South Side de Chicago, diplômée de Princeton et de Harvard, est une brillante avocate chargée notamment des relations extérieures et communautaires de l’hôpital universitaire de Chicago.

Figure du parti démocrate local, elle a beaucoup aidé son mari à conquérir les réseaux politiques du maire de Chicago, Richard M. Daley, dont elle est proche, et contribue aujourd’hui activement à sa campagne électorale.

Les années ’90 marquent l’intérêt de Barack Obama pour la politique. Proche de la nouvelle gauche libérale progressiste, voire radicale, Barack Obama milite en 1992 pour l’élection de Bill Clinton, d’abord dans les primaires démocrates, ensuite dans la campagne du candidat opposé à George H. W. Bush pour la présidence des Etats-Unis.

Il s’engage également, la même année, dans la campagne pour l’élection au Sénat de l’Illinois de Carol Moseley-Braun. Inspiré par les luttes de Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela, il défend activement les causes des Noirs, des pauvres, des gays, des étudiants, de l’environnement, et plus généralement opposé à l’ordre moral des néo-conservateurs, s’engage dans tous les combats «gauchistes»: luttes contre la peine de mort, contre le Sida, pour l’avortement, pour la justice sociale etc…

En 1995, il publie un remarquable essai autobiographique intitulé Dreams from My Fathers (Les Rêves de mes pères) où il raconte son parcours à la fois d’enfant en quête d’un père et de métis vu comme un Noir par l’Amérique blanche.

Barack Obama débute véritablement sa carrière politique en 1996, lorsqu’il est élu dans la 13e circonscription de Chicago (quartiers pauvres du South Side et de Hyde Park) au Sénat de l’Illinois. Il y est nommé président du Comité de santé publique et lutte activement pour étendre la couverture maladie aux populations les plus défavorisées de l’Etat.

En 2000, il se porte candidat pour l’élection à la Chambre des représentants mais perd contre l’ancien black panther, Bobby Rush.

En 2003, il est l’un des rares élus américains à participer à des manifestations pacifistes et à prendre clairement position contre la guerre en Irak.

En juillet 2004, son charisme, son éloquence et son discours très remarqué en faveur d’une autre Amérique que celle de George W. Bush, font de lui la vedette de la Convention démocrate réunie pour désigner John Kerry candidat à l’élection présidentielle.

Le 2 novembre de la même année, il est élu Sénateur démocrate de l’Illinois au Congrès des États-Unis, avec 70% des voix contre 27% pour son adversaire républicain, Alan Keyes. Seul Afro-américain à siéger au Sénat et troisième de toute l’histoire des Etats-Unis depuis 1865, il prend officiellement ses fonctions de Sénateur, le 5 janvier 2005.

Une grande maison d’édition lui offre 1,9 million de dollars pour écrire trois livres sur son parcours et ses convictions politiques. Le premier volume, The Audacity of Hope, Thoughts on Reclaiming the American Dream (L’audace d’espérer, Une nouvelle conception de la politique américaine) est sorti en octobre 2006 et caracole depuis au top des ventes en librairie.

Le 10 février 2007, Barack Obama se déclare officiellement candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine de 2008, malgré la forte concurrence d’Hillary Clinton. Aujourd’hui, il est officiellement investi candidat à la Maison Blanche. S’il parvient à dépasser effectivement le clivage Noir/Blanc, Barack Obama, 47 ans, a de sérieuses chances de devenir le 4 novembre 2008 le 56e – et premier président noir – des Etats-Unis.

Chahana TAKIOU

01 septembre 2008